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Full text of "Histoire du protestantisme en Touraine"

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DU MEME AUTEUR 



Des Partis qui divisent le Catholicisme contemporain. 
Conférence. Prix 5o c. 

LiviNGSTONE, histoire abrégée de sa vie, volume in-12' 
(Grassart). Prix i fr. 

L'Afrique Centrale, région des grands lacs. Étude 
géographique, (Bonhoure). Prix 60 c. 

Les Taxes de la Pénitencerie apostolique, d'après 
l'édition publiée à Paris en i520, par Toussains Denis, 
Traduction nouvelle en regard du texte latin, avec une 
introduction. (Fischbachef). Deuxième édition. Prix i fr. 

Quelques exemplaires sur papier de Hollande. Prix 3 fr 

Le Mexique aujourd'hui, impressions et souvenirs de 
voyage. Vol. in-12. Pion, Paris, 1884. Prix... 3 fr. 5o 



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HISTOIRE ^-^f^ 

7/ 



DU 



PROTESTANTISME 

EN TOURAINE 

PAR 

A. DUPIN DE SAINT-ANDRÉ 

Pasteur 

« Je l'ai écrit le plus près de la 
vérité que j'ai pu. » 

COMMINES. 



PARIS 



GRASSART 

Libraire-Éditeur 

2, rue de la Paix 



FISCHBACHER 

Libraire- Editeur 

33, rue de Seine 



i885 

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.3r ■ 



A MESSIEURS 



DEVILAINE, FOLTZ, 

GRAND d'ESNON, RENAUDET, et baron 

DE WALDNER, 

Membres du Conseil presbytéral de Tours 

Messieurs. 

Nous allons célébrer le deuxième centenaire 
de la révocation de l'édit de Nantes, et rendre 
à la mémoire de nos pères le pieux hommage 
qui leur est dû. Il est bon qu'on sache ce 
qu'ils ont été et ce qu'ils ont souffert : Je suis 
donc heureux de pouvoir offrir cette année à 
l'église, dont vous êtes avec moi les représen- 
tants officiels, une histoire de son passé. Per- 
mettez-moi de vous dédier ce petit volume. 

Tours, i885. 

A. DuPiN DE Saint-André. 



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PRÉFACE 



Personne jusquici na écrit V Histoire du Trotestan-- 
tisme en Touraine. Nous avons essayé de combler cette 
lacune; mais nous n avons trouvé de renseignements 
abondants et suffisamment complets que sur V Église 
réformée de Tours, Cest donc plutôt une monographie 
de cette Église que nous publions; cependant les noms 
de Saint'Avertin, de Loches, de F Ile-'Bouchard, de 
Chinon, d'Amboise, de Saint-Christophe et de Châ- 
tillon-sur-Indre, reviennent asseï souvent dans ces 
, pages, pour nous donner le dioit d'intituler notre 
Essai ; Histoire du Protestantisme en Touraine, 

Nous connaissons mieux que personne les lacunes de 
ce travail, et nous espérons que d'autres plus heureux 
que nous, le corrigeront et le compléteront. 

En 1882, nous avons inséré dans T Encyclopédie 
de M. Lichtenberger une étude sur le protestantisme 
tourangeau. 

Des documents découverts depuis nous ont fait modi- 
fier quelques-unes de nos conclusions. Nous abandon- 



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nons par conséquent tout ce qui, dans l' article en 
question, pourrait n'être pas d'accord avec le récit que 
nous publions aujourd'hui. D'ailleurs, corriger une 
erreur est chose douce pour un homme qui a pris pour 
devise le mot de Commines : « Je l'ai écrit le plus près 
de la vérité que j'ai pu. > 

Nous sommes heureux d^inscrire ici les noms des 
personnes qui ont bien voulu nous aider dans nos 
longues recherches. Nous devons à M. le D^ Giraudet^ 
à M. D orange, ancien conservateur de la Bibliothèque 
de Tours, à M. Brouillard, à M. Bouchot, de la 
Bibliothèque nationale, à M. O. de Grenier, de Gaus- 
sa de ; à M, Weiss, de la Bibliothèque du Protestan- 
tisme français, à M. Lièvre, d' Angoulême, et surtout 
à M. Paul de Félice, pasteur à Chartres, la connais- 
sance de quelques documents fort précieux. Qu'ils 
veuillent bien agréer l'expression de notre gratitude 
la plus sincère et la plus vive. 



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HISTOIRE 

DU 

PROTESTANTISME 

EN TOURAINE 



CHAPITRE PREMIER 

LES ORIGINES 



« La peste luthérienne va croissant outre 
mesure et répand partout son venin, » écrivait 
en i523, l'Évêque de Meaux, Guillaume Bri- 
çonnet. En effet, depuis quelques années la 
Réforme, qui a été un élan de liberté et une 
affirmation des droits de la conscience et de la 
pensée, avait fait de nombreuses conquêtes 
dans toutes les classes de la société française. 
Des savants et des" littérateurs, des seigneurs 
et des artisans avaient adopté les idées nouvel- 
les et saluaient l'avenir avec joie. « Dieu re- 
nouvellera le monde, » disait Farel à Le Fèvre 
d'Etaples ; « La vérité revient de l'exil, » écrî- 



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vaît à Erasme Guillaume Budé, et d'autres 
ajoutaient : « Elle illuminera nos ténèbres. » 

La Touraine, avec ses grands seigneurs indé- 
pendants et lettrés, avec sa population scepti- 
que et railleuse, ses savants, dont Rabelais est 
resté le joyeux repjrésentant, ne devait pas re- 
pousser la Réforme. On respirait sur les bords 
de la Loire un air trop libre pour se laisser 
effrayer par les hardiesses des novateurs (i). 
Elles eurent d'ailleurs de bonne heure tout 
l'attrait du fruit défendu. 

Nous aimerions savoir comment et par qui 
la doctrine luthérienne a été introduite en 
Touraine. Malheureusement, les origines pre- 
mières du mouvement religieux, qui se pro- 
duisit au xvie siècle dans notre province, sont, 
enveloppées de ténèbres profondes. On peut 
affirmer cependant que la Réforme a eu des par- 
tisans à Tours dès 1 525 . 

Nous en avons trouvé la preuve dans un 
manuscrit latin, que nous citerons plus d'une 
fois, dans V Histoire de la très célèbre église de 
St-oMartin de Tours^ par Rodolphe Monsnîer, 
prêtre de cette église. L'auteur devait être bien 



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re ne saurait être suspect. Or voici ce qu'il 
dit : 

< Jusqu'ici la S*e-Basilique de S*-Martin avait 
conservé intacte la foi catholique des anciens. 
Aucun des siens n'avait été souillé, que nous 
sachions, par l'une des hérésies, qui au cours 
des siècles ont paru dans l'Eglise, quand, au 
mois de décembre i525y par un juste jugement 
de Dieu^ elle fut déchirée par l'hérésie luthé- 
rienne qui était alors pleine de force. Quelques 
prêtres habitués^ ayant plus de goût pour ces 
nouveautés, quHl ne Vaurait fallu, prêchèrent 
certains dogmes luthériens au grand dommage 
de. V église et de la foi catholique (i). » — Les 
premiers prédicateurs de la Réforme en Tou- 
raine sotit donc sortis de l'abbaye de St-Martin. 
D'ailleurs, il n'y a rien dans ce fait qui doive 
nous surprendre. La bibliothèque de la collé- 
giale possédait les Bibles les plus rares et les 
commentaires les plus précieux (2). On y trou- 
vait en particulier plusieurs exemplaires des 

(i) Voir le texte tout entier un peu plus loin. Cf. 
St'Afartittf t. m. Extrait du registre capitulaire 1374 à 
i562, £i» 265 (BibU de Tours). 

(2) L'un deâ traducteurs de la Bible les plus connus, 
Jeban de Rely, « grand annonciateur de la parole de 
Dieu, » dit Le Fèvre d'É tapies avait été doyen de St-Martin 
de Tours. Voir Herminjard, op. c, t. I*', p. 160; cf. 
Pétavel^ La Bible en France, p. 64 et 8s« 



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- 4 — 

œuvres de Nicolas de Lyra, le précurseur de 
Luther, et peut-être quelques prêtres, loin 
de suivre l'exemple d'oisiveté et de liber- 
tinage que donnaient la plupart des moines, 
avaient-ils passé leur temps à étudier les 
épîtres de saint Paul, source première de 
la théologie réformée. D'un autre côté, les 
livres venus de Suisse, de Hollande ou d'Al- 
lemagne n'étaient pas rares. On lisait un peu 
partout les écrits d'Erasme et de Luther (i). Les 
habitués de la basilique de St-Martin avaient 
donc pu s'éclairer facilement sur les grandes 
questions qui passionnaient les esprits. Ils 
avaient pris parti pour la Réforme, et en i525 
ils en prêchaient les doctrines. Ce zèle pouvait 
les mener loin. Marguerite d'Angoulême « la 
princesse très chrétienne » , leur protectrice 
naturelle, était alors en Espagne auprès de 
François h^^ prisonnier de Charles-Quint de- 
puis la bataille de Pavie. La France était gou- 
vernée par la régente, Louise de Savoie, femme 
superstitieuse et de mœurs dissolues, qui vou- 

(i) Lambert d'Avignon avait traduit quelques livres 
d'Érasme ( Herminjard, op. c, t. 1er p. 3^3 )^ et il est per- 
mis de croire qu'il existait des traductions en langue 
française de plusieurs écrits de Luther ( Herminjard^ op. 
c, 1. 1", p. i55, note d), écrits dont le succès était prodigieux. 
« Nulli libri avidius emuntur » écrivait le i" nov. ibao 
Glareanus à Zwingle. (Herminjard, op. c., t. I«r, p. 62). 



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lant être agréable au pape, avait nommé des 
commissaires < pour informer, vacquer et en- 
tendre à la répréhension, correction et pugni- 
tion» des novateurs. Un souffle d'intolérance 
passait sur le pays tout entier, et tandis que 
des luthériens étaient jetés dans les cachots dç 
la Conciergerie, la Sorbonne triomphait. Les 
prêtres habitués de St-Martin durent trembler 
quand, au mois de décembre, le chapitre de la 
collégiale les fit sommer de comparaître devant 
lui. Hérétiques, ils Tétaient. Membres « de 
ceste damnée secte de Luther » que le pape 
Clément VII avait déclaré dans sa bulle du 17 
mai de cette année là, vouloir c extirper, étein- 
dre et abolir », pouvaient-ils attendre quelque 
pitié ? Allaient- ils être traités comme Jean 
Leclerc, le cardeur de laine de Meaux, qui 
après avoir été fouetté publiquement, avait été 
marqué d'un fer rouge et chassé du royaume ? 
Ou bien devaient-ils avoir le sort de maître 
Jacques, le libraire de Metz, qui naguère, avait 
été mis au carcan dans une fosse, et avait eu 
les deux oreilles arrachées ? — Evidemment 
le chapitre pouvait les perdre. Il se contenta 
de leur infliger une verte réprimande et les 
menaça, s'ils ne cessaient immédiatement leurs 
prédications hérétiques, de les chasser de la 
Ste-Basilique. — Quel dommage que le clergé 
de France tout entier n'ait pas eu le bon sens 



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— 6 — 

et la modération de celui de St-Martin I Que 
de larmes et que de sang de moins dans 'notre 
histoire (i)! 

€ Les hommes veulent être conduits et non 
traînés, > écrivait un jour Œcolampade à Farel. 
Belle pensée, que les lutteurs du xvi® siècle 
n'étaient pas en général capables de compren- 
dre I La violence leur allait mieux que la per- 
suasion, et dans ce temps d'intolérance univer- 
selle, le clergé qui se sentait directement 
menacé, avait moins que personne le goût de 
la discussion libre, d'où naissent les convic- 
tions raisonnées et raisonnables. L'hérésie 
l'effrayait et il avait juré de la poursuivre sans 

(i) Httctenua Sta-Basilica Martiana Majorum sqorum 
fîdem catholicam inconcusse servayerat, nullos ex suis, 
quod sciamus, supervenientes in ecclesia catholica decur- 
su teraporum haereses ad hoc terapus fœdaverant, mense 
tamen Decembri insequentis anni i525, justo Det judicio 
adoritur et lacessitur ab haeresi lutherana tune vigente^ 
Cum enim quidam ex habituatis ejusdenî novitatis plus 
quam opertet studiosores dogmata quœdam lutherana 
disséminassent in perniciem ecclesiae et catholicae fidei 
confestim acriter increpantur a D. D. Decano, Canonicis 

'^""^ î'*. oui. nisi cessent illico ab huiusinodi docma- 



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trêve ni merci. Jamais serment n'a été plus 
fidèlement tenu. 

Les menaces que le chapitre de St-Martin 
avait adressées aux prêtres habitués de la basi- 
lique, n'avaient pas empêché le mouvement 
réformateur de .s'étendre dans le pays. Les 
procès-verbaux du concile provincial, qui se 
réunit à Tours en iSsS, nous en fournissent 
la preuve. Nous nous y arrêterons un instant. 
— Il n'est peut être pas inutile de rappeler que 
l'année précédente, au mois de décembre, 
François l^f avait tenu un lit de justice et de- 
mandé aux notables réunis de lui aider à payer 
la rançon de ses fils, prisonniers de Charles- 
Quint. Le cardinal de Bourbon avait promis 
I 3oo ooo livres au nom du. clergé de France, 
en suppliant le roi de travailler de tout son 
pouvoir à l'extermination des luthériens. C'est 
pour ratifier ce marché, que les conciles pro- 
vinciaux furent convoqués en i528. L'assem- 
blée de Tours n'eut pas d'autre origine (i). 
Le roi, qui cependant n'était pas fanatique, — 
il était trop léger et trop peu convaincu pour 
être un ardent défenseur de la messe, — vou- 
lant gagner les bonnes grâces du clergé, avait 
écrit au chapitre de Tours pour rappeler qu'on 
lui avait déjà demandé « de chasser la damnée 

(i) Henri Martin, Histoire de France, t. VIII, p. io5. 



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— 8 — 

secte des luthériens » et déclarer qu'il était 
tout disposé à le faire... Il ajoutait même, 
qu'il avait ; « comme roy très chrestien » cette 
chose < très à cœur ... et disait qu'il y tien- 
droit la main et s'y emploieroit par tous les 
moiens à luy possibles (i) », — Les prélats 
ne demandaient pas autre chose ; mais leur 
joie ne fut pas généreuse. Suivant le conseil 
qoe leur avait donné le pape, ils refusèrent au 
roi le subside qu'il réclamait : ils résolurent 
en revanche, comme les pères du concile de 
Sens, d'extirper le « cancer » de l'hérésie. Les 
procès-verbaux de l'assemblée de Tours, sont 
malheureusement très sobres de détails. On n'y 
trouve le nom d'aucun des chefs du mouve- 
ment réformateur. Tout ce qu'ils nous appren- 
nent, c'est que le nombre des luthériens était 
déjà fort considérable en Touraine, aussi bien 
que dans les provinces voisines. — « Ils pullu- 
lent de tous côtés^ » s'écrie le chanoine Bontan, 
au cours de la discussion, et il supplie les 
Evêques, « d'accord avec ses collègues chargés 
de ce soin et députés pour cela, » de s'occu- 
per activement de l'extirpation des idées nou- 
velles. C'était le conseil qu'avait déjà donné le 



/.\ ir-î- 



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— 9 — 

président en disant : € que les Evêques suffra-^ 
gants et autres^ autant que cela les regarde et 
leur appartient^ aient soin d'arracher avec 
diligence les hérésies qui pullulent dans cette 
province de Tours et dans les diocèses voisins^ > 
et le chanoine Bontan d'§jouter : < il faut chan- 
tier les luthériens (i) >. 

Paris avait donné l'exemple. Déjà, en i526, 
Jacques Pavannes, homme intègre et lettré, 
coupable d'avoir nié l'existence du purgatoire, 
la vertu de Teau bénite et la puissance de la 
Vierge et des saints, avait été brûlé vif en place 
de Grève; Termite de. Livry avait eu même 
sort pour avoir prêché aux paysans la doctrine 
des gens de Meaux, et Louis de Berquin, qui 
plus tard paya de sa vie son attachement à 
l'Évangile, convaincu d'avoir traduit en fran- 
çais quelques opuscules de Luther, avait été 
mis deux fois en prison et n'avait dû son salut 
qu'à l'intervention de François I«r. Ces actes 
d'intolérance avaient excité les esprits, et les 

(i) « Dominus vicarius, praesidens, amicabiliter admo- 
nuit et exhortalus fuit praefatos Dominos suffraganeos et 
alios ut ipsi et eorum quilibat respective in quantum ad 



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— lO — 

membres du concile de Tours qui ne vou- 
laient pas 'être accusés de faiblesse, persuadés 
d'ailleurs qu'il était conforme au droit et par- 
faitement raisonnable de châtier les hérétiques, 
se séparèrent bien décidés à rechercher les 
coupables et à frapper impitoyablement les 
audacieux qui menaçaient l'église d'une réfor- 
me. 

Ces résolutions une fois connues suffirent- 
elles pour intimider les luthériens de .Tou- 
raine et les réduire momentanément au silence ? 
Peut-être ; mais les violences exercées ailleurs 
contre les novateurs, le supplice de Louis de 
Berquin (i), la mort de Jean de Caturce, con- 
damné à Toulouse pour avoir prêché l'Évan- 
gile, et proposé la veille des Rois, de substituer 
aux danses accoutumées la lecture de la Bible, 
devaient enflammer les passions religieuses. 
Comme toutes les causes persécutées , la 
Réforme allait trouver une force nouvelle 
dans les supplices de ses enfants. Le sang des 
martyrs est une semence qui germe toujours. 

Tant que vécut la reine-mère, Louise de 
Savoie, les luthériens de France se sentirent 
menacés par le fanatisme de cette femme, qui 



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— II — 

» 

croyait racheter les désordres de sa jeunesse en 
persécutant les novateurs. Elle mourut le 21 
septembre i53i. Les réformés respirèrent • 
Protégés par Marguerite de Navarre, qui fit 
prêcher au Louvre son aumônier, Gérard 
Roussel, ils espéraient pouvoir vivre en paix. 
Un instant l'avenir leur sourit, et cependant de 
temps en temps on brûlait encore un hérétique 
pour la plus grande gloire de Dieu. A Tours, 
Catherine Mareschal fut mise à mort en 1 5 3 2 ( i ), 
et sa fortune fut réclamée par les religieux de 
St-Julien. Il est vrai que le roi ne leur aban- 
donna cette proie qu'après qu'ils eurent établi 
leur droit de haute justice et prouvé que les 
biens de la malheureuse femme leur apparte- 
naient, < comme ayant esté bruslée et exécutée 
dans le plein fief de Vabbaye pour crime 
d'hérésie {2). » 
L'entrevue que François !«' eut à Marseille 

(1) Nous n'avons pas trouvé la date du supplice, mais 
nous pouvons affirmer qu'il eut lieu en tout cas, avant 
le 4 février i533; car ce jour- là, le sieur de la Porte, 
conseiller au parlement, fut chargé d'ordonner à tous les 
tribunaux « d'adinumAr à la barre du Dallais tous ceux 



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— 12 — 

au mois d'octobre i533 avec le Pape, dont il 
désirait ardemment l'alliance, fit trembler les 
novateurs. SoUicité par Clément VII de com- 
battre l'hérésie, le roi enjoignit au Parlement 
de poursuivre les luthériens; il écrivit à 
l'évêque de la capitale de commettre deux con- 
seillers royaux < pour faire et parfaire procez 
d'iceulx hérétiques; » et il lui envoya deux 
bulles « qu'il a pieu, dit-il, à nostre St Père 
le Pape nous octroyer pour extirper icelle 
secte luthérienne de nostre royaulme » (i). La 
persécution semblait devoir recommencer plus 
violente que jamais ; il n'en fut rien cepen- 
dant. Les prêtres eurent beau tonner du haut 
de la chaire contre les hérétiques (2) ; le roi 
fit la sourde oreille. Des raisons politiques 
avaient changé ses dispositions, quand éclata 
la malheureuse affaire des placards. 

Le 1 8 oct. 1 5 34, sur les murs d' Amboise (3), 
(et c'est ainsi que cette affaire nous intéresse 
directement), on put lire une affiche qui devait 

(i) Herminjard, op. cit., t, III, p. ii5 et ss. 

(2) A Tours, pendant le Carême de Tannée i534, on 



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— i3 — 

soulever bien des colères. C'était les < Articles 
véritables sur les horribles^ gratis et impor^ 
tables abus de la messe papale^ inventée direc- 
tement contre la Saincte Cène de Nostre Sei- 
gneur^ seul médiateur et Sauveur Jésus Christ. > 
— Ce factum, dont le titre seul nous indique 
la violence, était l'œuvre non pas de Farel, 
comme on l'a souvent répété, mais du Neu- 
châtelois Antoine de Marcourt (i). Le texte 
nous en a été conservé dans le martyrologe de 
Crespin. 

€ J'invoque le ciel et la terre en tesmoignage 
de vérité, contre ceste pompeuse et orgueil- 
leuse messe papale, dit l'auteur en commen- 
çant, par laquelle le monde (si Dieu bien tost 
n'y remédie), est et sera totalement désolé, 
ruiné, perdu et abysmé : quand en icelle nostre 
Seigneur est si outrageusement blasphémé et 
le peuple séduit et aveuglé. Ce que plus on ne 
doit souffrir ni endurer. » — Puis, dans les 
quatre paragraphes dont se compose ce pam- 
phlet, l'auteur affirme: i® que Jésus-Christ € a 
baillé son corps, son âme, sa vie et son sang 
pour nostre sanctification en sacrifice très par- 

(i) Voir la savante note de M. Herminjard {Corresp. 
des RéJorm.f t. III, p, 225), sur l'auteur des placards, à 
propos du Petit Traité très utile et salutaire de la 
Saincte Eucharistie de Nostre Seigneur Jésus Christ^ 
par Antoine de Marcourt* 



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— 14 — 

fait; » et que « ce sacrifice ne peut et ne doit 
iamais estre réitéré » ; — 2« que € ceste malheu- 
reuse messe a plongé et du tout abysmé quasi 
l'universel monde en idolâtrie publique, quand 
faussement on a donné à entendre que sous les 
espèces de pain et de vin Jésus Christ est con- 
tenu et caché corporellement, réellement et 
personnellement en chair et en os : — 3^ que 
« c'est doctrine de diables contre toute vérité 
et apertement contre toute l'Escriture » que la 
doctrine de la transsubstantiation, d'après la- 
quelle, quand « ces sacrificateurs aveugles » ont 
soufflé ou parlé sur le pain et sur le vin, « il 
ny demeure ne pain ne vin; » — 4® que « le 
fruict et l'usage de la messe est bien contraire 
au fruict et à l'usage de la Saincte Cène de 
Jésus Christ... » Celle-ci réjouit l'âme du fidèle 
et la remplit de consolation, d'humilité, de foi 
et de charité ; mais « le fruict de la messe est 
bien autre; car par icelle, dit le pamphlétaire, 
dont la plume ne respecte rien, toute cognois- 
sance de Jésus Christ est effacée, la prédica- 
tion de l'évangile est reiettée et empeschée, le 
temps est occupé en sonneries, hurlements, 
chanteries, vaines cérémonies, luminaires, en- 
censemens, desguisemens et telles manières de 
sorceleries, par lesquelles le povre monde est 
(comme brebis ou moutons), misérablement 
trompé, entretenu et pourtnené, et par ces loups 



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— i5 — 

ravissants mangé, rongé et dévoré... » En 
sonfime, s'écrie-t-il en terminant, emporté par 
sa colère, « vérité leur défaut, vérité les me- 
nace, vérité les pourchasse, vérité les espou- 
vante : par laquelle en brief leur règne sera 
détruit à iamais (i). » 

François I^r était à Amboise, quand parurent 
ces placards (2). Un exemplaire en fut apposé 
sur la porte même de sa chambre à coucher. 
On devine sa colère. Attaquer la messe était 
déjà une faute à ses yeux ; mais qu'on eût osé 
venir dans son château, malgré murailles, 
grilles et sentinelles, afficher à l'entrée de ses 
appartements privés un audacieux factum, 
voilà ce qui l'irritait le plus. C'était la majesté 
royale qu'on avait insultée. Il jura de se venger. 
L'événement prouva que François I^"^ savait 
quelquefois tenir un serment. Un chantre de 
la chapelle du roi, particulièrement compro- 
mis dans cette affaire, fut arrêté ; les cachots 
se remplirent et les exécutions commencè- 

(.1) Histoire des tesmoins de la vérité de l'Evangile 
(Crespin). ib7o, f> yg b, g^ gs. — Ces placards ont été 
réimprimés dans la France protestante, pièces justifica- 
tives, et dans les Chroniques du Roy François, i^^de ce 
nom, publiés par Giffrey, Paris 1860, p, 464 et ss. 

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— i6 - 

rent(i). Une procession expiatoire eut lieu à 
Paris le 29 janvier suivant. Le roi y assistait. 
Dans sa fureur il affirma que si < ses propres 
enfants étaient si malheurfeux que de tomber 
en telle exécrable et maudite opinion, il les 
voudrait bailler pour en faire sacrifice à Dieu. » 
Dix luthériens furent brûlés ce jour-là et les 
supplices continuèrent jusqu'en mai. 

On jetait dans les flammes avec les con- 
damnés les pièces de leur procès. Anéantir le 
corps des hérétiques ne suffisait pas à leurs 
bourreaux. Il fallait faire disparaître jusqu'aux 
documents qui contenaient les preuves de leur 
foi et de leur inébranlable courage. Aussi, 
bien qu'à cette époque on ait brûlé beaucoup 
de luthériens, ne connaît-on les noms que de 
quelques-uns d'entre eux. 

Ces supplices multipliés émurent les prin- 
ces allemands, « de l'amitié desquels, dit un 
chroniqueur, le roy avoit lors à faire. « Ils se 
plaignirent, et François I«% sentant le besoin 
de s'appuyer sur eux pour lutter contre 
Charles-Quint, s'excusa dans un manifeste 
adressé le i«r février i535 aux Etats de l'Em- 
pire, se disant calomnié et affirmant n'avoir 



/»\ Ua*.»^:^: — j r* — - j— T>xr^. 



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— 17 — 

frappé que gens séditieux, voulant bouleverser 
le royaume. 

C'est ainsi du reste que les religionnaires ont 
été dès le début jugés par la royauté. Celle-ci 
n'a jamais compris ce qu'il y avait de profon- 
dément religieux dans la Réforme naissante. 
L'indépendance des novateurs, proclamant 
les droits de la conscience envers et contre 
tous, semblait menacer l'autorité suprême. 
Les luthériens parlaient trop de liberté pour 
que les rois ne vissent pas dans leur triomphe 
le prélude d'une véritable révolution. Le pou- 
voir absolu aurait sombré, si la ^Réforme eût 
promené son drapeau victorieux à travers 
les provinces. C'est là ce qui explique, en 
partie du moins, les persécutions'du xvi* siècle. 
La royauté n'a pas d'autre excuse devant l'his- 
toire. Si elle a écouté avec une bienveillance 
extrême les conseils intéressés que lui donnait 
le clergé, menacé lui-même dans son exis- 
tence, si elle a livré au bourreau ceux que 
l'Église appelait de damnés hérétiques^ des 
cancers sociaux, des pestes publiques^ elle l'a 
fait parce qu'elle les regardait comme des sédi- 
tieux. 

Ceux-ci, animés de sentiments bien différents 
de ceux qu'on leur supposait, ne mesurant pas 
d'ailleurs la portée de leurs revendications, 
incapables de se rendre compte des consé- 



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— i8 — 

quences lointaipes que devait produire la 
reconnaissance du droit qu'ils réclamaient 
d'adorer Dieu selon leur conscience, ne pou- 
vaient comprendre qu'on les regardât comme 
des révoltés. Chaque fois qu'ils en eurent l'oc- 
casion, ils protestèrent avec une grande éner- 
gie et une loyauté parfaite de leur respect 
pour la royauté. Ils entendaient conquérir la 
liberté de l'âme, mais ils n'en demandaient 
pas davantage. Calvin a exprimé cette pensée 
dans une lettre à François !«% qui sert de pré- 
face à V Institution chrétienne. Après avoir 
supplié le roi d'examiner sérieusement la doc- 
trine nouvelle, il déclare que les accusations 
lancées contre les luthériens « de ne tendre à 
autre fin, sinon que tous règnes et polices 
soyent ruinées, la paix troublée, les lois abo- 
lies, les' seigneuries et possessions dissipées, 
bref que toutes choses soyent renversées en 
confusion, », ne sont que pures calomnies. 
Les luthériens de cette époque ne voulaient en 
effet ni se révolter, ni bouleverser l'ordre éta- 
bli; ils ne demandaient qu'à jouir de leurs 
droits, et ils oubliaient que le vin nouveau fait 
éclater les vieilles outres. La société de cette 
époque ne pouvait les tolérer qu'en se trans- 
formant elle-même : elle essaya de les écraser. 
Quelques mois avant la publication du 
grand ouvrage de Calvin, deux rubaniers de 



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- 19 — 

Tours avaient été arrêtés à Paris pour cause 
de religion. Ces jeunes gens, qui revenaient 
des Flandres et d'Allemagne, avaient introduit ^ 
en France des livres luthériens. Ce crime les 
conduisit au bûcher. Le i8 septembre i535, 
ils eurent la langue coupée et furent brûlés 
vifs (i). 

Sur ces entrefaites, François !««• déclara la 
guerre à Charles-Quint; mais quel que fût 
son désir de ménager les princes allemands, il 
n'en laissa pas moins les Parlements con- 
damner les hérétiques de France. Dans un 
certain nombre de villes, dçs luthériens subi- 
rent le dernier supplice et l'exode du peuple 
réformé commença, La Suisse ouvrit ses 
portes aux proscrits. Un Tourangeau, qui 
s'appelait Pierre Pineau ou Bineau, était 
en i538 étudiant à l'Université de Baie (2) ; 
en 1543 Jean Chappron de Tours, habitait 
depuis quelques années les rives du lac Lé- 
man (3), et en 1544 (le lundi 4 août) Pierre 
Nynault, de Preuilly, fut nommé pasteur de 
Genève (4;. Pendant les [années suivantes, le 
nombre des luthériens ne fit que croître sur les 
bords de la Loire. Nous savons que ceux de 

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20 — 



Tours eurent à souffrir pour leur foi : un re- 
gistre des comptes de la ville, de i545, nous 
en fournit la preuve (i). Il est vrai que ce 
document ne renferme aucun détail. Nous ne 
connaissons ni le nom des victimes, ni leur 
nombre. Rien n'est resté de ces martyrs. Le 
vent, qui dispersa leurs cendres emporta jus- 
qu'à leur souvenir. 

Un an plus tard, le massacre des Vaudois, 
l'attentat le plus odieux qui pèse sur la mé- 
moire de François I^r, fit naître d'ardentes 
sympathies pour la cause persécutée. Les con- 
versions se multiplièrent tellement à Tours, 
qu'en 1547 ^^ ^^^ envoya dans cette ville plu- 
sieurs compagnies de gens d'armes pour inti- 
mider les réformés. Il n'y réussit qu'à demi ; 
car peu de temps après sa mort, quelques 
exaltés croyant faire œuvre pie, brisèrent dans 
le faubourg Saint-Éloi les statuettes de saints 
et de saintes que les gens bien pensants avaient 
placées au-dessus de leurs portes. C'était une 
faute grave. Les luthériens auraient dû respec- 
ter les symboles du culte catholique. Ces excès 
d'ailleurs étaient bien faits pour irriter leurs 



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— 21 — 

tier saisis de terreur, n'avaient couru tout 
tremblants se mettre sous la protection du 
corps de ville. Le maire fit jeter les émeutîers 
en prison (i). 

Quel fut le sort de ces malheureux ? Recou- 
vrèrent-ils leur liberté? — Peut-être ; mais ri^n 
ne prouve qu'ils n'aient pas été condamnés au 
feu, comme le fut en 1548 un marchand lapi- 
daire de Tours. 

C'est une triste histoire que celle A^Octavien 
Blondel. Arrôcé à Lyon, sur la dénonciation 
d'un hôtelier dont il avait blâmé « les façons 
superstitieuses, » il fut jeté dans un cachot. 
Les sollicitations de ses parents l'ébranlèrent, 
et il renia l'Évangile ; mais sa conscience lui 
fit de tels reproches, qu'il revint sur ses pre- 
mières déclarations. On le condamna à mort, 
et il monta sur le bûcher « avec une singulière 
allégresse (2). » Ses cendres furent jetées au 
vent. 

Ce supplice ne pouvait laisser indifférente la 

(i) Cf. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, t. I, 
p. 337. Les Réformés se rendirent plus d'une fois cou- 
pables d'actes semblables. Témoin la procession qui eut 
lieu en oct. 1 647 pendant les -grands jours, et qui devait 
venger Phonneur d'une statue de la Vierge insultée dans 

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— 22 — 

population de Tours ; car la Réforme avait' 
fait de rapides conquêtes dans celte ville depuis 
quelques années. La bourgeoisie indépendante 
et riche avait adopté les idées nouvelles ; une 
partie de la noblesse était entrée dans le mou- 
vement ; le peuple seul restait fidèle à ses an- 
ciennes croyances. Un moine essaya de l'en 
détac]ier. Comme Luther il appartenait à 
l'ordre des Augustins. On le nommait Ger- 
bault (i). Il était prieur de son couvent et de 
plus, homme de décision et d'énergie. Il prouva 
d'ailleurs qu'il méprisait le danger. Cependant, 
s'il faut en croire une tradition qui pourrait 
bien avoir quelque fondement historique, il 
s'enveloppa d'abord d'un certain "mystère et 
réunit les fidèles dans les excavations des co- 
teaux de Saint-Georges et de Rochecorbon (2). 
La mort tragique de Blondel avait pu lui in- 
spirer quelque prudence; mais il n'était pas 
homme à se cacher longtemps. Persuadé que 
son devoir l'obligeait à combattre ouvertement 
l'Église des Papes, il quitta son habit de moine, 
et le manteau court sur l'épaule, à la mode des 



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— 23 — 

ministres de Genève, il se mit à expliquer la 
Bible au peuple sur les places et dans les rues. 
Cela se passait vers i55o. 

A la même époque vivait à Tours un moine 
augustin, qui avait un grand renom de savoir 
et d'éloquence et qui s'appelait Jean de 
VEspine (i). Les historiens de Touraine 
disent qu'il fut le compagnon d'œuvre et 
l'émule de Gerbault. Cette affirmation est-elle 
absolument exacte? On peut en douter. En 
tout cas, la question vaut qu'on l'examine : 
nous nous y arrêterons un instant. 

A quelle époque remonte la conversion au 
protestantisme de Jean de L'Espine? Elle n'eut 
lieu qu'en i56i. Th. de Bèze l'affirme dans 
une lettre qu'il écrivit à Calvin au moment où 
se réunissait le colloque de Poissy (2). Ce n'est 
pas que depuis longtemps Jean de L'Espine 
ne fit ses réserves sur la valeur de certaines 
cérémonies catholiques et n'eût adopté une 
partie des idées nouvelles, mais il cherchait 
encore sa voie. Une lettre qu'il écrivit à Calvin 
pour lui annoncer sa décision de rompre défi- 

(0 Voir Bulletin de VBistoire du Protest., 90 année, 
P.3i. 



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— 24 — 

nitivement avec l'Eglise de Rome, nous révèle 
ses scrupules et nous explique ses hésitations. 
Nous en citerons quelques lignes : il est inté- 
ressant de connaître les pensées intimes de 
l'un de ces moines du xvi« siècle, que leur 
conscience poussait hors de l'Égli&e, mais que 
leurs goûts, leurs habitudes et le soin de leur 
tranquillité, retenaient dans le sanctuaire. 4; Je 
te supplie, écrivait de L'Espine à son illustre 
correspondant, de ne pas attribuer ma lenteur 
à l'astuce ni à quelque dessein mauvais et 
caché. Je te dirai en effet devant Dieu, en toute 
vérité, eî du fond du cœur, que si j'ai tellement 
différé à entrer dans vos églises, je l'ai fait 
d'abord pour ne pas disperser par ma présence 
ces saintes assemblées, et en second lieu parce 
que je n'étais pas encore sûr que je dusse 
abandonner tout à fait l'Église des Papes pour 
fonder de nouveaux groupes... J'ai toujours 
pensé que l'on devait réprouver ouvertement 
et fortement toutes les choses qui, dans cette 
stupide religion humaine, sont contraires à la 
parole de Dieu ou bien y ont été introduites 
par un autre conseil (que celui de Dieu), mais 
de façon cependant à conserver tout ce qui de 
l'institution de Christ y est demeuré intact (i). » 



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— 25 — 

— De là ces hésitations sans fin, naissant m des 
longues et âpres batailles de ses pensées (i). » 
Calvin, dont la volonté n'eut jamais de défail- 
lances, ne pouvait comprendre les tergiversa- 
tions d'un esprit qui ne savait prendre une 
résolution. Aussj, lui écrivait-il quelque temps 
avant sa conversion : < En tout cela, tu ne 
prends conseil que de la peur (2). » Jugement 
trop sévère peut-être, mais un peu mérité. 
Depuis longtemps en ^effet, de L'Espîne, s'il 
avait eu plus de courage, aurait rompu avec le 
catholicisme. C'est en 1546 qu'il avait fait la 
connaissance de Calvin. En revenant d'Italie, 
il était allé le voir à Genève et depuis lors, 
séduit par la noblesse de sentiments et la puis- 
sance intellectuelle du Réformateur, il lui avait 
voué une affection profonde. < Je ne trouverai 
de repos, lui écrivaît-il, à son retour, que 
lorsque le Seigneur m'aura uni à toi par une 
amitié éternelle. En attendant je te prie de 

hominum religione aut alîo consilio introducta essent ; 
sed ita tamen ut quae in illaadhuc'superessent ex institu- 
tione Christi retineantur. » Corpus Reformatorum, CaU 
vint Opera^ t. XX, Spina Calvino, n» 4202, — Cette lettre 
est probablement de i56x. 

(i] « Longas et acres cogitationum conâictationes. > 
Calvini Opéra, t. XVIII, Spina Cahino^ mars i56i, 
no336i. * 

(2) « Solus tibi metus hac in parte consiliarius est. » 
Galvini Opéra, t. XVIII, Calvini Spincë, n© 35o5. 



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— 26 — 

m'écrire et (ce qui t'est facile), de m'instruîre 
des choses qui regardent mon salut ou qui 
touchent à mon devoir. Demandez en outre, 
dans les prières solennelles de vos églises, que 
Dieu nous aide à chasser de nos esprits cette 
torpeur, qui nous prive de la constance et de 
la grandeur d'âme nécessaire pour le prêcher 
sincèrement (i). > — Cette dernière phrase 
contient un aveu de faiblesse et de timidité. 
C'est en vain que le Réformateur dira : « les 
circonstances exigent que nous combattions 
jusqu'au sang, » de L'Espine essaiera de se 
dérober le plus longtemps possible aux péril- 
leux devoirs que lui eût imposés une rupture 
publique avec son église. Il avouera bien par 
exemple en 1548 que les idées de Calvin sur la 
communion sont vraies ; qu'il les approuve 
toutes et qu'il est même nécessaire de faire de 
ces idées une < confession extérieure ; » mais 
il se demande si cette confession doit être faite 
devant les impies (autrement dit publiquement), 
à moins de nécessité absolue (2). On sent qu'il 

iw\ Orn nrfleterea ut nobis in solemnibus ecdesiarum 



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— 27 — 

préfère ne parler que devant des initiés. Au 
fond, c'est la peur qui l'empêche de voir son 
chemin. < Je ne sais, écrivait-il en 1549, com- 
ment il se fait que nous n'ayons pas assez de 
courage pour dépasser les bornes que la crainte 
nous a imposées (i). > Voilà l'homme qui, reve- 
nant un peu plus tard à ses vieilles croyances, 
essaya en i552 de convertir au catholicisme 
le pasteur Jean Rabec. Est-il possible d'admettre 
qu'entre ces deux dates, c'est-à-dire entre 1549 
et i552, il ait présidé des réunions publiques 
à Tours en compagnie de Gerbault? — Je 
réponds non, sans hésiter ; mais en relisant ce 
qu'il écrivait en i55o, au moment où Anne 
Dubourg venait d'être mis en prison : « Qu'im- 
porte que nous périssions cent fois, nous et nos 
biens, pourvu que la gloire de Dieu demeure 
sauve (2), » -— je ne puis m'empêcher de penser 
que l'auteur de ces lignes a dû répandre ses 
principes autour de lui au moins à cette 
époque-là. Il l'a fait sans doute avec une pru- 

coram impiis fieri debeat, si tes non postulet. » Calvini 
Opéra {Corp, Réf.), t. XIII, Spina Galvino, n© 1070. 



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— 28 — 

dence extrême, mais il l'a fait certainement; 
car s'il était trop craintif pour parler haut, il 
était déjà trop croyant pour se taire, er son 
influence, bien que s'exerçant en secret, n'eii 
fut ni moins profonde, ni moins réelle (i). 

Cependant les idées nouvelles s'étaient ré- 
pandues dans les environs de Tours, Un habi- 
tant de Chinon,' Jean Godeau^ qui les avait 
adoptées et s'était établi à Genève, eut le mal- 
heur de rentrer en France avec un de ses amis, 
Gabriel Béraudin, de Loudun. Arrêtés à Cham- 
béry et accusés d'avoir « reprins et admonesté 
un prestre qui blasphemoit le nom de Dieu, » 
ils furent condamnés au supplice du feu. Go- 
deau fut brûlé vif au mois d'avril i55o, « après 
avoir purement confessé la doctrine de l'Evan- 
gile (2), » C'est ainsi que mouraient les Ré- 

(i) Jean de L'Espine (Joannes a Spina, Spina, Spinaeus, 
Acanthius, lo atro Tq; axavSi^c), naquit à Daon, vers 1 5o6. 
11 devint moine dominicain selon de Thou; d'autres 
disent qu'il fût carme ; nous croyons qu'il fut augustin. 
Il était à Toiirs en ii>5o. Il fut envoyé à Angers par ses 
supérieurs en 1 552; mais en i56i il abandonna le catho- 
licisme et fut successivehient pasteur de Fontenay-le- 



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— 29 — 

formés, sans faiblesse ni regrets. Henri II ne 
voyait dans leur constance qu'une obstinaiion 
coupable. Il résolut de les en punir. C'est dans 
ce but qu'il détacha des attributions générales 
de la chambre criminelle du Parlement de 
Paris la connaissance? des cas d'hérésie et créa, 
au sein de ce même Parlement, une chambre 
particulière devant laquelle ne devaient com- 
paraître que des hérétiques. Cette chambre, 
dont les membres reçurent de bonne heure le 
surnom de Brusleurs, s'appela bientôt la 
Chambre ardente, parce qu'elle envoyait sans 
miséricorde les novateurs au bûcher. Henri II 
applaudissait à ces supplices. Aussi, quand les 
bourgeois de Tours, qui étaient presque tous 
hérétiques, apprirent en 1 55 1 que ce monarque i 
allait faire son entrée dans leur bonne ville, 
refusèrent-ils « de se mettre en armes, chacun 
dans sa compagnie », pour aller au devant de 
Sa Majesté. Il fallut un ordre exprès du roi 
pour les y contraindre (i). 

Depuis quelque temps, Henri II était en 
lutte avec le Pape. Il allait s'allier contre 
Charles-Quint avec les Suisses et les princes 
protestants d'Allemagne; mais il n'en f^^ 



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— 3o — 

L'Edit de Chateaubriand, qui fut rendu le 
27 juin i55i, attribua aux juges présidiaux 
aussi bien qu'aux cours souveraines le juge- 
ment sans appel et le châtiment des crimes 
d'hérésie; il prescrivit des mesures sévères 
contre l'introduction des livres venant de 
Genève, interdit les imprimeries clandestines, 
et n'admit dans les écoles et dans les tribu- 
naux que ceux qui produisaient un certificat 
d'orthodoxie; confisqua les biens des luthé- 
riens fugitifs; décréta des peines contre ceux 
qui correspondraient par lettre avec eux à 
l'étranger ou les défendraient en justice, et 
assura aux délateurs le tiers des biens des pros- 
crits et des condamnés. — C'était le triomphe 
de l'intolérance. Les documents qui nous ont 
été conservés, ne nous disent pas comment cet 
édit de funeste mémoire fut exécuté en Tou- 
raine ; mais ce que nous savons, c'est que des 
réformés de notre province passèrent la fron- 
tière en i552 et allèrent demander à la Suisse 
la liberté qu'on leur refusait dans leur pa- 
trie (i). 

A cette époque, cinq jeunes Français, qui 
avaient étudié la théologie à l'Académie de 
Lausanne et qui rentraient dans leur pays 

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— 3i — 

pour y prêcher l'Evangile, furent arrêtés et 
livrés à la justice. C'était Martial Alba, 
Pierre Scribe, Charles Faure, Pierre Navi- 
hères et Bernard Séguin. On les connaît sous 
le nom des cinq écoliers de Lyon, ville où ils 
furent longtemps prisonniers avant de subir 
le dernier supplice. La Suisse ne put les voir 
mourir sans essayer de les arracher au bour- 
reau. Elle envoya une ambassade à Tours, où 
se trouvait alors Henri II, pour le supplier de 
faire grâce et de traiter moins durement les 
luthériens de France. Les délégués des can- 
tons helvétiques furent mal reçus par le roi. 

« J'ai de votre part été plus d'une fois déjà 
en butte à des instigations semblables, leur 
dit-il, mais je vous prie de ne vouloir 
m'inquiéter et induire en erreur dans mon. 
royaume, car je ne vous empêche pas dans 
votre gouvernement ; et en somme dans mon 
royaume tous ceux de la religion sont sujets 
rebelles et vilaines gens dont je ne veux 
pas (i) ». 
L'émigration continua les années suivantes. 



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— 32 — 

Etienne Poncher, réclamât l'organisation 
d'une chambre ardente (i .) Les Réformés étaient 
trop nombreux dans le pays pour ne pas ins- 
pirer quelque respect à leurs ennemis. 



(3) Archevêché de Tours, Copies et Extraits, t. III, 
p. 410. (Bibl. de Tours). 



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— 33 — 



CHAPITRE II 



DE l'organisation DE l'eGLISE DE TOURS 
A LA CONSPIRATION d'aMBOISE. 

i556-i56o 



En i554, il n'y avait pas encore d'églises 
complètement organisées sur le territoire fran- 
çais. Les fidèles, à cette époque, étaient seule- 
ment enseignés, dit un chroniqueur, < par la 
lecture de bons livres et selon qu'il plaisoit à 
Dieu de les instruire ; quelquesïois par exhor- 
tations particulières, sans qu'il y eust adminis- 
tration ordinaire de la parole ou des sacremens, 
jiy consistoire establi : ains (mais), l'un con- 
soloit l'autre comme faire se pouvoit, s'assem- 
blans selon l'opportunité pour faire des prières 
sans qu'il y eust proprement autres prescheurs 
que les martyrs, horsmis quelque petit nombre 
de moines, preschajis moins impurement 
que les autres : tellement qu'il se peut dire 



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-34- 

ritage du seigneur commença d'estre rangé et 
mis en ordre à bon escient (i). » 

C'est en i556 que l'église de Tours fut 
organisée , Un riche bourgeois de la ville, 
nommé Bedoire, < homme de grand zèle, mais 
extrêmement présomptueux, fut le premier qui 
n'épargna, dit Th. de Bèze, ni sa personne, ni 
son bien pour dresser forme d'église entre ceux 
de la religion. » Simon Brossier, qui venait 
d'établir un consistoire à Bourges, aida de ses 
conseils les réformés de Tours. Des anciens et 
desdiacres furent élus. Un pasteur, qui s'appelait 
Poterat, prit la direction de l'église, et quelques 
mois plus tard Jacques Haron (ou Hazon), 
écrivait à CoUadon la lettre suivante : 

« Monsieur et bon amy, je me recommande 
à votre bonne grâce de tout mon cœur, faisant 
savoir de mes nouvelles, c'est assavoir comme 
je m'en retournois à Genève, après avoir visité 
mon père et ma mère, je passé (sic) par la ville 
de Tours, là où j'é si longtemps esté persécuté. 
Plusieurs gens du lieu m'ont (ait arrester, 
tellement que l'église m'a fait proposer (prê- 



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— 35 — 

veillans et autres. Lesquels après m'avoir ouï, 
ont regardé que je pouvois servir à la gloire 
de Dieu, et par ce moien ils m'ont fait demou- 
rer de par deçà, voiant aussy la grande néces- 
sité de gens qu'il y a aux églises. Toutefois 
aians mis en avant ceste raison et après avoir 
remonstré à l'église que j'avois promis de re- 
tourner les prians de m'assister pour entretenir 
mon étude, ils m'ont dit que je m'exercerois 
depardeçaetestudierois et que m'assisteroient. 
Ce considéré, j'é bien voulu vous rescrire ces 
choses et vous advertir de mes nouvelles . . . 
Escript à Tours le 2® de novembre 1 556, de par 
vostre Jacques Hazon (i). » 

Il n'est pas probable que le signataire de 
cette lettre soit resté longtemps à Tours, dont 
l'église était déjà ou allait être divisée, grâce 
à Bedoire, le riche bourgeois que nous avons 
nommé plus haut. Ce personnage, n'écoutant 
que son zèle, fit prêcher sans consulter person- 
ne, m environ l'an i556, » François de Beaupas, 
dit Chassebœuf. C'était une faute. Il était inu- 
tile d'établir un consistoire, d'organiser l'église 
en un mot, si chacun devait rester libre de la 
mener à son gré. Les fidèles ne l'entendaient 



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— 36 — 

un schisme, ils démandèrent aux ministres de 
Genève de leur envoyer deux pasteurs. 

Plus d'un an s'était écoulé, quand au mois 
de mai i558, on leur adressa un vieillard nom- 
mé Lancelot (i) et un jeune homme qui s'ap- 
pelait Rouvière {2). Deux camps se formèrent 
aussitôt. D'un côté Bedoire et ses amis, de 
l'autre les deux pasteurs de Genève et une par-» 
tie des réformés de la ville (3) . « Et creust ceste 
division si avant, dit Th. de Bèze, que peu à 
peu les Ministres perdirent la plus part de leurs 
auditeurs, et La Bedoire d'autre costé, amena 
de Poitiers un nommé Jacques Langlois, le 
faisant prescher à Tours tant à luy qu'à ceux 
qu'il lui plaisoit. Lancelot et Rouvière sur 



(i) Lancelot d'Albeau, gentilhomme angevin. 

(2) D'après M. Archinard^ [Bullet. du prot,^ VIII 72), 
le pasteur qui fut envoyé à Tours avec Lancelot le 3i 
mai i558^ se serait appelé Jacques Bouvier^ et d'après le 
Corpus Rejormatorum (XXI, col. 695), Jacques Bonnier. 
Th. de Bèze lui donne le nom de Rouvière, que nous 
adoptons. Nous n'avons trouvé aucune trace d'un pasteur 
nommé Jacques Bouille, que la vénérable Compagnie 
aurait adressé à l'église de Tours, le 6 juillet i558 [Bullet, 



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-37- 

cela feirent tout devoir de remonstrer aux 
schismatîques le mal qu'ils faisoient, mais ce 
fut en vain. Quoy voiant Lancelot, homme 
doux et paisible, demanda et obtint son congé 
et de là fut receu ministre à Montoire, où il 
dressa l'église, tirant par ce moien le Seigneur 
grand bien d'un grand mal. Rouvière ne feit 
pas ainsi, mais déclaira que tandis qu'il auroit 
une brebis, il demeureroit pasteur, sinon qu'il 
fust démis avec bonne cognoissance de cause. 
Langlois d'autre part voiant qu'on s'opposait 
à sa vocation ne voulut plus prescher. Cela 
esmeut La Bedoire de le mener luy-mesme à 
Genève, espérant faire trouver sa cause bonne 
et de l'en ramener ou quelque autre à son ap- 
. petit, pour succéder à Lancelot. Mais les 
Ministres de Genève aians remonstré tant à 
La Bedoire qu'à Langlois la faute qu'ils avoient 
faite contre l'ordre de l'église et refusans d'en- 
trer plus avant en la cognoissance de ceste 
cause, veu qu'ils n'avoient authorité aucune 
sur les églises de France, renvoièrent à vuide 
La Bedoire, aiant voulu Langlois s'arrester à 
Genève, en intention d'y continuer ses estudes 
jusques à ce qu'il fust légitimement appelé au 
ministère. Quelque temps après ceux de Tours 
s'estans ralliés avec Rouvière, au moins la 
meilleure partie, et aians prié les ministres de 
Genève de leur envoler un ministre, Charles 

2 

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— 38 - 

d'Albîac, dit du Plessîs, leur fut adressé (i), 
lequel y estant arrivé et receu par l'église et 
La Bedoîre appelé en consistoire, il ne fut 
iamais possible de le reconcilier et faire reve- 
nir, quoy qu'il n'alléguast raison aucune de 
son fait. Il fut donques excommunié, dont 
il tint si peu de compte qu'il demeura tousiours 
opiniastre quelques remonstrances qu'on luy 
feist et de quelque affliction que luy et sa 
maison fussent visités (2). » 

Ces tristes divisions n'avaient pas empêché 
l'église de Tours de se développer ; et cepen- 
dant la persécution redoublait de violence. 
Deux Tourangeaux furent brûlés en i557. 
Le premier s'appelait ^Philibert Hamelin, 
C'était un ancien prêtre ; il fut arrêté en Sain- 
tonge et transféré à Bordeaux, où il subit le 
dernier supplice (3). 

(i) D'après le Registre de la vénérable compagnie^ B 
f* 33, c'est le Mercredi 6 juin i5b8 que « Charles du 
Plessis (fut) élu pour pasteur de Tours, pour y estre avec 
Jacques Roville (Rouvière), au lieu de M. Lancelot d'Al- 
beau, qui iroit à Montoire ». Opéra Calvini (corp. Réf.), 
t. XXI, col. 607. — Dans le courant de Tannée, Du Ples- 
sis fut envoyé à Blois et Antoine Chanorrier, dit Desme- 
range, qui exerçait le ministère dans cette ville, le rempla- 
ça- à Tours oendant 3 mois. Ce laos de temos oassé. les 



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-39- 

Le second était un habitant de Tours, 
nommé Jean Caillou^ brodeur de son état, qui 
avait commis le crime d'aller prier Dieu dans 
un bois des environs de la ville avec cinq ou 
six de ses amis. Conduit devant ses juges « il 
requit, dit un de ses contemporains, qu'il luy 
fust permis de prier Dieu avant de respondre 
de sa foy, afin qu'il luy donnast force et cou- 
rage pour ce faire, » On n'osa rejeter sa re- 
quête. Il fit donc confession de ses péchés et 
invoqua la grâce du St-Esprit. Puis il pro- 
nonça « les prières qui se font ordinairement 
es Eglises françoises pour tous estats, pour le 
Roy, pour la conservation de son Royaume, 
pour les Magistrats, pour toutes les nécessitez 
des povres affligez, et ce d'une ardeur singu- 
lière. Et puis ayant récité pour confession de 
foy le Symbole des Apostres, se leva et res- 
pondit aux demandes qui lui furent faites avec 
une telle grâce et modestie que les cœurs de 
plusieurs furent rompus iusques à îester lar- 
mes et monstrer signes qu'ils ne demandoyent 
que sa délivrance. » Jean Caillou aurait pu 
sauver sa vie en abjurant ; il aima mieux mou- 
rir (i). 

De tous côtés d'ailleurs ce n'était que sup- 



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— 40 - 

plices, et cependant la cour de Rome n'était 
pas satisfaite. Une lettre adressée au conné- 
table de Montmorency par Babou de la Bour- 
daisière, alors ambassadeur de France auprès 
du Saint-Siège, en fait foi. Qu'on en juge. 
« Dernièrement le Pape me déclara, écrit 
l'ambassadeur, qu'il s'ébayssoit grandement 
comme Sa Majesté ne faisoit aucun compte 
de punir les hérétiques de son royaulme, 
et que l'impunité de M. D'Andelot (il s'agit 
ici de François D'Andelot, l'un des hé- 
roïques défenseurs de St-Quentin, qui venait 
d'être jeté en prison pour crime d'hérésie), 
donnoit une très mauvaise réputation à Sa 
Majesté devant laquelle ledit sieur D'Andelot 
avoit confessé estre sacramentaire (i), et que 5/ 
on Veust mené tout droict au feu, comme, il mé- 
ritoity oultre que Von eust faict chose très 
agréable à Nostre Seigneur, le royaulme de 
France fut demeuré longtemps nect dhéré-- 
sie. » (2) Voilà les conseils que pendant le 
cours du XVI® siècle, la papauté n'a cessé un 
instant de donner à nos rois. Mener les sacra- 
memaires tout droict au feu était pour elle le 
comble de la sagesse et même de la piété. 

(i) Un des noms que l'on donnait aux réformés. 

(2) Bibl. nationale, F. fr. 3i32, 44, cité par J. Dela- 
borde, Encyclopédie des sciences religieuses, au mot 
Andelot. 



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— 41 — 

Cependant les réformés de Tours s'agi- 
taient. Leur nombre leur donnait de l'audace. 
Effrayés, les commissaires du roi se concer- 
tèrent avec le clergé et prirent les mesures sui- 
vantes : 

jo Ordre fut donné à la municipalité de 
faire garder les portes de la ville jour et 
nuit; 

2« On enjoignit à 14 compagnies des pa- 
roisses d'armer i5o hommes, qui devraient 
obéir au commissaire d'Hauterive. Une invi- 
tation du même genre fut adressée aux habi- 
tants les plus connus des bourgs voisins; 

30 Commandement fut fait aux bourgeois et 
manants de Tours de placer chaque nuit de- 
vant leurs maisons « des lanternes et lumières 
ardentes ; > 

40 Furent expulsés de la ville par les ser- 
gents et les clercs tous les vagabonds, gens 
sans aveu, bélîtres, etc. 

Enfin l'on décida que les meneurs du parti 
réformé seraient enfermés dans les prisons de 
l'archevêché. — « Cette mesure arbitraire 
ayant été mise à exécution, dit un historien 
auquel nous empruntons ces détails, une com- 
pagnie de fervents catholiques eut pendant 
trois mois la triste mission de servir de geô- 
liers à ces prisonniers coupables d'avoir reven- 
diqué les. armes à la main ce grand principe 



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— 42 — 

de la société moderne : la liberté de cons- 
cience. » (i). 

Quelques mois plus tard, le 8 mars iSSg, 
Morellanus écrivait à Calvin : « Les affaires 
des Tourangeaux semblent aller mieux que 
dernièrement » (2) . Ce n'était pas beaucoup 
dire, car la tempête qui s'était abattue sur 
l'Église de Tours, ne s'était pas encore calmée. 
Un commissaire, dont nous ignorons le 
nom (3), en poursuivait les membres avec 
acharnement, et ceux-ci commençaient à per- 
dre patience. De sourdes colères grondaient. 
Une grande imprudence allait être commise. 

Voici comment l'un des pasteurs de Tours, 
qui signe Riseus (4), raconte à Calvin, dans 
une longue lettre datée du 16 mai, les événe- 
ments auxquels nous venons de faire allusion. 
Cette épître pleine de détails nous révèle les 
agitations et les violences de cette époque 
troublée. Nous la résumerons en la tradui- 

(1) Giraudet, Hist de la ville de Tours, t. II, p. 4. Il 
est bon de faire observer que les réformés de Tours 
n^avaient pas encore pris les armes. 

(2) Opéra Calvini (Corp, Réf.), t. XV, n- 8045. 

(3) t Praefectus inimicus » Opéra talvini (Corp, Réf.], 
t. XVII, no 3o54, Riseus Calvino. 

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-43- 

sant, sans nous croire obligé d'être bref. <c Tu 
sais, dit Fauteur, que le Seigneur nous a visi- 
tés pour éprouver cette foule que nous avions 
réunie en quelques mois. Il nous a mis dans 
la fournaise et, j'ai honte de le dire, il s'y est 
trouvé plus de foin et de paille que d'argent et 
d'or... et ce qui m'afflige le plus, c'est qu'il y 
a (parmi les malheureux dont je me plains), 
non-seulement des gens du bas peuple, mais 
aussi des hommes sur lesquels je croyais pou- 
voir compter pour censurer et punir. Relever 
l'Eglise sera difficile... Au surplus, douze des 
nôtres, pas davantage, ont été mis en prison. 
La plupart d'entre eux ont pu éviter, en don- 
nant de l'argent, de passer en jugement; les 
autres n'ont pas encore recouvré la liberté. > 
Riseus raconte ensuite que plusieurs membres 
de son troupeau sont venus le trouver dans la 
maison où il se cachait, et ont insisté auprès 
de lui pour qu'il écrivît aux églises voisines et 
leur demandât du secours. < J'ai refusé, dit-il, 
et leur ai déclaré que je ne suis pas ici pour 
réunir une armée, mais pour prêcher la pa- 



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- 44 — 

les chefs du parti réformé se décidèrent à con- 
voquer une grande assemblée sur Tune des 
places publiques de la ville et à faire parler 
leur pasteur devant le peuple pour essayer 
d^émouvoir le commissaire chargé des affaires 
religieuses et Tempêcher de frapper les prison- 
niers. C'était hardi, et encore plus imprudent. 
Riseus fit des objections. < Si la foule (qui se 
réunira sur la place), est armée, disait-il, nous 
ne pourrons empêcher qu'on nous accuse de 
sédition ; si elle est sans armes, le loup, quel 
que soit le nombre des brebis, enlèvera toutes 
celles qu'il voudra prendre. » Il n'y avait rien 
à répondre à ce dilemme; mais comment arrê- 
ter des gens qui sont décidés à faire une folie ? 
Ils insistèrent, et Riseus, entraîné malgré lui, 
écrivit aux églises voisines la lettre sui- 
vante : 

4 Les calamités qui ont fondu sur nous depuis 
Tarrivée du commissaire chargé des affaires 
religieuses, vous les connaissez, mes Frères. 
Et cependant, ce qui est arrivé est peu de chose 
en comparaison des coups dont on nous me- 
nace. Pour les éviter, nos anciens réunis n^ont 
rien trouvé de mieux que de nous assembler 
en très grand nombre sur une place de la ville 
et d'y confesser notre foi. Si vous le trouvez 
bon, nous vous supplions de vous joindre à 
nous. Nous vous rendrons la pareille au be- 



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-45- 

soin. Salut en Christ.» — On fixa le jour de la 
réunion, et des copies de cette lettre furent 
adressées immédiatement aux églises. Malheu- 
reusement les anciens de Tours, désirant av©ir 
l'avis du roi de Navarre, décidèrent sans 
prévenir leur pasteur ni les gens qu'ils 
avaient invités à venir en ville, de ne pas 
s'assembler à la date fixée • La réunion fut 
retardée d'une quinzaine. Cependant au jour 
dit, les membres des églises des environs se 
rendirent à Tours. Ils étaient fort nombreux ; 
mais apprenant ce qui se passait, ils reparti- 
rent. On les laissa faire pour les mieux frap- 
per. 

« Je reçus bientôt un fort triste message, 
écrit Riseus dans la lettre que nous analysons. 
L'on vint m'annoncer que pJusieurs d'entre 
eux avaient été arrêtés sur la route et jetés en 
prison... Je ne sais comment finira cette tra- 
gédie. Notre ennemi est parti laissant dans les 
cachots plus de 40 personnes (je parle de 
ceux des villages voisins...). Il a promis une 
grande récompense à celui qui me livrerait, et 
je suis connu dans ce pays-ci plus qu'il ne 
faudrait... Dans ces conditions-là il est diffi- 

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^46- 

peux voîr par là dans quel état sont nos affai- 
res (i). » 

Calvin, qui avait été informé de cet événe- 
ment, écrivait le 1 7 mai à l'un de ses corres- 
pondants : < Les Tourangeaux ont joué du 
clairon avec témérité et cela pour leur malheur. 
Cette leçon les rendra moins ardents (2). » 

L'événement devait prouver que le réfor- 
mateur de Genève connaissait mal les habi- 
tants de Tours. Ecrasés pendant plus de trente 
ans, ils vont prendre une part active aux luttes 
qui se préparent. Bientôt en effet la guerre 
civile déchaînera ses fureurs sur les provinces 
et les Réformés, qui ont vu leurs frères empri- 
sonnés, martyrisés, roués, brûlés, et qui déjà 
n'écoutant que leur colère, ont publié des 
libelles violents contre la messe, brisé des 
statues vénérées par le peuple des villes et des 
campagnes, essayé de fomenter des émeutes, 
n'hésiteront plus à attaquer leurs ennemis. 
La patience fort relative, dont ils ont fait preu- 
ve et qu'explique peut-être leur faiblesse numé- 
rique, n'est plus de leur goût. Avec la conju- 
ration d'Amboise, ils vont ouvrir une ère 



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— 47 — 

sanglante, dont l'édit de Nantes marquera la 
fin et pendant laquelle les deux partis se heur- 
teront sur les champs de bataille. Ces combats 
fratricides n'empêcheront ni les luttes dans les 
rues, ni les pillages, ni les massacres. En 
Touraine le sang coulera, des sanctuaires 
seront dévastés et la Loire roulera des cadavres 
dans ses flots. Triste temps que celui-là ! Nous 
n'essaierions pas d'en écrire l'histoire, si nous 
n'étions persuadé que, raconter les lugubres 
exploits de l'intolérance religieuse est le plus 
sûr moyen de la frapper au cœur. 



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-48- 

CHAPITRE III 

le protestantisme en touraine, 
d'ambc 

VASSY. 

i56o-i562 



Malgré les violences exercées contre elle, la 
Réforme avait pénétré dans toutes les villes du 
royaume et dans les campagnes les plus recu- 
lées. Paysans, ouvriers, capitaines, artistes (i), 
grands seigneurs, chantaient les psaumes et 
lisaient la Bible. Les églises se multipliaient, 
mais ne formaient pas encore une fédération, 
ayant des lois, une discipline, un drapeau. 
Le synode, qui se réunit à Paris en iSSg, leur 

(i) La Touraine a produit plusieurs artistes protestants. 
Citons François Bunel, peintre distingué, qui vivait au 
milieu du xyi» siècle ; le graveur Abraham Bosse, né à 
Tours en 1602, le peintre Antoine Bahuche et sa fille 
Marguerite, qui épousa Jacob Bunel (fils de François), 
conservateur du musée du Louvre et des Tuileries, et qui 
devenue veuve dut à son talent pour la peinture de suc- 
céder à son mari et de toucher un traitement de 600 livres. 



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— 49 — 

donna ce qui leur manquait. Tandis que les 
bûchers flambaient sur les places publiques, 
environ cinquante pasteurs et anciens, assem- 
blés dans une humble maison du faubourg 
St-Germain, rédigèrent une confession de foi 
et un code ou discipline^ contenant les lois 
qui devaient régir les jeunes églises. Cette con- 
fession de foi et ce code, avec les modifications 
qu'il a subies depuis lors, ont joui d'une auto- 
rité absolue au sein du protestantisme, jusqu'à 
la fin du siècle dernier. 

L'un des pasteurs de Tours assistait à ce 
synode. Il semble y avoir joué un rôle assez 
important; ce qui nous fait croire que ce 
devait être Charles d'Albiac, homme actif, 
remuant et d'une intelligence peu commune. 

Pendant que les ministres et les anciens 
réunis à Paris délibéraient, on persécutait les 
hérétiques sur les bords de la Lobc^. Le nom- 
bre des Tourangeaux qui émigrèrent à Genève 
en 1 559, en est la preuve (i) ; mais ces brutali- 
tés ne devaient pas empêcher la Réforme de 
conquérir de nouvelles positions dans le pays. 
C'est en iSSg en effet que furent dressées les 
églises de St-Avertin et de Chinon. Il serait 
intéressant de savoir s'il y en avait d'autres 
dans les environs de Tours et d'en connaître 

(i) Voir Appendice^ n* IV. 



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— So- 
les noms. Les documents que nous avons pu 
consulter, sont muets à cet égard ; maïs la let- 
tre de Rîseus à Calvin, dont nous avons donné 
un extrait dans le chapitre précédent, nous 
permet de croire qu'il y avait en Touraine des 
groupes importants de réformés. L'organisa- 
tion des églises de Cormery, d'Azay, de St- 
Christophe et de Ligueil, qui étaient pleines 
de vie en i56i, remonte sans doute à cette 
époque-là (i). Malheureusement, à mesure que 
les novateurs devenaient plus nombreux, leur 
patience diminuait. La persécution avait exas- 
péré les plus calmes, et d'un autre côté les 
seigneurs, qui avaient embrassé la Réforme, 
en avaient changé le caractère. Dans les églises, 
on parlait moins de mourir pour sa foi et 
beaucoup plus de se défendre. Un ambitieux, 
sachant profiter de ces dispositions nouvelles, 
pouvait jeter dans les aventures le parti tout 
entier. Le prince de Condé le comprit et 
résolut de combattre les Guises avec les 
forces protestantes. La conjuration d'Amboise 
fut le premier acte de cette lutte sans merci 
entre les Bourbons et les Lorrains. 

Depuis la mort de Henri II, les Guises 



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— 5i — 

commandaient au Louvre. François II, jeune 
et sans caractère, subissait leur influence et 
leur avait abandonné le pouvoir (i). Pour bri- 
ser leur puissance, il fallait leur arracher le 
roi et les traduire devant les Etats comme 
des criminels. L'entreprise était périlleuse; 
elle faillit réussir. Voici les faits : 

Il faut dire avant tout que les réformés n'é- 
taient pas les seuls ennemis des Guises. Des 
hommes politiques faisaient circuler des pam- 
phlets contre les princes étrangers, et d'un 
autre côté des officiers, que la paix avait réduits 
à la misère, se plaignaient amèrement de l'in- 
solence avec laquelle le Cardinal de Lorraine 
avait refusé d'écouter leurs doléances. Cçs 
mal-contents étaient nombreux et devaient 
fournir des soldats pour le coup de main qui 
se préparait. 

Nous avons déjà nommé le chef de l'entre- 
prise, l'homme qui espérait renverser les 
Guises et prendre leur place ; maïs ce n'est pas 
lui qui allait engager le combat. Godefroi de 
Barri, sieur de la Renaudie, esprit violent, 
hardi, inventif, se chargea de recruter les 
troupes et de les mener à l'ennemi. Il parcou- 



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- 52 — 

mit en relations avec les Réformés de Suisse(i) 
et de Strasbourg. Dans ses voyages, il répan- 
dait des libelles contre les Guises. Il distribuait 
aussi deux consultations, écrites l'une par des 
ministres de la Réforme, l'autre par des juris- 
consultes de France et ^d'Allemagne, affirmant 
la légitimité d'une prise d'armes, pourvu qu'il 
ne fût rien entrepris ni contre le roi, ni contre 
l'ordre de succession des Valois, et que l'insur- 
rection fût dirigée par un prince du sang {2). 
Parlant au nom de Condé, qui lui avait donné 
« pouvoir de comparoir en son nom, où il 
apartiendroit, pour adviser à ce qui estoit de 
faire en telle nécessité (3), » La Renaudie fut 
bientôt entouré de fidèles, qui partageaient ses 
haines et ses espérances. 

Le pr février i56o, il réunit à Nantes une 
partie des conjurés, qui prétendaient repré- 
senter les Etats généraux « pour si extrême 
nécessité; » et après un discours violent, il leur 
fit jurer par le Dieu vivant de combattre les 
Guises, « violateurs des consciences, bourreaux 
des calvinistes, dilapidateurs de la fortune 

(i) Calvin désapprouvait la conjuration. Voir Lettres 
françaises^ Paris 1854, t. Il, p. 382 etsq. Cf. Mœrikofer,. 
Hist, des Réfugiés de la Réforme en Suisse^ p. 76. 

(2) Voir Dargaud, Histoire de la liberté religieuse en 
France, t. !•', p. 286. 

(3) Th. de Bèze, Hist, Ecclésiastique^ i58o, 1. 1", p. 261. 



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— 53 - 

publique, étrangers insolents, maîtres impies 
du roi et delà France et dictateurs parjures (i). » 
Puis il leur annonça qu'il serait leur chef, 
jusqu'à ce que le prince de Condé se mît à leur 
tête. Le plan d'exécution fut alors arrêté. On 
convint de faire venir à Blois,au commencement 
de mars, un grand nombre de personnes, qui 
demanderaient à voir le roi, pour lui présenter 
une requête en faveur des réformés. Pendant ce 
temps, cinq cents gentilshommes attaqueraient 
la ville et se saisiraient de la personne de 
Guise et du cardinal de Lorraine, son frère, 
afin de punir ces tyrans « par justice pour ser- 
vir d'exemple à la postérité. » 

Cette entreprise, bien conçue, aurait pu 
réussir, si le secret eût été gardé jusqu'au bout. 
Mais les Guises furent informés de ce qui .se 
tramait contre eux par Avenelles, avocat de 
Paris, et ils amenèrent le roi à Amboise, dont 
le château était facile à défendre. Là, ils atten- 
dirent les conjurés. Coligny et son frère d'An- 
delot, qui n'étaient pas mêlés au complot, y 
vinrent mandés en toute hâte par la reine-mère. 
Requis de lui donner conseil, l'amiral, qui 
était homme « sincère et ouvert (2), » parla du 



(i\ r^or»rrailH rtllV _ rt*-a *■ Tor i-» t^ f\r\ t%t en 



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-54- 

mécontentement de tous les sujets du roi et 
demanda qu'un édit fût immédiatement pro- 
mulgué < par lequel il fust permis à chacun 
de la religion de vivre en repos et seureté en sa 
maison. > C'était, à son avis, le seul moyen 
d'avoir la paix dans le royaume. Les Guises 
espérant « destourner ceste tempeste, qui les 
menaçoit de si près, > ne combattirent pas en 
conseil cette proposition; et le 1 1 mars, le Par- 
lement enregistra une déclaration royale par- 
donnant « tous les crimes concernant le faict 
delà religion, » à condition que les délinquants 
< vescussent de là en avant selon les institutions 
et commandements de l'église romaine.» Seuls, 
les prédicants et les personnes qui avaient 
conspiré contre les membres de la famille 
royale ou leurs principaux serviteurs, étaient 
exclus des bénéfices de l'amnistie. Des réserves 
secrètes enlevaient d'ailleurs toute valeur à 
cet édit. Il ne devait pas arrêter les conjurés. 
Bien qu'il sût que l'entreprise était décou- 
verte, k prince de Gondé était venu à Am- 
boise. C'était faire preuve d'audace. Son lieu- 
tenant, La Renaudie, montra qu'il était digne 
de malwher sous les ordres de ce chef muet. 
Ayant appris près de Blois que les Guises 



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— 55 — 

ville par petites bandes. Les conjurés pou- 
vaient encore enlever le château. Mais un des 
capitaines de La Renaudie, nommé Lignères, 
' fit connaître à la reine-mère les lieux de ren- 
dez-vous, et le duc de Guise, toujours prompt 
à saisir l'occasion, envoya ses gentilshommes 
envelopper les rebelles. Les prisons de la for- 
teresse furent bientôt pleines. 

Cependant le baron de Castelnau, qui com- 
mandait une bande de Gascons et de Béarnais, 
traversa Tours (i) et entra dans le château de 
Noizay le i5 mars i56o. La Renaudie devait 
y arriver le i6 et marcher sur Amboise le 17. 
Le duc de Guise le prévint en ordonnant au 
duc de Nemours d'enlever le château de Noi- 
zay. Le baron de Castelnau pouvait se défen- 
dre : il parlementa et consentit à venir à Am- 
boise avec ses gens pour présenter au roi les 
griets du parti ; mais il fut jeté dans un cachot, 
d^où il ne sortit que pour mourir. 

Le 16, nouveaux combats isolés. Les soldats 
des Guises égorgeaient les prisonniers et sus- 
pendaient leurs corps aux arbres voisins. Ce- 
pendant La Renaudie, toujours plein de réso- 
lution et décidé à vendre chèrement sa vie, 
s'avançait vers Amboise. Le 17, en débouchant 



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- 56 — 

du bois de Châteaurenault, il aperçut un es- 
cadron de cavalerie que commandait Pardail- 
lan, l'un de ses cousins, son ami d'enfance, 
devenu son ennemi. Les deux chefs se recon- 
nurent et se précipitèrent l'un sur l'autre avec 
une égale fureur. Leurs troupes se mêlèrent et 
tandis qu'autour d'eux leurs hommes s'égor- 
geaient, les deux cousins croisèrent le fer. La 
Renaudie, qui était déjà blessé, tomba de 
cheval. Pardaillan démonté, comme lui, vou- 
lut l'achever ; mais son adversaire le tua en lui 
plongeant son épée dans le corps. Quelques 
secondes plus tard La Renaudie, frappé d'un 
coup d'arquebuse, tombait mort à côté de son 
cousin. Ainsi finit ce conspirateur, qui fut l'un 
des hommes les plus vaillants de son siècle. 

Ses soldats se dispersèrent, tandis que les 
troupes de Pardaillan rapportaient à Amboise 
le corps de leur ennemi. Le lendemain, on se 
battit encore jusque dans la ville (i); mais la 
cour était rassurée : les conjurés étaient bien 
vaincus. 

Les Guises déshonorèrent leur victoire par 
la façon cruelle dont ils en usèrent. Les pri- 
sonniers de Noizay eux-mêmes, qui s'étaient 

1 V J».» Jï^ -î 1 • z* 



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-57- 

qu'un vaste charnier. A l'entrée du pont et sur 
la place, des potences portant les corps de 
quelques chefs; aux grilles du château, des 
têtes coupées, des cadavres nus et sanglants : 
partout des lambeaux de chair humaine. La 
cour trouvait ce spectacle fort beau. Les 
jeunes princes et les dames elles-mêmes assis- 
taient aux exécutions. Le cardinal de Lorraine 
était particulièrement joyeux. Il avait eu peur, 
car il était lâche, et il éprouvait une volupté 
sauvage à voir mourir ceux qui l'avaient fait 
trembler. Il variait du reste ses plaisirs. Après 
avoir fait couper des têtes, il ordonna de jeter 
dans la Loire un certain nombre de prison- 
niers. 

On fit peu de procès. A quoi bon ? Tous les 
conjurés devaient mourir. Les chefs cepen- 
dant furent interrogés par le chancelier Oli- 
vier, qui au fond du cîœur, était calviniste. 
Pas un n'eut une défaillance. Jusqu'au der- 
nier moment ils gardèrent leur fière attitude. 
Le baron de Castelnau fit plus. Après avoir 
protesté d'avoir « entrepris contre le Roy », il 
apostropha le chancelier qu'il avait connu 
autrefois : « Quelle honte, lui dit-il! Vous, 
qui devriez mourir avec nous, c'est vous qui 
nous faites mourir I Mais Dieu vous punira, 
et soyez assuré qu'il ne tardera pas. Car c'est 
devant lui, devant le Dieu des opprimés, que 



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— 58 - 

Je vous ajourne avant que l'année soit révo- 
lue (i). > Il faut citer aussi les paroles d'un 
gentilhomme < de bonne marque », nommé 
Villemongis, qui, sur le lieu du supplice,' 
trempa les mains dans le sang de ses compa- 
gnons et les élevant vers le ciel s'écria : < Sei- 
gneur, vois le sang de tes enfants injustement 
espandu; tu en feras vengeance (2). » Le car- 
dinal de Lorraine le trouva insolent; mais le 
chancelier Olivier ne put résister aux émo- 
tions violentes qu'il ressentit. Il tomba ma- 
lade et comme son état inspirait de vives 
inquiétudes, le cardinal vint le visiter; mais 
Olivier lui tourna le dos. « Puis le sentant 
esloigné, il s'écria : Maudit cardinal, tu te 
damnes et tu nous fais aussi damner. » Deux 
jours plus tard il était mort, sans avoir con- 
senti à se confesser. Le duc de Guise le fit 
enterrer < comme un chien (3). > 

Le prince de Condé fut assez habile pour 
sortir d'Amboise vivant. Quand il sut que la 
conjuration était découverte, il ne fit aucune 
difficulté de garder l'une des portes de la ville; 
il n'essaya pas de sauver ses amis et il resta 



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-59- 

nay, mis à la torture, le dénoncèrent comme 
le chef muet de la conspiration. Il est vrai 
qu'on n'avait contre lui aucune preuve écrite ; 
il le savait et il paya d'audace. Ayant obtenu 
du roi l'autorisation de comparaître devant 
lui, Condé, loin de se justifier, déclara que 
« ses accusateurs en avaient menti par la 
gorge faussement et impudemment », et regar- 
dant en face le duc de Guise, il s'écria : 4: S'il 
en est ici qui ait osé cette calomnie ou qui la 
maintienne, Je le somme de se déclarer et de 
m'en donner à l'instant satisfaction. » Le duc, 
que cette apostrophe emportée frappait au 
visage comme un gantelet de fer, eut le bon 
esprit de rester calme. « Monsieur le prince, 
dit-il, a toute raison de se plaindre. Les bruits 
qui circulent sur sa participation aux révoltes 
ne se peuvent supporter plus longtemps. Ils 
sont autant d'imputations mauvaises. Quant à 
moi, loin de les accueillir ou de les appuyer, 
dit-il, en s'adressant à Condé, si vous en venez 
à un combat, je m'estimerai heureux d'être 
votre second et de soutenir votre innocence 
l'épée à la main (i). » L'affaire en resta là. 
Les conjurés devaient avoir dans le pays des 



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— 6o — 

versée, et le corps de ville, après l'avoir fait 
relever, paya des hommes pour la garder pen- 
dant 17 nuits (i). C'est à ce moment-là que 
D'Aubigné traversa Amboise avec son fils 
Agrippa, alors âgé de huit ans et demi. Ce 
gentilhomme fut tellement ému en voyant les 
têtes de ses compagnons encore reconrîaissa- 
blés, qu'il s'écria : < Ils ont décapité la France, 
les bourreaux; » puis se tournant vers son fils : 
« Mon enfant, lui dit-il d'une voix grave, il ne 
faut pas que ta teste soit espargnée après la 
mienne pour vanger ces chefs pleins d'hon- 
neur. Si tu ty cspargnes, tu auras ma malédic- 
tion (2). » C'est le dernier mot de cette tragédie. 
Le sang appelle le sang. 

La population de Tours avait été fort agitée 
pendant les troubles. On avait vu dans les 
murs de la ville le baron de Castelnau suivi de 
quelques-uns de ses compagnons, et les hu- 
guenots avaient levé la tête. Après le massacre 

(i) Voici la délibération du corps de ville : « A esté 
arresté qu*il sera payé par le receveur de lad. Ville à 
Pierre, etc.. (employés) à garder de nuitz la potance... 
sur laauelle v a auatre testes /'relies de Tastelnau. de 



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— 6i — 

des conjurés ils devinrent plus humbles, mais 
ils étaient trop nombreux pour ne pas inspirer 
quelque crainte à leurs ennemis. Le cardinal 
de Lorraine, qui un mois après le tumulte 
d'Amboise,/ vint à Tours avec le roi et la reine 
Marie, était si peu rassuré qu'il fit défendre 
aux bourgeois, « sous peine de vie, » d'escorter 
le jeune monarque (i). Il n'osa même pas faire 
partie du cortège, et après le dîner qui eut lieu 
à l'hôtel de ville, il emmena la cour à l'abbaye 
de Marmoutiers, dont il était abbé. 

Un événement burlesque, qui aurait pu tour- 
ner au tragique, marqua cette journée. Un 
boulanger de la rue de la Riche, < homme 
facétieux, » ayant fait asseoir sur un âne que 
conduisaient « deux jeunes garçons nuds et 
noircis comme mores, » son fils âgé de sept ou 
huit ans, également, nu, les yeux bandés, et 
portant un casque argenté, surmonté d'un 
oiseau à tête rouge, s'était glissé derrière les 
gens de pied, au moment de l'entrée du roi. 
Les Guises virent dans cette mascarade « un 
jeu expressément dressé par les eschevins et 
principaux de la ville pour leur faire despit, » 
et crurent qu'on avait voulu « représenter 
par le mystère, sans parler, ce que portoient 
les escrits de ceux de la religion, à savoir que 

(i) Giraudet, Histoire de Tours, t. Il, p. 5 et 6, 



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-^ 62 — 

le roy enfant estoit conduit, gouverné et mangé 
par un cardinal et des princes estrangers. » 

Cette plaisanterie de mauvais goût faillit 
coûter fort cher à la ville. Les partisans des 
Guises voulaient tout simplement la mettre à 
sac; mais les Lorrains feignirent de croire 
que le boulanger était un sot et que le hasard 
seul était coupable. Ils n'en laissèrent pas 
moins à Tours un ancien moine, le capitaine 
Richelieu, qui commandait une compagnie 
d'arquebusiers à cheval, et qu'ils chargèrent 
d'y exciter quelque tumulte afin d'avoir une 
occasion de châtier cette ville insolente. Les 
huguenots eurent la sagesse de ne pas répondre 
aux provocations qui leur furent adressées. 
Richelieu eut beau parcourir les rues au milieu 
de la nuit, en chantant des psaumes, personne 
ne bougea. Les « chansons dissolues et pleines 
, d'injures contre la Majesté du Roy, de la Royne 
mère et de ceux de Guise » laissèrent les gens 
indifférents. Quand il alla de maison en maison 
convier les plus ardents à venir au prêche, il 
fut reconnu, et aucun des réformés ne se laissa 
prendre au piège. La tranquillité ne fut pas un 
instant troublée, et cependant le capitaine Ri- 
cheljeu accusa les huguenots devant le cardinal 
et devant François II, de tous les méfaits dont 
il venait lui-même de se rendre coupable, si 
bien que la ville faillit tomber « en merveilleux 



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— 63 — 

péril. % Il fallut que le maire, les échevins et 
les juges vinssent trouver le roi et lui fissent 
connaître les < déportements de ce moine 
renié. » Mais ce ne fut pas sans peine qu'ils 
obtinrent une audience, car on leur reprochait 
d'hêtre tous hérétiques, de n'avoir brûlé depuis 
longtemps aucun de ceux de la religion, et 
d'avoir laissé prêcher à Tours un certain David, 
aumônier de la reine de Navarre (i). 

Quelques jours après ces événements, Cathe- 
rine de Médicis, qui avait vu son pouvoir 
4; donner du nez en terre » depuis le mariage 
de son fils avec une nièce des Lorrains, essaya 
de tirer parti des rancunes des huguenots. Elle 
fit des avances à ceux de Tours, et leur laissa 
entendre qu'elle ne serait pas fâchée de venger 
les massacres d'Amboise. L'abbé Chastellux et 
un gentilhomme nommé Tassin, invitèrent en 
son nom le ministre Charles d'Albiac à se 
rendre secrètement auprès de la reine, qui était 
alors avec la cour" au château de Chenon- 
ceaux (2). Cette proposition était si extraordi- 
naire que les . réformés refusèrent de laisser 
partir leur pasteur. On ne se fiait pas à la dame. 



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-64- 

D'Albiac se contenta de rédiger un mémoire, 
véritable réquisitoire, qui devait être mis sous 
les yeux du roi. Cette pièce, signée Théo- 
phile Bordenave, fut confiée à un jeune 
calviniste de Tours, nommé Le Camus, qui 
se transporta à Beaulieu, près de Loches, où 
la cour venait de s'installer. Il espérait rencon- 
trer l'abbé de Chastellux et le prier de remettre 
ce mémoire à la reine-mère; mais sur le conseil 
de l'écuyer Feuquières et de la demoiselle de 
Gognier, attachés l'un et l'autre au protestan- 
tisme, le jour de l'Assomption, dans l'abbaye, 
il donna fort adroitement à Catherine de Mé- 
dicis le document dont il était porteur. Celle-ci 
se retira dans ses appartements et elle venait 
d'ouvrir le mémoire quand Marie Stuart entra. 
Surprise, mais toujours maîtresse d'elle-même, 
l'astucieuse Italienne chargea la jeune reine de 
remettre cette pièce au roi, et pour éloigner 
tout soupçon elle fit arrêter Le Camus. 

Interrogé par le cardinal de Lorraine et un 
peu plus tard par le chancelier de L'Hôpital, 
le jeune huguenot refusa de nommer l'auteur 
du mémoire. Il fut livré au prévôt du palais, 
qui reçut ordre d'employer des moyens éner- 
giques pour obtenir des aveux. Les Guises 
voyaient partout des conjurés; le souvenir des 
massacres d'Amboise les troublait ; ils croyaient 
à de nouveaux dangers et ils espéraient que Le 



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— 65 — 

Camus trahirait ses amis- Ils se trompaient. 
Menacé d'être pendu s'il ne révélait le nom de 
l'auteur du mémoire, il dit en premier Jieu 
que le signataire de ce document était un gen- 
tilhomme gascon qui habitait Tours; mais ses 
sœurs, les demoiselles Le Camus, ayant affirmé 
que Bordenave était un pseudonyme, il déclara 
que la plainte adressée au roi avait été écrite 
par un contrôleur de la ville, nommé Servin, 
qui venait de passer en Suisse. On ne put le 
convaincre de mensonge. 

Quelques jours plus tard (mai i56o), parut 
l'édit de Romorantin, portant que la connais- 
sance des crimes d'hérésie appartiendrait à 
l'avenir aux évêques seuls. En conséquence, 
Le Camus, qui avait été enfermé dans le don- 
jon de Loches et qui devait suivre la cour à 
Orléans, tut renvoyé devant le tribunal de 
l'archevêque de Tours, Simon de Maillé. Ce 
prélat liii fit son procès, mais lentement, et à 
l'avènement de Charles IX (décembre i56o), 
le prisonnier recouvra la liberté (i). 

Sur ces entrefaites la France avait changé 
de maître. François II venait de mourir, et 
Charles IX, son successeur, n'était qu'un en- 
fant. Catherine, tenue à l'écart sous le règne 

(i) Voir La Popelinîère, Hist, de France, i58i, t. I, 
p. 179 et sq. 



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— 66 — 

de son mari et de son fils, allait enfin gouverner 
le royaume. Elle était régente. Les Guises n'es- 
sayèrent pas de lui disputer le pouvoir; ils 
désarmèrent et les huguenot§ se rapprochèrent 
de la reine. Condé et Coligny revinrent à la 
cour, et tandis qu'aux États généraux d'Orléans 
le Tiers réclamait une amnistie pour « les faits 
de religion, » la noblesse de Touraine demanda 
la liberté de conscience, l'entrée des ministres 
au concile national projeté et l'adoption d'une 
partie de la discipline genevoise (i). La Ré- 
forme gagnait du terrain. 

Oh put se rendre compte des progrès qu'elle 
avait faits, quand les États provinciaux se 
réunirent à Tours au mois de juin i56i. Sur 
la proposition d'un député, parlant au nom 
« d'un grand nombre de peuple du dict ballia- 
ge, » le Tiers inséra dans son cahier une re- 
quête au roi, signée Falaiseau, dont nous 
citerons le passage suivant : « Sire, est-il dit 
dans ce document, une infinité de personnes du 
pays et duché de Touraine vous remonstrent 
en toute humilité qu'ilz n'ont rien en ce monde 
qu'ilz désirent plus que leur salut, et que 
pour y parvenir, oyr la parolle de Dieu non 



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-67- 

falcîfHée, ne obscurcye par traditions humai- 
nes et joyr des sacrements en toute puretté 
selon l'Évangile de nostre Seigneur Jésus- 
Christ; et d'autant qu'ilz désirent après le 
service de Dieu s'employer de tout, corps et 
bien, pour vostre service, et qu'ilz n'ont aucune 
chose en plus grande et singulière recomman- 
dation que de démonstrerleur obéissance envers 
vostre Majesté, vous supplient en toute obéis- 
sance faire omologuer en voz courtz de Parle- 
ment, entretenir et garder le dernier édict 
donné à Fontainebleau le xix« jour d'apvril 
dernier; et donner une plus ample déclara- 
tion d'icelluy, deffendant non seuUement à 
tous particuliers, mais aussi àtous justiciers 
et officiers de les troubler ou molester en 
aucune sorte; et davantaige ordonner lieux 
publicques et temples, auxquelz ils se puis- 
sent assembler pour oyr la paroUe de Dieu 
et joyr des sacremens selon la confession 
de foy, que vous ont cy-davant présentée et 
présentent. » — Ce document se termine par 
une demande de convocation d'un concile na- 
tional, dans lequel toutes les choses de religion 
<soyent décidées par la paroUe de Dieu (i). > 



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— 68 — 

Rien de plus légal, ni de plus touchant ique 
cette supplique. Malheureusement les réformés 
de Tours, qui n'avaient pas eu le temps d'ou- 
blier les massacres d'Amboise, ne devaient pas 
se contenter de cette calme revendication de 
leurs droits. 

Déjà, au mois de mars, quelques-uns 
d'entre eux avaient essayé de s'emparer du 
cloître de Saint-Martin ( i ), et le 4 octobre 1 5 6 1 , 
au moment où les membres du colloque de 
Poissy étaient sur le point de se séparer (2), une 
émeute éclata dans les rues de Tours. C'étaient 
les huguenots qui, ne pouvant obtenir l'auto- 
risation d'ouvrir un temple, allaient s'emparer 
d'une église. Obéissant à un mot d'ordre, ils 
envahirent la chapelle des Cordeliers(3),où « le 
peuple estoit assemblé pour célébrer la feste 
de saint François... Chacun s'attendant, sui- 
vant la coutume, dit l'auteur de VEloge des 
Archevêques de Tours, d'entendre la parole de 

(i) Ghalmel, Histoire et Antiquités de St-Martin, p, 54. 
(Mss de la bibliothèque de Tours). 

(2) Jean de Tournay, pasteur de Chinon depuis i55g, 
assistait au colloque (France prot,, 2' édit, t. II, i" 
partie, col. 5o8), avec Gervaise Barbier, diacre de Téglise 



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-69- 

Dieu, par une surprise extrême et très morti- 
fiante aux gens de bien, l'on vid dans la chaire 
de vérité un homme en habit séculier, sectaire 
de Calvin et ministre de mensonge (i)", décla- 
mer insolamment contre la pureté de la doc- 
trine et n'espargnant pas dans son discours la 
conduite spirituelle de l'église. Il n'eust pas 
plus de retenue à l'esgard de la conduite tem- 
porelle de l'Estat, invectivant contre la Majesté 
royalle et l'intégrité de son conseil, et s'effor- 
çant à soulever les esprits contre l'une et l'autre 
puissance sous prétexte de liberté... » (2) Ce 
discours violent mit le feu aux poudres. Les 
passions religieuses longtemps comprimées 
firent explosion. Le peuple, conduit par Mar- 
tin Piballeau, seigneur de la Bedouère, pénétra 

(i) C'était Jean Poterat, comme on peut l'inférer de la 
pièce suivante. « Acte de notoriété constatant que Jean 
Bonnette, dit la Vigne, et Catherine Decharnières, reuve 
de François Arondellcs, vivant orfèvre, furent mariés 
ensemble par deffunt M»® Jehan Poterat, lors ministre en 
l'église protestante réformée au temple des Cordeliers de 
ceste ville de Tours. Signé J. Gaudebert, m'® arbalétrier, 
Ant. Peschot, m^® brodeur. Oct. i563. » Minute de i582 
de Ch. Bertrand, conservée chez M* Vincent, notaire à 
Tours. 

(2) Leclerq de Boisrideau, Eloge ou Histoire des Arche- 
vêques de Tours, f> 239 et sq.(Mss, biblioth. de Tours.) 
— Ce même fait est raconté par Maan , Sancta et métro* 
politana ecclesia Turonensis^ p. 197. (Mss, bibl. de 
Tours). 



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dans le monastère, en chassa les religieux 
après les avoir maltraités, détruisit les autels 
et pilla la sacristie. 

Ausshôt que la reine-mère eut appris ce qui 
se passait à Tours, elle y envoya pour rétablir 
l'ordre un conseiller du roi, le sieur de Che- 
mault. Ce personnage parvînt, au mois de 
janvier suivant (i562), à faire rentrer les Corde- 
liers en possession de leur église. Des perqui- 
sitions furent faites dans les maisons pour 
désarmer les émeutiers, et Martin Pibàlleau fut 
enfermé avec les plus coupables d'entre eux 
dans les prisons de l'archevêché. 

Il semble que cette leçon aurait dû rendre* 
les huguenots plus sages; mais dans la nuit 
du II au 12 février i562, une bande de fana- 
tiques, irrités des mesures prises contre eux, 
pénétrèrent dans l'église du Chardonnet, et 
après en avoir brisé les statues, ils brûlèrent 
les ornements et les autels (i). C'était le pré- 
lude des grandes luttes qui allaient ensanglan- 
ter la Touraine. 

La place que la Réforme occupait dans 
le pays était considérable. Depuis quelques 
années, elle n'avait cessé de faire des conquêtes 



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— 71 — 

dans toutes les classes de la société, et elle 
s'était établie solidement dans quelques petites 
villes des environs de Tours. Nous avons déjà 
nommé Saint- Avertin, Cormery, Chinon, Azay 
et Ligueil, où des églises avaient été fondées. 
Loches avait aussi un pasteur, Jean Chasti- 
nier, qui avait été emprisonné pour cause de 
religion et relâché en i56i (i). A Amboise, 
les huguenots vont s'organiser, s'ils ne l'ont 
déjà fait. Noizay, dont la châtelaine par- 
tage leur foi, leur fournira un asile et plus 
tard un lieu de culte. Dans le nord de la 
province, Saint-Christophe semble avoir été le 
centre du mouvement. C'est là qu'Etienne de 
Longueville exerça son ministère, sur la de- 
mande des habitants de cette petite ville, où il 
ne vint que pour souffrir. 

Depuis quelques années déjà, ce ministre, 
4; natif de ce pays et duché de Touraine », 
desservait dans le canton de Berne les paroisses 
de Prévessin et d'Ornay, quand il fut appelé à 
Saint-Christophe par des affaires de famille. 
C'était pendant Tété de i56i. Les réformés de 



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— 72 - 

cette ville, par lettre du 1 5 septembre, consi- 
dérant « le grand besoin qu'ils avoient de per- 
sonnes de sa vocation », demandèrent . à le 
garder comme pasteur (i). Etienne de Lon- 
gueville, qui était au service des seigneurs de 
Berne, ne pouvait rester en France sans leur 
autorisation. Il leur écrivit pour l'obtenir. 
Après leur avoir raconté qu'on le sollicitait 
« à grandes requestes » en plusieurs endroits 
« de publier le Saint Evangille et parolle de 
Dieu... de l'advis et consentement de l'église 
de Tours, je fus assigné, dit-il, à troys villes et 
grosses bourgades; esquelles un grand nombre 
de personnes conviennent que j'ai tellement 
poùrsuy (réussi) par la grâce de Dieu, qu'il ne 
m'a esté possible et n'est encore d'en départir 
pour retourner en voz pays, pour exercer et 
poursuivre ma vocation et charge par Vous don- 
née... » D'ailleurs on m'a promis ici de m'ex- 
cuser auprès de vos Excellences, d'obtenir 
pour moi pleine liberté et de m'épargner ainsi 
« les grands labeurs et travaulx, qu'il me faul- 
droit porter et endurer au voyage trop long et 
difficile pour mon vieil aage et débilité de mon 
corps... Parquoy, Seigneurs débonnaires, vous 



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-73- 

plaise me faire encore ce bien et grâce de vous 
contenter de mon service que j'ai emploie 
fidèlement et diligemment tant à vostre collège» 
de Lausanne et à l'escole de Gex et pasteur de 
Prévessin et Ornay environ trois ans ; — et me 
délaisser parachever le cours de ce pèlerinage 
et reste de mes ans foibles et débiles avec les 
miens, lesquels m'ont requis, requièrent et 
retiennent avec ardens désirs pour leur distri- 
buer ceste pasture et viande céleste de la pa- 
roUe de Dieu. Vous le ferez d'autant plus 
volontiers, magnifiques Seigneurs, quand vous 
serez bien informez, de ce que véritablement 
je vous certifie, comme aussi pourra taire le 
messager, qu'il y a par deçà de la moisson et 
peuple fidelle en si grand nombre, qu'ils n'ont 
pas la dou:{iesme partie des moissonneurs et 
pasteurs nécessaires, (Ce) qui sera, s'il vous 
plaist, cause assez suffisante pour me des- 
charger de vostre part et me laisser y ci en 
paix (i). > 

C'est le i5 septembre i56i que Longueville 
écrivait ces lignes. Il resta en Touraine ; mais 
la paix qu'il avait trouvée dans son pays depuis 
quelques mois, ne devait pas être de longue 



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— 74 — 

durée. Avant la fin de l'année une émeute 
éclata à Saint-Christophe ; il y eut des maisons 
•brûlées; les huguenots subirent de mauvais 
traitements et quelques-uns d'entre eux furent 
égorgés. Cependant le vieux pasteur avait 
échappé au massacre. Ses paroissiens essayè- 
rent d'obtenir justice. Le comte de San.cerre, 
seigneur de Saint-Christophe, qui semble avoir 
provoqué l'émeute, fut dénoncé par eux à la 
cour; Les églises des environs leur fournirent 
de l'argent pour payer les frais de procédure. 
Celle du Mans s'engagea à leur avancer men- 
suellement vingt livres tournois (i). Ils deman- 
daient : 1° que la prédication de l'Évangile fût 
tolérée « sans forcer directement ou indirec- 
tement le ministre et les fidèles en leur 
conscience et leur religion ; » — 2» que l'on 
souffrît l'exécution des édits de tolérance et 
que « deux des principaux aucteurs et exécu- 
teurs de ladicte sédition » fussent poursuivis 
devant la justice; — S*» qu'il fût fait < répara- 
tion et satisfaction aux veuves des meurdris ; > 
49 que les maisons brûlées fussent reconstrui- 
tes, A ces conditions, ils s'engageaient à recon- 



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-75- 

Il est peu probable que 
Saint-Christophe aient obter 
de pacification du 17 janvit 
leur donner quelque espoir; : 
de Vassy fit éclater la guerre 



date, il n'est peut-être pas inutile de 1 
i563 on ne faisait généralement 
qu*à Pâques. La séance du 22 janvic 
de parler, a donc eu lieu, d*aprè£ 
compter, non pas en i56i, mais en 



— StfaFl$ll5^*«fiF^ 



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76- 



CHAPITRE IV 

DU MASSACRE DE VASSY A LA PROMULGATION 
DE l'ÉDIT d'aMBOISE 

(1 562-1 563) 



Le 3o mars i562, Condé entrait en cam- 
pagne, et tandis qu'il se fortifiait à Orléans, les 
huguenots des bords de la Loire couraient aux 
armes. A Tours, ils surprirent le jeudi 2 avril 
les gardes du château et s'emparèrent de la 
citadelle (i). — Le lendemain, le cloître de 
Saint-Gatien tombait entre leurs mains. De là, 
ils pénétrèrent dans la cathédrale, brisèrent les 
statues et déchirèrent les livres du chœur. 
L'archevêché fut pillé par une bande de fana- 
tiques et le samedi .les portes du cloître de 
Saint-Martin furent enfoncées. Le peuple se 



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// — 

même les tombeaux. Celui de saint Martin fut 
ouvert et les restes de cet homme de bien fu- 
rent brûlés et complètement anéantis. Toutes 
les églises de Tours et celles des environs subi- 
rent les insultes des vainqueurs (i). 

Nous n'avons aucune envie d'excuser ces 
tristes violences; toutefois, si Ton veut être 
juste, on ne doit pas oublier que depuis plus 
de 3o ans, les huguenots étaient persécutés, 
qu'ils avaient vu leurs maisons pillées et leurs 
frères proscrits ou massacrés. La dévastation 
des édifices religieux fut leur vengeance. Dans 
leur fureur, ils frappèrent des statues de saints, 
qui étaient pour eux des idoles, et ils mirent 
en pièces tout ce qui leur rappelait le culte de 
leurs persécuteurs. Ce fut un malheur et une 
faute : un malheur, car ils ont détruit des 
richesses artistiques d'une immense valeur ; 
une faute, — une très grande faute, — car ils 
ont perdu l'occasion, la seule que les circons- 
tances leur aient offerte, de se montrer res- 

(i) A Druye, pour ne citer qu'un exemple, quelques 
soudards huguenots et un nommé Pierre Bauldrée de 
Savonnières a rompirent les aultels et pàintures de Téglise, 
emportèrent ung calice d'argent et plusieurs aultres biens 
et ornemans de la dite église. » Extrait du registre des 
baptêmes, mariages, etc., de la paroisse de Druye, cité 
par Tabbé Quincarlet, dans le Bulletin de la Société, 
Arch. de Tours, 1877-1879, p. 240-241. 



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-78- 

pectueux des sentiments de leurs adversaires, 
et d'accorder à ceux-ci la liberté qu'ils récla- 
maient eux-mêmes et poinr laquelle ils avaient 
pris les armes. 

En apprenant ce qui se passait à Tours, le 
prince de Condé envoya dans cette ville le 
sieur de la Curée ; mais celui-ci ne s'entendant 
pas avec les habitants, le sieur de la Coudre 
vint le rejoindre avec une bonne troupe € et y 
fut laissé pour quelque temps, dit un chroni- 
queur, afin de donner ordre à tout, » Il s'agis- 
sait de faire rentrer le calme dans les esprits 
et d'empêcher le gaspillage des richesses trou- 
vées dans les églises. 

Un certain ordre semble du reste, avoir pré- 
sidé dès le début, au pillage des lieux saints. 
Les chefs de bande faisaient déposer les objets 
les plus précieux dans le trésor de l'abbaye de 
Saint-Manin, dont la clef avait été confiée par 
le chapitre à un apothicaire nommé Simon, 
« l'un des plus grands huguenots qui se trou- 
vassent (i), » et un lieutenant du roi, Gervaise 
Gohiet (ou Goyet), qui était calviniste, com- 
mença même le i6 avril l'inventaire de ce 
riche butin. Ce travail devait être repris le 
mois suivant par les délégués de Condé, 

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— 79 — 

lis (i). Ce prince, craignant qu'on ne fît peser 
sur lui la responsabilité des actes de vanda- 
lisme commis à Tours, écrivit au corps 
de ville le 1 1 mai, pour déclarer que c'était 
« contre son intention et vouloir que les peu- 
ples s'estoient esmeus jusques à abattre et 
démolir, » et s'étaient emparés des joyaux d'or 
et d'argent déposés dans les temples et les 
monastères. Il ordonnait en outre de peser et 
d'estimer* devant les députés des paroisses, cha- 
pitres, couvents, et « autres tels lieux, avec 
orfèvres et autres gens à ce cognoissans et de 
bonne foi, » tous les objets de valeur, — d'en 
foire dresser- un < loyal registre » et de fondre 
les débris « pour être le tout transporté à 
Orléans et y être conservé (2). » 

Le i5 mai, à huit heures du matin, Mes- 
sieurs du présidial lurent cette lettre en la 
chambre du conseil, où s'étaient réunis les 
députés des paroisses, et le jour même les com- 
missaires se mirent à l'œuvre. Gervaise Gohiei, 

(0 II reste plusieurs copies du procès-verbal qui fut 
dressé. La bibliothèque de Tours en possède une (Mons- 
nier, ou\rr. cité, t. II, p. 36i-38®); on en trouve quatre à 



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— 8o — 

lieutenant du roi, s'établit à Saint-Martin avec 
deux conseillers au présîdial et l'un des pairs 
de la ville pour assister à l'inventaire. L'avocat 
Gardette, qui était huguenot, comme la plu- 
part des avocats de Tours, se transporta à St- 
Gatien, et le lieutenant général se rendit à 
Marmoutiers. En leur présence, les orfèvres 
assermentés estimèrent les objets précieux et 
les pierres fines qu'on leur présenta. Nous 
citerons entre autres belles choses la châsse et 
la mitre d'or de saint Martin, la coupe d'or de 
Charlemagne, une grande agathe, sur laquelle 
Mars et Vénus étaient représentés, évaluée 
800 écus, un < camahîeux de Bacchus anti- 
que » et une jolie pierre sur laquelle on voyait 
€ ung petit Cupidon et Vénus (i). » 

Tous ces joyaux devaient être gardés par 
Condé m avec ses biens les plus chers >, 
pour être rendus, disait-il dans sa lettre du 
II mai i562, après la conclusion de la paix, 
« à ceux à qui il appartiendra et comme il sera 
advisé cy-après par sa Majesté et son conseil. » 
Mais pressé par la nécessité, le prince fit 
monnayer l'or et l'argent et vendit probable- 



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— 8i — 

certain nombre de chanoines étaient sortis de 
la ville ; l'archevêque s'était enfui à Vernou, et 
le lo juin, ordre fut donné à tous les ecclé- 
siastiques de vider les lieux dans les 24 heu- 
res (i). Les huguenots ne voulaient pas d'es- 
pions dans leurs places fortes. Cependant, 
quelques chanoines de Saint-Martin restèrent 
à Tours, après avoir assisté à l'inventaire du 
trésor de l'abbaye. Le clergé les regarda comme 
des traîtres. Il est vrai qu'ils n'étaient pas tous 
fort estimés. Monsnier, qui était prêtre, nous 
parle de leurs désordres moraux en termes 
très vifs, et Chalmel raconte que quelques 
mois avant le pillage de l'abbaye, le 12 no- 
vembre i56i, les deux chanoines. Papillon et 
Gazeau, avaient été chargés d'informer contre 
leurs collègues « concubinaires, et de chasser 
du cloître les femmes de mauvaise vie, ainsi 
que les enfants provenus de ce commerce 
scandaleux (2). » Les événements de i562 
n'ajoutèrent aucun lustre à leur réputation, 
car plusieurs d'entre eux s'emparèrent d'objets 
précieux et refusèrent de les rendre après le 
retour des troupes catholiques. Le chanoine 



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— Sa- 
de la Rue mourut même sans avoir restitué ce 
qu'il avait volé(i). 

Depuis trois mois, les protestants étaient 
maîtres de Tours, quand le lo juillet 1662, le 
maréchal de Saint-André vint mettre le siège 
devant la ville. Ses lieutenants firent immédia- 
tement ouvrir des tranchées et mettre des 
pièces en batterie. Une émeute éclata le jour 
même dans l'intérieur des murs. C'étaient les 
catholiques qui voulaient ouvrir les portes à 
l'armée du roi. Les huguenots se sentirent 
perdus. Désespérant de recevoir du secours de 
Condé, un grand nombre d'entre eux aban- 
donnèrent la ville le lendemain, et les assié- 
geants y pénétrèrent avec les ecclésiastiques 
expulsés. Le peuple et les soldats se ruèrent 
sur les vaincus. Le fer et le teu jouèrent leur 
rôle dans cette tragédie ; mais il est bon d'en- 
trer dans quelques détails. 

Déjà, avant la prise de Tours par les troupes 
catholiques, des réformés avaient été massa- 
crés dans les environs. A Ligueil, par exem- 
ple, des fanatiques s'étaient emparés du pas- 
teur, homme « de grande piété et de fort 
paisible esprit, » et après lui avoir crevé les 
yeux, ils l'avaient brûlé à petit feu sur la place 



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— 83 — 

publique, pendant que la populace étranglait 
quelques-uns de ses paroissiens (i). 

Le duc de Montpensier, gouverneur de la 
province et son lieutenant Chavigny, humiliés 
d'avoir été obligés d'a'bandonner Tours aux 
huguenots, n'essayaient pas d'arrêter les meur- 
triers. [Ils laissaient faire, et des massacres 
eurent lieu à Loches, à l'Ile-Bouchard, à Tau- 
xigny et à Cormery. Il y avait dans cette der- 
nière ville, dit Th. de Bèze, « un petit groupe 
de personnes vivans fort paisiblement en la 
crainte de Dieu et sans que ceux du lieu en 
eussent un mescontentement quelconque. » 
On lés assomma dans les rues, avant de les 
jeter dans la rivière; « entre lesquels il n'est à 
oublier un jeune enfant de la ville, nommé 
Mathurin Chaiseau, aagé seulement de dix- 
sept à dix-huit ans, mais d'un singulier esprit 
et de savoir es langues outre son aage, lequel 
estourdi de coups fut par eux lié sur une 
longue selle et esgorgé comme un mouton. Ils 
assommèrent aussi un sien compagnon nommé 
MoreaUj et pareillement un fort docte et hon- 
neste personnage, nommé Scholace^ lequel ils 
assommèrent au bourg de Mantelan. Ceux de 
Tours entendans ces choses, y envoyèrent le 



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-84- 

prévost, pour en faire justice, lequel en ayant 
attrapé un ou deux, fut contraint de se sauver. 
— Ce même jour, une autre troupe de six à 
sept cens se rua sur le bourg d'Azé-le-Bruslé (i), 
à quatre lieues de Chinon, appartenant au sé- 
néchal d'Agenois, où il y avait environ 3o per- 
sonnes, qui s'estoient notoirement retirés de 
l'église romaine, lesquels se voyans assiégés 
par ces chiens enragés^ envoyèrent en diligence 
un nommé Pierre Chardon, ancien de leur 
église, à la ville de Tours pour estre secou- 
rus. » — Il était trop tard. La populace pénétra 
le jour même dans le bourg et « entr'autres 
cruautés, coupa la gorge à la femme dudit 
Chardon^ aagée de 5o ans et plus et à une sienne 
fille aagée de 17 ans, » qui avait essayé de 
sauver sa mère. — Un ancien prêtre, nommé 
maître Pierre, eut le même sort (2). C'était le 
prélude du grand massacre qui devait avoir 
lieu après le départ des troupes protestantes. 

Voici les faits dans toute leur horreur. Nous 
laissons la parole à l'auteur de ÏHistoire ecclé- 
siastique. Le II juillet i562, trois compagnies 
« suivies de tout leur équipage et d'un certain 
nombre de fugitifs, » avaient quitté la ville et 



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— 85 — 

s'étaient dirigées vers •Poitiers. A Balan, latête 
de l'a colonne rencontra quelques paysans qui 
essayèrent de l'arrêter. Après les avoir culbu- 
tés, la petite armée s'avança vers Saint-Epain 
et gagna Port-de-Piles. C'est là que les réfor- 
més de Chinon la rejoignirent, « de sorte 
qu'ils étaient au nombre de neuf cens à mille 
hommes pour le moins. » Attaqués par le 
comte de Villars, gouverneur de Châtellerault, 
ils furent dispersés à Vandœuvres, après que 
leurs chefs se furent rendus. Les uns gagnè- 
rent Poitiers, et les autres furent pris. Le 
pasteur de Chinon, Jean de Tournay^ ou de la 
Tour^ qui déjà en i528 avait prêché l'Évangile 
à Alençon en habit d'augustin, et depuis avait 
exercé le ministère sur les terres des seigneurs 
de Berne « avec grande répu;tation de doctrine 
et de zèle, » était au nombre des captifs. Il 
avait 70 ans. On le livra au bourreau, qui le 
noya dans le Clain. — Le pasteur de l'Ile- 
Bouchard, appelé Ferrand^ et surnommé le 
seigneur Dusson, ne fut pas plus heureux. 
Amené à Champigny avec le seigneur des 
PérousseSj son voisin, ils furent massacrés et 
jetés dans une mare. 

À Tours, le sang allait couler. Le comte de 
Villars avait renvoyé avec un sauf-conduit les 
prisonniers de Vandœuvres. Ces malheureux, 
qui se hâtaient de rentrer chez eux, furent atta- 



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— 86 — 

qués à Port-de-Piles par la populace, quî en 
tua quelques-uns. Deux ou trois cents d'entre 
eux atteignirent cependant les faubourgs de 
Tours ; mais aussitôt qu'on fut prévenu de 
leur arrivée, on fit sonner le tocsin et le peuple 
se mit en devoir de les charger. Peu nom- 
breux furent ceux qui réussirent à s'enfuir, 
« Les autres estans environ deux cents furent 
menés comme brebis à la boucherie et enfer- 
més au temple (église) du fauxbourg de la 
Riche. Ce néantmoîns plusieurs se sauvèrent 
la nuit, estans aidés de leurs parens et amis. 
Le lendemain, le moine Richelieu, accompa- 
gné de soldats, entrant dans ce temple, où il 
trouva ces pauvres gens chantans les psaumes, 
les salua avec horribles blasphèmes à grands 
coups de pistole, dont plusieurs furent blessés. 
Cela fait, la commune enragée commença 
d'entrer au temple et d'outrager en mille sortes 
ces pauvres gens quasi tout nuds, du nombre 
desquels furent traînés six ou sept vingt en la 
rivière. Cela fut le commencement des plus 
horribles et énormes cruautez, qui furent ja- 
mais commises. Car des lors entrez es mai- 
sons de ceux de la religion situées es faux- 
bourgs de la ville, ils ne se contentèrent de 
tout piller et saccager, mais aussi traînèrent en 
la rivière tout ce qu'ils peurent attraper, jus- 
ques aux femmes et aux enfans. » 



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-87- 

Sur ces entrefaites, le duc de Montpensîer 
enjoignit aux prêtres, qui avaient quitté leur 
soutane, de la reprendre immédiatement. Il 
ordonna aux habitants de Tours de faire leurs 
pâques, et après avoir tapissé le devant de 
leurs maisons, d'assister à une procession gé- 
nérale. Enfin, il somma tous ceux qui avaient 
des livres huguenots, de les apporter inconti- 
nent à l'hôtel de ville « pour estre brûlez, » — 
le tout < sous peine de vie. » — Au jour fixé, 
la procession eut lieu : quelques protestants y 
assistaient : on les reconnut, et ceux d'entre 
eux qui ne furent pas jetés dans la Loire allè- 
rent en prison. Quant aux maisons restées 
« sans parement, » et il y en avait beaucoup, 
elles furent pillées et vendues aux plus ofifrants 
par ceux de la justice. 

Un moine fit présenter à tous les habitants 
une confession de foi très catholique, et ceux 
qui refusèrent de la signer, furent condamnés 
à mort ; < ce qui causa une horrible persécu- 
tion à l'endroit de ceux qui se tenoient cou- 
verts et cachez. Mais singulièrement les pau- 
vres femmes eurent grandement à souffrir, 
traisnées à la messe, les unes avecques soufflets 
et autres opprobres, les autres menées à pied, 
les autres montées par risée sur des chevaux... 
On les contraignoit non seulement se mettre à 
genoux, mais aussi de prendre une poignée de 



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— 88 — 

chandelles allumées, dont on leur flamboit les 
mains et le visage avec mille tempestes. Ce 
néantmoins il y en eut qui demeurèrent fort 
constantes et vertueuses et qui jamais ne fles- 
chirent... 

« Une honorable damoiselle de la maison 
du Til^ en Flandre, femme d'un honorable 
personnage, nommé Acace dAlbiac^ de Paris, 
frère de du Plessis, ministre d'Angers, étant 
partie de Lausanne en Suisse avec son mari, 
et surprise par les troubles à Tours, après 
avoir constamment refusé de soussigner cette 
confession, fut traisnée avecques infinis ou- 
trages jusques à la rivière, ayant reçeu en 
chemin un grand coup d'espée sur le visage et 
finalemement avec son hostesse nommée du 
Mortier y et une honorable veuve nommée La 
Chapesière^ jettée en l'eau si basse que ne pou- 
vant estre noyée avecques ses compagnes, elles 
y furent assommées à grands coups d'avirons, 
jusques à faire sortir la cervelle à la veue d'un 
chacun. 

€ Une autre pauvre femme des fauxbourgs, 
le mari de laquelle ils avoient auparavant 
noyé, ayant un petit enfant de sept à huict 
mois pendu à la mammelle et tenant de l'autre 
main une sienne fille fort belle de quinze à 
seize ans, fut avecques grandes insolences 
traisnée au bord de l'eau, là où ayant fait sa 



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-89- 

prière, les genoux en terre, allaitant son en- 
fant, le rechangea là au soleil et le mit sur 
l'herbe, puis se jettant à genoux le recom- 
manda à Dieu. Cependant ces enragez ten- 
toient la fille en toute sorte pour la détourner 
de la religion, les uns^par menaces, les autres 
par promesse, estant là un soldat des plus 
braves, qui luy promettoit de l'espouser, de 
sorte quç la pauvre fille ne savoit que dire ni 
faire. Voyant cela, sa mère luy fit de merveil- 
leuses exhortations à haute voix sur ce poinct, 
ayant esté précipitée dans l'eau. Sa fille voyant 
tels t^cez s'écria disant ces mesmes mots 
(depuis testifiez par quelques-uns de ceux-là 
tnesmes qui lors estoient consentans à ce meur- 
:re et qui depuis furent gagnés à Dieu par telle 
:onstance) : « Je veux vivre et mourir avecques 
ma mère; faites de moy tout ce que vous 
voudrez. » Sa mère n'estoit pas encore morte, 
quand ces malheureux poussèrent la jeune 
iille après, laquelle alla rencontrer sa mère et 
î'embrassans toutes deux, rendirent ainsi l'âme 
à Dieu... 

« Une autre fille, servante de la femme 
d'un des ministres, s^aeée de i7 à i8 ans. 



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— 90 — 

maistresse, — Le jour de devant, la mère 
de ceste jeune fille ayant esté très outrageuse- 
ment battue, puis jettée comme morte en une 
fosse bien profonde, s'estoit toutes fois comme 
par miracle relevée de là sur le soir, et retirée 
secrètement en une maison, où elle fut pansée 
et guérie depuis ; mais un sien fils et trère de 
la dite fille aagé d'environ 20 ans et survenu 
comme on alloit noyer sa sœur, laquelle il 
taschoit de sauver par humbles prières, fut pris 
sur le champ et noyé avec sa sœur, — La 
maistresse de cette fille, femme de l'un des 
ministres et mère de six petits enfants, ayant 
esté finalement trouvée en une cachette avec- 
ques toute sa famille et de là traisnée à la 
rivière, fut ce néantmoins garantie par un 
soldat auquel furent soudain baillez quelques 
deniers par quelques femmes qui en eurent 
pitié, encore qu'elles fussent de la religion 
romaine; mais elle fut contrainte de laisser ses 
enfans et faire sa demeure l'espace de deux ou 
trois mois es greniers, caves et retraites des 
plus secrètes maisons de la ville, esquelles se 
-^•^/-/^ntroient auelauefois auatre 011 c\na en- 



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— 91 — 

Tout était permis contre les huguenots. 
Quand on en prenait un, on disait en plaisan- 
tant « qu'il falloit les mener parler à M, du 
Moulin^ et au consistoire chez MM. du Ponty 
de la Rivière et de la Mare^ parce qu'on les 
noyoit en ces lieux-là. » La justice laissait faire. 
Sur l'ordre de Montpensier, elle avait d'ail- 
leurs fait dresser dans tous les carrefours de la 
ville des gibets et des roues. Un conseiller, 
nommé du Bois et un certain Barrault, qui 
avaient fait semblant d'être de la religion, 
furent les grands pourvoyeurs du bourreau. 
Ils lui livrèrent entre autres Moreau^ homme 
honorable, beau-père de l'un des ministres, 
René Bouilli et Fouquet^ membres du Consis- 
toire, Pavillon^ lieutenant de la prévôté, Geri" 
îron^ vieillard estimé de tout le monde, chez 
jui la Cène avait été célébrée, Partey^ coutu- 
rier, Guillaume Guillot^ orfèvre, et Jourdain^ 
barbier des pauvres. Un cordonnier, nommé 
phdtillon^ mourut sur la roue et fut traîné < au 
ravers des rues à la rivière, n'ayant quasi plus 
brme d'homme. » — Gerbault, l'ancien prieur 
les Augustins, le compagnon de Jean de l'Es- 



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. — 92 - 

La mort d'une femme, nommée La Glée^ 
mérite d'être signalée. < Cette honneste bour- 
geoise, dit Th. de Bèze, ayant bien profité en 
la parole de Dieu, fut présentée à Chavighy 
devant lequel elle rendit raison de sa foy, 
confermée par tesmoignages de l'Escriture, 
avec telle constance, en la présence de quel- 
ques moines et prestres, qu'ils ne sceurent que 
répliquer, sinon qu'elle estoit en très mauvais 
estât. — t Ouy, dit-elle, puisque je suis entre 
vos mains ; mais j'ay un Dieu qui ne me lais- 
sera point. » — « Vous avez, dirent-ils, re- 
noncé à la foy. » — t Ouy, dit-elle, la vostre, 
que je vous monstre estre réprouvée et mau- 
dite de Dieu et indigne d'estre appelée foy. » 
— Sur ce, renvoyée en prison, elle fut de 
rechef fort sollicitée à se desdire, luy estans 
envoyées pour cest effect quelques femmes en 
la prison. Mais ce fut en vain. Car mesme elle 
preschoit et consoloit de plus en plus les prison- 
niers estans en mesme prison pour la religion. 
Partant une matinée, comme elle vouloit pren- 
dre son repas, on luy vint annoncer sa sentence 
d'estre pendue et estranelée. et à trois hommes 



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- 93 - 

reux monde, et de l'honneur qu'elle recevoit 
de mourir pour sa vérité et porter son collier, 
appelant ainsi la corde qu'on luy avoit mis au 
col ; puis ne laissa de se mettre à table et de 
desjeuner avec la compagnie, bénissant Dieu 
et exhortant ses compagnes à prendre courage 
et de s'asseurer en la miséricorde de Dieu. — 
Finalement, ayant envoyé à ses enfants quel- 
ques petites hardes qu'elle avoit, elle se fit 
apporter des brassières de drap blanc et dit 
qu'elle alloit aux nopces. Estant donc arrivée 
devant le temple (église) de St-Martin, comme 
:)n la pressoit de recevoir une torche et de 
aire amende honorable à Dieu et au Roy : 
lOstès, ostès, dit-elle, je n'ay offensé ni Dieu, 
fl le Roy en ce que vous dites et pourquoy je 
neurs. Je suis pécheresse, mais il ne me faut 
pint de telles chandelles pour demander à 
Heu pardon de mes fautes; c'est à vous, qui 
cieminez en ténèbres, qu'elles appartiennent. » 
^ Sur cela, une de ses parentes la rencontra et 
hy présenta ses petits enfants, la priant d'en 
aroir pitié, veu qu'elle pouvoit se réserver à 
eix et sauver sa vie en renonçant à sa religion. 
1 ceste rencontre l'affection maternelle luy fit 
umber quelques larmes des yeux ; mais sou- 
dain reprenant courage : « J'ayme bien, dit- 
elle, mes enfans ; mais pour eux ni pour autres 
je ne renieray mon Dieu, qui est leur père et 



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- 94- 

qui pourvoira à leurs nécessités, au quel je les 
recommande ; » et passa outre sans estre autre- 
ment troublée. — Arrivée au lieu du supplice,- 
elle prioit Dieu sans cesse, levant les yeux en 
haut, et comme on estoit prest d'exécuter les 
hommes qui furent menés avec elle, voyant, 
qu'ils s'en alloient sans parler, ni prier Dieu, 
elle les convia à ce faire et commença à reciter 
à haute voix la confession qui commence 
ainsi : « Seigneur Dieu, père éternel et tout 
puissant, » contenue aux prières ordinaires, 
récita aussi la prière, à savoir l'oraison domi- 
nicale et les articles de foy et ainsi rendit 
l'esprit à Dieu (i). » 

Pendant que les vaincus mouraient brave- 
ment, que les rues étaient souillées de sang et 
que la Loire charriait des cadavres, Richelieu 
et ses sicaires s'enrichissaient aux dépens da 
leurs victimes et se ^vantaient d'avoir « du 
velours, satin, taffetas de Tours à vendre à 
l'aune, de la longueur d'une lieue. » 

Des scènes du même genre se passaient dans 
les environs de la ville. Le Parlement, sur la 
proposition du cardinal de Lorraine, ayant 
enjoint à tous les catholiques, par ordonnance 



j^ ^^«-_:_ 



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-95- 

OU de leur couper la gorge (i). Quelquefois 
ceux-ci se défendaient et se vengeaient. Le 
sang coulait de toutes parts. Le corps de ville 
ne sachant comment rétablir la paix, s'adressa 
lU roi de Navarre, qui était alors à Blois, et 
reçut de ce prince une lettre défendant € aux 
capitaines, soldats et autres de non pas ravager, 
jiller, voler et ne faire aulcunes cruautés inhu- 
naines ne jettemens dans l'eau (2). » 

Cependant, le duc de Montpensier, voulant 
profiter de la victoire, ordonna le 3i juillet de 
cresser une liste des fonctionnaires qui pou- 
viient être soupçonnés d'avoir favorisé les 
higuenots. C'est dans l'église de l'Escrignol 
< f u'au son et appel de la cloche, les parois- 
siens d'icelle paroisse catholique, vrays servi- 
teurs et sujets du Roy, » se réunirent < à l'eôet 
dedésigner et annoter sur le rôle général des 
gels tant de Tordre judiciaire que de l'ordre 
ci^l et administratif les personnes suspectes 
d'hérésie, » et accusées d'avoir pris part aux 
troubles qui avaient eu lieu (3). Après avoir 
inioqué les lumières de l'Esprit saint et prêté 
le serment reauis. les membres de l'assemblée 



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-96- 

' du roi. Soixante-quatorze magistrats ou repré- 
sentants de la loi, parmi lesquels le maire, 
Claude de Plex (i), des eschevins, des con- 
seillers, des notaires et des pairs, furent décla- 
rés suspects par les assistants. 

Personne n'accusa d'hérésie le président du 
tribunal, Bourgeau, dont le nom était inscrit 
en tête du rôle des officier^ du roi. C'étak 
un homme fort estimé, mais si craintif, que, 
malgré ses sympathies pour les huguenots, 
il n'avait pas eu le courage de se joindre à 
eux. Se sentant menacé par les mesures inqui- 
sitoriales édictées par Montpensier, il essaya 
de sortir de la ville. Après plusieurs tentatives 
infructueuses, il y réussit, mais des gens du 
peuple le poursuivirent et se saisirent de lui. 
< Ces enragés, dit Th. de Bèze, sans avoir 
esgard à sa qualité, ni à son aage, après l'avoir 
tout meurtri de coups de bâton et de plat 
d'espée, premièrement le despouillèrent pour 
avoir son argent; puis n'ayans trouvé grand 

(i) Claude de Plex, écuyer, s' de Lormoy et d'Avisay, 
prêta serment le i«' nov. i56i et resta maire jusqu'au 
mois de juillet 1662. Voir (Bibl. de Tours), Lambron de 
Lignim, Armoriai des maires de Tours, p. Sg. De Plex 
(écrit ailleurs de Pleys) s'enfuit en Suisse. Il était à Lau- 
sanne en 1 574. Marcial Rubet, marchand de Tours et 

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— 97 — 

argent sur luy et disans qu'il avoit avallé ses 
escus, le prindrent à l'instant par les deux 
pieds et l'ayans pendu la teste en Peau jusques 
à la poitrine estant encore vif, luy fendirent le 
ventre, jetèrent ses boyaux en l'eau, et ayans 
planté son cœur au bout d'une lance, le portè- 
rent au travers de la ville, crians que c'estoit 
le cœur de ce méchant président des hugue- 
nots (i). » 

Le 14 août on dressa une seconde liste de 
suspects. Nous y trouvons les noms de 2 offi- 
ciers des aides et tailles, de 2 sergents de ville, 
de 12 officiers des finances et de quatre 
prisonniers (Monseigneur Bertrand, trésorier 
de France, M'® -Jehan Leturcq, trésorier, 
Mr« Gilles Roy, receveur, M^e François Lo- 
pin trésorier alternatif), — de 2 sergents du 
grenier à sel, d'un officier des eaux et forêts, 
d'un sergent de la juridiction, de 8 audienciers 
et huissiers, de 6 notaires royaux, d'un tabel- 
lion, d'un sergent de la prévôté, de 24 avocats, 
et enfin de 39 procureurs (2). 

Il fallait obliger les suspects à se découvrir. 
Le duc de Montpensier crut y parvenir en pu- 



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-98- . 

quallitté ou [condition qu'ils soient où puis* 
sent estre, suspects d'estre ou d'avoir esté de la 
nouvelle religion et sentans mal de la foy, 
seront tenus [de faire confession de leur foy 
par devant les juges catholiques de ceste ville, 
où assisteront les officiais et vicaires de Mon- 
seigneur l'archevesque, et à faute de obéyr et 
que leur confession de foy ne se trouveroit 
conforme à la religion antienne, catholique et 
romaine, en ce cas leur sera enjoint et signiffié 
de desloger et partir hors de la ville dedans 
quarante heures après la signiffication et sur 
peine de vie (i). » Personne ne se présenta. 
Le clergé ne se tint pas pour battu. Ayant 
obtenu du roi l'autorisation de rechercher 
les huguenots, qui ne pouvaient résider en 
ville qu'à condition « d'y vivre catholique- 
ment(2),»— il fit nommer des quarteniers 
pour € chacun en leur quartier avoir cognois' 
sance et intendance tant pour le faict de la 
recherche des armes es maisons des personnes 
suspectes, » que pour voir s'il ne se faisait 
€ aulcune assemblée illicite contre l'ordon- 
nance du roy (3). » 

(1) Archives municipales de Tours, E E 4. 

(2) Voir Lettre du Roi du 23 août i562y Arch. munî- 

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- 99 - 

Il ne restait aux réformés qu'à cçurber la 
tête, à souffrir en silence et à pleurer leurs 
morts, en attendant que Fédit d'Amboise leur 
rendit un semblant de liberté. 



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— 100 — 

CHAPITRE V 

DE l'ÉDIT d'aMBOISE A LA SAINT-BARTHÉLEMY 
(l!>63-l572) 



L'assassinat du duc de Guise mit fin à la 
première guerre civile. Catherine de Médicis, 
enfin maîtresse du pouvoir, se hâta de négo- 
cier avec Condé, qui se laissa séduire et con- 
clut à Amboise, le 19 mars i563, un traité de 
paix, avantageux pour la noblesse huguenote, 
mais désastreux pour la bourgeoisie. 

Ce traité, rédigé sous forme d'édit de pacifi- 
cation, octroyait aux barons, châtelains, hauts 
justiciers et seigneurs tenant fief de haubert, le 
droit de faire célébrer le culte réformé sur 
leurs domaines; aux gentilshommes sans vas- 
saux, il accordait la permission d'avoir un 
ministre dans leurs châteaux pour eux et leurs 
familles seulement ; mais le peuple, en dehors 



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— lÔI — 

signé un pareil traité. « Restreindre la reli- 
gion à une ville par bailliage, s'écria Coligny, 
c'est ruiner plus d'églises d'un trait de plume, 
que les forces ennemies n'en eussent pu abattre 
en dix ans. » L'amiral voyait juste et disait vrai. 

Cependant, l'édit d'Amboîse accordait la 
liberté de conscience, et malgré les restrictions 
imposées à l'exercice du culte, c'était la recon- 
naissance du plus sacré de tous les droits. Le 
peuple huguenot s'en serait contenté (nous ne 
parlons pas des seigneurs, qui jouaient un 
autre jeu que lui), mais ses ennemis étaient 
décidés à entraver aussi longtemps que pos- 
sible l'exécution de ce traité. Le Parlement de 
Paris ne l'enregistra que de fort mauvaise 
grâce, le lieutenant général de Bourgogne le tint 
pour nul et non avenu, et à Tours les catho- 
liques refusèrent de déposer les armes (i). La 
conclusion de la paix n'avait pas calmé les 
passions, surexcitées par la guerre qui venait 
de finir; toutefois les réformés n'en réclamèrent 
que plus énergiquement l'exécution de la loi. 

Dans une requête adressée au roi, ils deman- 
dèrent d'abord qu'Adrien Quinart, lieutenant 
général au présidial, Gervaise Gohiet, lieute- 
nant particulier, René Gardette, Etienne Le- 
pelletier, et Etienne Parent, conseillers, Jehan 

(i) H. Martin, Histoire, t. IX, p. i5i. 

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— I02 — 

Houdry, procureur du Roi et Jehan Falaiseau, 
avocat, fussent réintégrés dans leurs charges. 
— En second lieu, ils supplièrent Charles IX 
de casser les archers nouvellement nommés, 
de défendre au maire de se mêler des affaires 
de la justice et d'annuler Tordonnance de 
Chavigny, qui leur interd,isait de garder les 
portes avec les catholiques. — Ils rappelèrent 
ensuite à Sa Majesté, qu'une somme de qua- 
rante mille livres avait été levée sur les biens 
de 120 des leurs, alors absents, et ils expri- 
mèrent l'espoir qu'il serait fait une nouvelle et 
juste répartition de cette somme « sur tous les 
manans et habitans de ladite ville, en forme et 
manière accoustumée. » — Enfin, confians en 
la promesse que le roi leur avait faite « au 
camp près Saint-Mesmin, » de les autoriser à 
célébrer leur culte à St-Symphorien, ils solli- 
citèrent la permission de se réunir dans l'un 
des faubourgs de la ville, souhaitant d'ailleurs 
de pouvoir « suyvant l'édict, partout en leurs 
maisons, vivre en liberté de conscience, y prier 
Dieu avec leurs familles, luy chanter louanges 
et psalmes, sans y estre recherchez ne moles- 
tez (i). » C'était leur droit. 



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— io3 — 

Sur le premier point, justice leur fut rendue 
Par lettres patentes du 24 juin i563, sans tenir 
compte des protestations du clergé, Charles IX 
rendit leurs charges aux officiers du présidial 
qui avaient été destitués (i). 

Le scandale que causa cette décision fut im- 
mense. Les ennemis de Quinart, de Gohiet, de 
Parent, de Houdry, de Lepelletier, de Gardette 
et de Falaiseau, étonnés, humiliés et momen- 
tanément vaincus, ne prirent jamais leur parti 
de cette défaite. Ils intriguèrent à la cour et 
obtinrent dans le courant d'octobre la suspen- 
sion de ces magistrats ; mais ceux-ci confondi- 
rent leurs calomniateurs et furent rétablis une 
seconde fois dans leurs « charges. et offices (2). » 
Ce ne fut cependant qu'au commencement de 
l'année suivante (1564), qu'ils purent rentrer 
en ville avec quelques autres notables, grâce à 
l'intervention énergique des commissaires du 
roi, le s** de Chemaux et messires Boucher et 
Delavau, chargés de « l'exécution et entretai- 
nement des édicts (3). » 

Nous ne savons si les réformés furent auto- 
risés à monter la garde aux portes de la ville 

(i) Archives municipales, Lettres patentes, E E 4. 

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— 104 "" 

comme les catholiques, ni si les sommes pré- 
levées sur leurs biens l'année précédente leur 
furent restituées en partie. A vrai dire, nous ne 
le croyons pas. Il y avait trop de haine dans 
les cœurs pour que les règles de l'équité 
fussent strictement observées. 

Quant au lieu de culte, que l'édit leur accor- 
dait dans l'un des faubourgs de la villle, ils ne 
purent en obtenir l'ouverture. Charles IX leur 
avait bien promis de les établir à Saint-Sym- 
phorien, mais quand ils essayèrent de s'y 
installer, leurs ennemis s'y opposèrent et vou*- 
lurent les obliger à se réunir à Saint-Avertin. 
Les réformés refusèrent; car, disent-ils dans 
leur plainte du 24 juin i563, Saint-Avertîn 
< nest ne ville ne faulxbourg, mais ung petit 
village, non en la juridiction du Roy, mais de 
ceulx du chapitre Saint-Martin, leurs /contrai- 
res et opposans, — et distant dudict faulx- 
bourg de plus d'une lieue. » Pour y aller 
d'ailleurs, il faut passer < plusieurs ponts, 
marescaiges. rivières et aultres lieux cjange- 
reux et mal aîsez. » — Ils ne pouvaient donc 
accepter la proposition qui leur était faite. En 
attendant^ ils se réunissaient dans leurs mai- 
sons ou dans les environs de la ville ; mais le 
24 mars 1564, un arrêt du conseil du Roi leur 
assigna Langeais, et leur défendit de s'assem- 
bler ailleurs sous peine « d'estre pugnis comme 



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. — io5 — 

rebelles. » — Ils réclamèrent. Langeais était 
trop loin de Tours pour qu'il fût possible aux 
vieillards, aux femmes et aux enfants de s'y 
rendre tous les dimanches. On ne pouvait les 
y contraindre, sans violer l'esprit de Fédit 
d'Amboise. On le comprit, et le duc de Mont- 
pensier les autorisa à se réunir à Maillé 
{Luynes). 

Le 4 septembre 1564, environ deux cents 
réformés de Tours, officiers du présidial et 
bourgeois, s'assemblèrent dans cette petite 
ville et furent mis en possession, par le s^ de 
Botscourtaut, assisté de François de Fore, 
homme d'arme et de sa compagnie, d'un lieu 
< pour l'exercice de religion. » C'était « une 
place fort incommode, exposée à la pluie et au 
vent; » mais il fallut s'en contenter (i). 

Nous avons vu que grâce à l'intervention 
des commissaires du roi, les magistrats desti- 
tués pour crime d'hérésie, étaient rentrés à 
Tours au mois de janvier 1564, avec les 
notables qui avaient quitté la ville. C'était 
une imprudence grave. Ils le comprirent bien- 
tôt, et à la fin de l'année, comme les autorités 



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— io6 — 

blée, pendant laquelle les meneurs du parti 
clérical souillèrent leur cause par des rigueurs 
inutiles. Ce document, encore inédit, mérite 
d'être connu. En voici un résumé (i) : 

« Sire, vos très humbles, très obéissans et 
très fidelles serviteurs et subjects de la religion 
de vostre ville et faulxbourgs de Tours, après 
tant de maux et travaulx qu'ilz ont euz durant 
les derniers troubles de ce royaulme, tant en 
leurs personnes et biens, que principalement 
en la perte de mil à douze cens de leurs parens 
et amys, leurs concitoyens de ladicte religion, 
— • desquels biens six vingtz ont esté exécutez 
par sentences de juges récusez et leurs ennemis' 
conjurez, mesmement du promoteur (?) de 
Farchevesque et de son gendre sans observa- 
tion d'aucun ordre et forme légitime de jus- 
tice ; les aultres tuez et noyez et misérablement 
massacrez sans différence, ne esgard de qualité, 
aage ou sexe, avec cruaulté si insatiable que 
d'en avoir noyé sept vingtz pour ung jour en 
mesme lieu, après les avoir longuement tenuz 
enserrez en une vouste où les aucuns (quel- 
ques-uns) furent estouffez et moururent de 
fain ; — Après la mort si inhumaine de ver- 
tueuses damoiselles et bourgeoises...., (vos 



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•— I07 — 

très humbles subjects) avoient espéré que de 
vos édictz de pacification ils recevroient quel- 
que repos et consolation, et pourroient soubz 
vostre protection, en liberté de leurs conscien- 
ces, en seureté de leurs personnes, soy retirer 
en ladite ville et rentrer en leurs malsons, 
biens, estatz, offices et vaccations. Ce qui leur 
est advenu et succédé tout au contraire ; et ont 
aucuns du clergé et aultres officiers tant de 
vostre justice que du corps de ville et aultres 
dé ceulx de la religion romaine, contynué au- 
tant que durant les troubles en excez et vio- 
lances,,.. recherches de maisons, injures et 
oultrages... 

« Les principaulx officiers de justice et aul- 
tres notables bourgeois çt habitans, qui s'es- 
toient absentez pour raison de troubles, » 
n'ont pu « retourner en leurs offices et mai- 
sons jusques au moys de janvier dernier. » 

Depuis cette époque, ces officiers < ont esté 
continuellement troublés et empeschés en 
Texercice de leurs offices... et n'y a eu moys 
ne sepmaîne que oultre les assemblées en ar- 
mes avec enseignes et tabourins, ...n'ayt esté 
tué, blessé, menacé, oultragé ou voilé quel- 
qu'un des dictz de la religion, sans qu'ilz en 
aient eu aucune justice. » 

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— io8 — 

la mçiison de Xaincte Girard^ veuve, près lès 
murs de la ville, ayans faict commandement 
d'ouvrir de par vostre Majesté, rompent les 
portes, brisent les coffres, voilent et pillent 
tout ce qu'ils trouvent, et après plusieurs cxcez 
la traînent eschevelée par les boues tout le 
long et jusques hors les faulxbourgs près d'une 
bouère (abreuvoir) pour la noyer. Ce qu'ilz 
eussent exécuté sans ce quelle leurs promist 
encores quelque argent qu'elle disoit avoir 
caché. » 

Le 27 du même mois, jour de procession 
générale, ils mirent des potences devant 
« toutes les portes et boutiques de ceux de 

la religion, publians hautement menaces 

de les noyer. » 

Le lendemain, ils maltraitèrent le receveur 
des finances de Montrichard, coupèrent un 
doigt à Gilbert Texier^ « se vantans qu'ils 
coupperoient la gorge à tous les huguenots, 
comme ils avoient essayé faire le vendredi 
précédent à Pierre Mqysy et à ung nommé 
Ménessier^ teinturier, qui eschappa fort blessé 
de leurs mains, » et qui depuis fut obligé de 
quitter la ville. « De laquelle faisant emmener 



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mations à haulte voix qu'ilz faisoient amande 
honnorable pour leur maistre qui estoyt hu- 
guenot. » 

Au mois de mars, < ils blessèrent grande- 
ment Jehan Naudin, appothicaire » et ils es- 
sayèrent d'entrer dans sa demeure. Les portes 
de la maison de € Regratier^ notable bour- 
geois », furent enfoncées. 

Au ïhois de mai, quatre argouletz (soldats), , 
armés d'arquebuses, excitèrent le peuple contre 
quelques passants de la religion et « blessèrent 
grandement Bodard^ brodeur, l'un d'entre 
eulx, et luy ostèrent son manteau, chapeau et 
espée. » — Le i3, ils blessèrent Martin Petite 
le 21, Martin Bigot et Duboys, serrurier, « qui 
depuis n'a esté sain et en est mort. » 

Le i«r juin, jour de procession, ils « brisè- 
rent les portes, fenêtres, ouvrouères, vitres de 
plusieurs de ladicte religion et entrèrent en 
aucunes (quelques-unes) de leurs maisons par 
violence, en présence et au veu du lieutenant 
criminel, (de) M^** Claude Barault, Laurens 
tlu Boys, Méry Binet, conseillers, (de) Jehan 
Chaloppin l'un de vos advocatz et (de) Cous- 
tely, maire, qui n'en feirent aucun compte et 
s'en rioient. » — Le même jour, une compa- 
gnie en armes pénétra dans la maison d'Arthur 
Victor^ et « luy enleva de force son enfant 
pour le porter baptiser au vicaire de la pa- 

4 

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— IIO — 

roîsse contre la volunté des père et mère. > — 
Le II, ils coupèrent un bras à Jehan Cornu 
et blessèrent un nommé Mallet. — Le 12, la 
populace armée parcourut la ville en dansant, 
€ menassant tuer tous les huguenots. » — 
Quelques jours plus tard, on tira « plusieurs 
coups de pistolles contre la maison de maistre 
Charles Bonigalle », commis à la recette des 
tailles, et Lefaure^ clerc de l'un des secrétaires 
d'Etat, reçut un coup d'épée. 

Au mois de juillet, ces mêmes gens atta- 
'quèrent l'un des procureurs du roi, « blessè- 
rent près de luy ung advocat, sien amy, » pé- 
nétrèrent de force dans la boutique de Francoys 
Aubertj et « entrez au dedans blessèrent son 
serviteur, blessèrent aussy Toussaint:^ Mercier^ 
Dimanche Binet et Pierre Monsnier, assiégè- 
rent de nuict la maison de Naudin^ ostèrent 
l'espéé au lieutenant criminel de Chinon, venu 
à Tours et tuèrent inhumainement Jehan Pe^etj 
ouvrier en soye. > 

En apprenant que le roi avait autorisé par 
lettres patentes ceux de la religion à se réunir* 
à Maillé, les séditieux s'emparèrent des portes 
de la ville et s'organisèrent pour empêcher 
l'exécution des ordres de Sa Majesté* « Tout 
ce que nous venons de conter, est-il dit dans 
la Plainte des Réformés^ dont nous continuons 
l'analyse, n'estoit que préparatifs du lamen- 



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m — 



table carnage que depuis ils ont exécuté et qui 
est tel. » Le duc de Montpensier avait délégué, 
nous l'avons dit, le s»" de Boiscourtault, pour 
procéder à Maillé, le 4 septembre, < à Festa- 
blissement du lieu pour l'exercice de reli- 
gion... et se passèrent toutes choses en grande 
doulceur et modestye. » Mais la populace de 
Tours entendait se mêler à la fête. Plus de 
i5oo hommes s'assemblèrent en armes le jour 
même, et se divisant en bandes, ils « s'embu- 
chèrent partye es faulxbourgs de la Riche, 
partie au boys St-Cosme, près la ville » pour 
attendre ceux de la religion qui revenaient de 
Maillé. « Si tost qu'ilz en veirent cinq des pre- 
miers passer l'eau,... à un coup de harque- 
bouze délasché et donné pour signal, couru- 
rent tous vers l'eau, enseigne desployée, se 
jectans sur les cinq pauvres personnes, dont 
l'ung eschappa à demy mort de leurs mains, 
Taultre s'estant jecté en l'eau se saulva de 
l'aultre costé, ayant premièrement son cheval 
esté tué soubz luy : des troys aultres l'un fut 
envoyé aval Peau et les deux tuez sur la grève. 
L'un desquelz nommé Raymond dict Braillart 
estoyt homme vieil et de longtemps impotent, 
portant sur son cheval pour toutes armes ses 
escroches (béquilles), et les manteaux de ses 
compagnons devant luy. Auquel versé par 
terre ils exercèrent mille cruaultés, pour ce 



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— I 12 — 



qu'il n'invocquoyt qu'ung seul Dieu, le louant 
de ce qu'il luy avoit faict la grâce de veoir 
avant que mourir son service redressé, — et 
estant couvert de sang et de playes, ne respi- 
rant que à grande difficulté, ainsi qu'il s'effor- 
çoyt (se) mectre à genoulx pour prier encores 
et qu'il levoit les yeulx au ciel, luy fut donné 
de la poîncte d'une fourche de fer dedans le 
visaige, dedans la gorge et la poitrine... et 
puis achevé d'assommer. » 

Les autres épouvantés 4: furent contrainctz 
s'enfuyr et saulver espars par les champs, » et 
ils envoyèrent des messagers au duc de Mont- 
pensier pour lui demander aide et protection. 

Le maire et le lieutenant criminel firent un 
semblant d'en4uête, « cherchans tesmoings qui 
pussent déposer quelque chose pour rejecter 
le tort sur les meurdris et assassinez. > 

Le mercredi suivant, < ces tigres n'estans 
encores soulz de sang ^, tuèrent à une lieue 
de la ville Léger Vergnault^ tailleur, et dans 
la ville Loys Ferretj riche marchand. Ils dé- 
pouillèrent, après ravoir blessé, Pierre Bàus^ 
sart^ employé aux finances, et tandis que 



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— ii3 — 

trier de toute la province, appelé le Pouldrier, 
Monsieur le comte de Sanserre. » 

Ce misérable voulait exterminer ceux de la 
religion. Il s'entoura de tous les bandits de la 
ville; il fit même sortir de prison un homme 
sur lequel il pouvait compter, « sien serviteur, 
nommé Blain, insigne voleur, prest à recevoir 
jugement qui ne pouvoit estre plus gracieux 
que de mort » ; il leur distribua des armes, et 
le ler octobre, qui était un dimanche, après 
les avoir réunis « dans la maison d'un cha- 
noyne », il les divisa en bandes et les embus- 
qua à St-Cosme, sur les bords de la Loire, sur 
les levées du Cher et jusques sur les coteaux, 
afin qu'aucun de ceux qui allaient revenir du 
prêche ne pût leur échapper. Ils attendirent 
quelque temps en silence, et quand «ceulx 
qui estoient allez à Maillé pour l'exercice de 
la religion commencèrent à approcher, ces 
bourreaux exécrables agrédent (attaquent) les 
premiers... puis quant ilz les voyent enve- 
Ibpez, se ruent sur eulx si furieusement qu'il 
est impossible de représenter au vray ceste 
horrible et confuze tragédie. » — La grève fut 
bientôt couverte de cadavres. — Un peu plus 

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— 114 — 

d'espée sur la teste. Là furent par le Pouldrier 
blécez de coups de pistolle et puys poursuyvîz 
à course de cheval et achevez de tuer sur la 
grève Henri Pinault^ orfèvre, et Bernard^ 
jeune homme de bonne famille, aagé de 20 ans 
seulement. Là furent massacrez deux jeunes 
hommes, ouvriers en soye, l'un Flament et 
l'autre Provensal et Chantepie nouvellement 
maryé mys en pièces. » 

Tandis que les assassins se livraient au pil- 
lage, un grand nombre de malheureux s'enfui- 
rent. L'un d'eux Jehan Pioger^ ayant essayé 
d'entrer en ville, fut tué sur le pont. On jeta 
son cadavre dans la Loire avec ceux des autres 
victimes. Le soir, les maisons de Saint-Sym- 
phorien furent fouillées et l'on arrêta quelques 
fugitifs. 

Les meurtriers de Tours eurent des imita- 
teurs. On tua Regnard à Montlouis, Pillet à 
Saint-Christophe, Jehan Roy à Pontcher et 
Jehan Leclerc à Noisay. Mais quand les réfor- 
més voulurent se plaindre, on les menaça de 
les jeter en prison. Aucune insulte ne leur fut 
épargnée; aussi demandent-ils au roi, dans la 



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— ii5 - 

subjectz et serviteurs seront contrainctz aban- 
donner leurs maisons, pays, estatz et vacca- 
tions (affaires) et cedder et quitter la place aux 
mutins et rebelles ...Vous cbgnoissez la mala- 
dye, Sire; Dieu vous a mys le remède entre 
les mains, vous commectant le glaive sacré de 
justice pour la tuition (protection) et soula- 
gement des bons et pour la vengeance et pu- 
gnition des méchants. Voz dictz subjects de la 
religion le prient de vous faire la grâce d'en 
user de sorte qu'on voye la paix et la justice 
florir en estuy vostre royaulme, à sa gloire et 
à l'accroissement de vostre grandeur et cou- 
ronne, et afin que luy en puissiez rendre loyal 
compte, quand il aparoistra en jugement en la 
personne de son fils, Jésus Christ. > 

Cette supplique, si ferme, si digne et si tou- 
chante, émut le roi. Il demanda des explica- 
tions aux meneurs du parti catholique et les 
mit en demeure de se justifier. Leur réponse 
nous a été conservée (i). C'est un vrai chef- 
d'œuvre d'habileté. Ils nient d'abord quelques- 
uns des faits qui leur sont reprochés; ils expli- 



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— ii6 — 

sujet de se plaindre^ car ce sont eux qui ont 
attaqué les catholiques (i). Ceux-ci ne deman- 
dent que la paix, et le maire, les eschevins et le 
clergé se sont toujours efforcés de < se main- 
tenir en toute doulceur, union et amitié avec 
ceulx de la religion prétendue. » Les défen- 
seurs de l'ancienne foi n'ont jamais souhaité 
la mort de leurs adversaires, et si parfois on a 
battu du tambourin dans les rues de la ville, 
on ne l'a jamais fait pour réunir le peuple et 
l'ameuter contre les novateurs, mais seulement 
pour € mener les mariés à l'église et les faire 
danser à la maison suyvant l'antienne et loua- 
ble coutume, » D'ailleurs, ajoutent-ils, « si l'on 
parle de meurtres, il appartient plus audictz 
catholiques qu'à eulx de se plaindre, » car 
avant la publication de l'édit, les huguenots 
ont commis des excès de toute sorte. Ils ont 
entr'autres choses insulté et poursuivi de pau- 
vres gens du côté de Ballan et ^ mesme ung 
nommé Nicolas Deplayer les alloit recher- 
chant dedans les bleds et buissons avec de 
gros chiens dogues et mastins.. > Depuis la 
paix, ils ont injurié, battu, et outragé des 



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— 117 — 

trespassé, » maltraité le marguillier « qui son- 
noyt vespres », tué un prestre et massacré 
deux bateliers à St-Cyr, etc., etc. 

Ces dernières accusations sont graves. Repo- 
sent-elles sur un fondement quelconque? Nous 
n'en savons rien. Cependant, il est bien pos- 
sible que quelques huguenots, traqués comme 
des bêtes fauves, aient rendu coup pour coup, 
et semé la mort autour d'eux. Les deux partis 
étaient animés de passions trop violentes, pour 
qu'il n'y ait pas eu de crimes commis de part 
et d'autre. La haine, qu'avaient engendrée de 
longues luttes, explique ces horreurs sans les 
légitimer. On ne peut qiie condamner ceux 
qui les ont commises. 

Tandis que le peuple, excité par le clergé, 
le maire et les échevins, s'abandonnait à ses 
passions/eligieuses, le roi de son côté modifiait 
l'éditd'Amboise, au détriment des réformés (i). 
Voulaient-ils baptiser un enfant, il fallait 
^ le porter au prêche le plus voisin, mais « en 
compagnie de quatre ou cinq personnes seule- 
ment. » Pour un enterrement, 11 leur fut in- 
terdit de former un convoi de plus de 20 ou 
3o personnes, et quand vint la Fête-Dieu, 
ordre leur fut donné d'orner le devant de leurs 

(i) Déclaration du 14 décembre i563, copie. Arch. 
municip. de Tours, E £ 4. 

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— ii8 — 

maisons. Cette dernière injonction leur parut 
odieuse. La plupart des réformés refusèrent de 
s'y soumettre ; mais la police fit tendre à leurs 
frais, (i). Cette satisfaction donnée aux catho- 
liques ne leur parut pas suffisante. Le peuple 
brisa les portes et les fenêtres des récalcitrants, 
et comme toute violence amène tôt ou tard des 
représailles, un nommé Pierre Victor, ouvrier 
tisseur, insulté et peut-être menacé par la 
foule (2), jeta « eaux puantes et pierres sur le 
peuple allant à la procession et mesmement 
sur certaine représentation qui se fait d'ung 
Christ et des douze apostres pour esmouvoir 
le peuple à dévotion. » 

Parmi les adversaires des huguenots, un 
commissaire du roi nommé Miron, se signala 
par sa violence et sa mauvaise foi. Irrité de ne 
pouvoir mettre la main sur les chefs du parti 
réformé, Gohiet, Falaiseau, Houdry et d'au- 
tres encore, qui s'étaient réfugiés à Maillé, il 
les fit sommer au mois de novembre 1564, de 
venir reprendre « Pexercice de leurs offices » 
et expliquer leur conduite pendant les derniers 

(î) Archiv. municipales, E E 5î 

^2) C'est ce jour-là qu'un enfant fut enlevé à sa mère 
par une bande armée, et porté à Saint-Gatien pour être 
baptisé. Plusieurs maisons huguenotes avaient d'ailleurs 
été envahies et les propriétaires insultés. Voir Deuxième 
Plainte des Réformés, Arch. munie, E E 5, n« 4. 



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— 119 — 

troubles (i). C'était leur demander de se livrer 
à leurs ennemis pieds et poings liés. Au lieu 
de rentrer en ville, ils firent dresser un acte de 
récusation contre le s*" Miron (2). Ils étaient 
dans leur droit, car le conseil du roi, par arrêt 
du 3 septembre, avait déjà révoqué ce triste 
personnage, ce qui ne l'empêchait pas de se 
dire commissaire de Sa Majesté et d'agir comme 
tel. Cette usurpation de fonctions eût en d'au- 
tres temps déshonoré un homme, mais à cette 
époque, il suffisait de combattre les hugue- 
nots pour être sûr d'être applaudi par le maire 
et par le clergé. La déloyauté même passait 
pour vertu. 

Le duc de Montpensier, gouverneur de Tou- 
raine, ne semble pas avoir fait son devoir en 
cette circonstance. D'ailleurs, il autorisait tous 
les excès contre les réformés. IJi savait évidem- 
ment que la cour ne demandait que leur écrase- 
ment; il était au courant des incidents du 

(î) Arch. municip. de Tours, E E 5, tio 14. 

(2) Cet acte fut signé par Joachim Marché^ pasteur de 
l'église réformée de'Tours, ^2S Jacques Adam, Guillaume 
Collinety Jehan Naudin, Germain Gastaut^ surveillants de 
ladite église; et après eux par Guillaume Gutffard, An- 



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— I20 — 

voyage du roi et de la reine-mère dans les 
provinces et n'ignorait pas que de la rencontre 
de Catherine de Médicis avec le duc d'Albe 
sur la frontière d'Espagne, naîtraient de nou- 
velles rigueurs. Il agit en conséquence. 

L'année i565 s'ouvrit sous ces tristes aus- 
pices et ne fut pas bonne pour les réformés. 
La populace s'agitait; il lui fallait encore du 
sang, car dans les moments de crise, elle a les 
instincts du loup, qui égorge ses victimes avec 
une volupté sauvage et n'est jamais satisfait. 
On le vit bien le 8 juillet i565. C'était un 
dimanche : 70 à 80 réformés, d'après le témoi- 
gnage de l'un d'eux, le s»" Thomas de la 
Folye (i), quittèrent Maillé après le prêche et 
se mirent en route pour rentrer chez eux. Le 
peuple les attendait près du pont de Tours. 
Voyant le danger, ils se formèrent en ordre de 
bataille à Portillon : les gens de pied en avant, 
les cavaliers fermant la marche, ils se dirigè- 
rent vers la porte de la ville, sous la conduite 
du prévôt de la maréchaussée (2). Le lieute- 
nant particulier, Gervaise Gohiet, le conseiller 



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— 121 — 

réussirent qu'à les irriter^ davantage. Le combat 
s'engagea et un catholique fut tué; mais les 
réformés furent obligés de battre en retraite. 
Le s»" de la Folye s'enfuit jusqu'à Rochecor- 
bon, pensant dans sa terreur, qu'il devait y 
avoir sur le pont plus de soixante cadavres. 

Dans la soirée, des bandes armées parcou- 
rurent les rues de la cité et enfoncèrent les 
portes de la maison Falaiseau. 

La nuit fut très agitée. Le corps de ville, 
croyant que les huguenots allaient attaquer la 
ville, ou feignant de le croire, se réunit le lundi 
matin, 9 juillet, à 5 heures, pour prendre les 
mesures que lui semblait commander la situa- 
tion. Cependant la matinée se passa sans tu- 
multe; mais vers quatre heures de l'après- 
midi, on vint dire au maire qu'une émeute 
avait éclaté dans la rue du Cygne. Il se trans- 
porta immédiatement sur les lieux et il eut 
beaucoup de peine à se frayer un passage à 
travers la foule, qui attaquait avec fureur la 
maison d'un rubannier, nommé Debéry. On 
racontait que les enfants de cet ouvrier avaient 
insulté le convoi de l'homme qui avait été tué 



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— 122 — 

poursuivre les criminels € par justice », pro- 
mettant sur sa vie, son honneur et ses biens 
d'en faire une € pugnition exemplaire et à leur 
contentement », il ne fut pas écouté. Des es- 
chevins, des officiers de justice et même le 
garde des sceaux, essayèrent aussi de calmer 
les émeutiers; les mains jointes, le bonnet giu 
poing, ils se mirent à genoux devant le peuple, 
le suppliant de se retirer : tout fut inutile. La 
maison fut prise d'assaut, bien que Débery se 
défendit vigoureusement et huit personnes 
furent égorgées (i). 

La populace satisfaite, mais non fatiguée de 
tuer, allait chercher d'autres victimes à immo- 
ler à ses fureurs, quand survint le boucher 
qu'on avait dit assassiné. Les esprits se calmè- 
rent un peu, mais la foule, dit le maire dans 
son procès-verbal, ne se retira pas sans que 
« aulcuns ayent hurté et frappé contre aultres 
maisons, s'efiforcans d'y entrer; ce qu'ilz n'ont 
faict touttefois, mesme en la maison d'ung 
nommé Asse (?), en laquelle l'on disoyt y avoir 
plusieurs de la dicte relligion assemblez jus- 
ques à 20 ou 25. (2). » 

Sur qui doit retomber la responsabilité de 
cette émeute? — Sur les huguenots? Le maire 

(i) Archives municipales, E K 5. 

(2) Archives municipales de Tours, E E 5, n» 18. 



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— 12:» — 

le dit, car il les accusa devant le corps de ville, 
d'avoir t préparé et machiné » cette entreprise, 
dans Pespoir de s'emparer de la ville. ,, Ainsi, 
70 hommes, 80 si l'on veut, en pleine paix, 
auraient levé l'éten4ard de la révolte et n'au- 
raient pas hésité à marcher sur Tours, place 
forte où leurs ennemis étaient tout puissants ; 
c'eût été de la démence. Evidemment, les réfor- 
més n'avaient rien préparé, rien machiné. Ils 
revenaient paisiblement du prêche, escortés 
par quelques hommes d'armes, commandés 
par le prévôt de la maréchaussée, et si la popu- 
lace ne les eût attaqués le 8 juillet, ils seraient 
rentrés tranquillement dans leurs maisons. 

Le maire aurait-il provoqué Témeute? — 
Nous ne le pensons pas ; mais il ne fit pas son 

^ devoir, car le procureur du roi, le s^ Houdry, 
vint le prévenir qu'on allait se battre du côté 
de Portillon, et le supplia de monter à cheval 
et de courir sur les lieux pour empêcher les 

. gens de s'égorger. Il aima mieux rester en 
ville. Voilà sa part de responsabilité ; mais le 
coupable, le vrai coupable, c'est le peuple qui 
insultait les huguenots à peu près tous les 
dimanches, à l'heure du retour du prêche. Le 



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— 124 — 

les rîxes qui éclataient à tous moments, tout 
l'avantage était pour les catholiques, beaucoup 
plus noftibreux et favorisés par les magistrats, 
par la plupart des chefs militaires et par la 
cour. Leurs excès étaient toujours impunis : 
ceux des protestants toujours châtiés à la der- 
nière rigueur (i). On le vit bien à Tours. Au 
lieu de poursuivre les coupables, le présidial 
lança un mandat d'arrêt contre quarante réfor- 
més, parmi lesquels se trouvaient Gervaise 
Gohiet, le lieutenant particulier du roi et le 
conseiller René Gardette (2), C'était la justice 
de ce temps-là. 

Les vaincus n'eurent même pas la triste sa- 
tisfaction de donner à leurs morts une sépul- 
ture honorable. Bien que l'édit d'Amboise 
ordonnât d'enterrer ceux de la religion dans le 
cimetière de leur paroisse (3), les cadavres 
furent jetés à la voirie. On les enfouit dans les 
fossés de la Ville, au point où débouchaient 
les égoûts. 

En revenant de Bayonne, le roi passa par 
Tours et s'y arrêta quelques jours. Sa présence 
semble avoir calmé momentanément l'efferves- 
cence populaire ; mais la guerre civile éclate 

(i) H. Martin, Histoire^ t. IX, p. 201. 

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— 135 — 

de nouveau en iSôj, puis en i568, et rallume 
les passions. Encore une fois le sang coule. 

Le i«r janvier i568, la populace se trans- 
porte à Maillé et se rue sur les réformés réunis 
dans le temple. Le pasteur est égorgé dans sa 
chaire; les malheureux qui l'entourent sont 
maltraités, et ceux qui ne peuvent s'enfuir, 
jetés en prison (i). Revenus à Tours, les assas- 
sins massacrent quelques personnes suspectes 
d'hérésie et pillent leurs maisons. Ces violen- 
ces n'étaient pas tolérables. Le roi s'en émut, 
et bien que son confesseur l'abbé Ruzé, lui en 
parlât le premier, de manière à faire éconduire 
tous ceux qui auraient pu tenter de faire en- 
courir aux Tourangeaux les mauvaises grâces 
de Sa Majesté (2), il écrivit au corps de ville 
pour lui exprimer son mécontentement. Il 
invita en même temps le s^ de Borderye, gou- 
verneur, à garder 5o soldats auprès de lui, afin 
de € contenir le peuple de sédition > et il 
donna l'ordre d'élargir les prisonniers (3). 

Ces violences n'avaient pas empêché les 

(1) Voir pour cette afiFaire. Archives municipales, liasse 



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— 126 — 

réformés de s'occuper de l'éducation de la jeu- 
nesse. Dès i565, ils avaient une école à Maillé, 
dirigée par un certain Montigny ;. mais ce fut 
seulement vers 1570 qu'ils ouvrirent un col- 
lège à Tours. Sous l'habile direction de Louis 
Chesneau, plus connu sous le nom de Quer- 
culus^ on enseignait dans ce dernier établisse- 
ment les éléments des sciences, le latin, le 
grec, la philosophie et même l'hébreu (i). Il 
est probable que les études furent souvent 
troublées par les tempêtes qui agitèrent la 
société tourangelle et la bouleversèrent jusque 
dans ses profondeurs ; mais à la moindre ac- 
calmie, les portes du collège se rouvraient, car 
les réformés avaient déclaré la guerre à l'igno- 
rance. Luther avait dit : € Si je n'étais prédi-» 
cateur de l'Evangile, je voudrais être institu- 
teur », et un peu plus tard Farel écrivait : < Là 
où escoles sont dressées, quelles soyent entre- 
tenues... et là où il n'y en a point qu'on en 
ordonne. » — La réforme, si elle n'eût été 
noyée dans le sang, aurait vaincu depuis long- 
temps en France la routine et l'obscurantisme. 
Son triomphe eût été celui de la lumière. Il 
est bon qu'on le sache (2). 

(i) Bulletin de VHistoire du Protestantisme, t. IV, 

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— 127 "~ 

Pendant que se déroulaient à Tours les tristes 
événements que nous venons de raconter, les 
huguçnots^d'Amboise n'étaient guère plus heu- 
reux que leurs voisins. Cependant, la veuve 
du seigneur de Noizay les protégeait, et c'est 
dans son château qu'ils célébraient leur culte. 
Défense avait bien été faite à la châtelaine 
de les recevoir, mais inutilement, quand le 
27 octobre i566, Innocent de Monterud, lieu- 
tenant général de Touraine, se transporta à 
Amboise pour s'occuper de cette affaire. En- 
touré des notables de la ville, des représentants 
de Saint-Martin et de Saint-Gatien, il reçut le 
ministre Michel Pineau des Aiguës, Adrien 
Demau, Antoine Derouez, juge, et quelques 
autres réformés et leur défendit de faire aucun 
exercice religieux dans la paroisse de Noizay. 
II s'appuyait sur Tédit de i563, qui accordait 
mx huguenots un lieu de culte par bailliage 
seulement. Or le bailliage de Tours avait déjà 
le sien à Maillé; on ne pouvait donc en tolérer 
•un second à Noizay. Le pasteur répondit qu'il 
ne demandait pas mieux que « d'obéyr au man- 
dement, voulloir et intention du Roy >, à con- 
dition qu'on voulut bien luy donner « un lieu 



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— 128 — 

gîon. » Il déclara en outre qu'il accepterait 
volontiers Négron, Chargé ou Villefrau, pa- 
roisse de Négron. Cette proposition fut aus- 
sitôt examinée, et avec le consentement du 
maire, des échevins et des officiers de la ville, 
le s' de Monterud autorisa les huguenots du 
bailliage d'Amboise à se réunir à Villefrau (i). 

Quand éclata la seconde guerre civile, les 
réformés d'Amboise abandonnèrent leurs de- 
meures. Les uns se réfugièrent dans les châ- 
teaux des environs, les autres allèrent grossir 
l'armée de Condé. Pendant leur absence, les 
catholiques s'emparèrent de leurs biens (2) ; 
mais après le traité de Lonjumeau, le pasteur 
des Aiguës, Aubry, Tailles (?) et d'autres, de- 
mandèrent au corps de ville l'autorisation de 
rentrer dans leurs maisons (3), et de célébrer 
le culte dans l'un des faubourgs de la ville. Or. 
,leur répondit de se soumettre aux édits. 

A Loches, la majorité de la population était 
restée attachée à la religion du roi. Il y avait 
cependant quelques huguenots dans cette ville. 
En 1567, le maire semblait pencher vers le 
calvinisme ; le gfreffier du corps de ville était 

(i) Arch. munie, de Tours, G G 24. 

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— 129 — 

suspect, mais le chef des réformés était Jehan 
Baret, docteur en droit, conseiller du roi, lieu- 
tenant général du bailli de Touraine (i). On 
ignore absolument ce qu'ils devinrent pendant 
la deuxième et la troisième guerre civile. Nous 
avons tout lieu de croire toutefois qu'ils durent 
bénéficier du voisinage des troupes protestan- 
tes, qui tenaient garnison à Preuilly (2), et qui 
vinrent assiéger l'Ile-Bouchard en jSôj. On 
respecte ordinairement les gens qui ont des 
amis puissants, capables d'exercer de terribles 
eprésailles. 

Les huguenots du bailliage de Tours célé- 
braient toujours leur culte à Maillé ; mais 
après les tristes événements de i568, le corps 
dt ville et le clergé persuadèrent au roi que le 
seigneur de cette petite ville désirait l'éloigne- 
mett du prêche. Charles IX écrivit aussitôt : 
< Ncus voulions et entendons que (l'exercice 
de la nouvelle religion) soit levé et hosté dudit 
lieu de Maillé pour le mectre et establyr en 
quelque aultre, le plus esloigné de nostre ville 

(i) Voir Gautier, Histoire du donjon de LocheSy 
p. i36 et sq. 



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— i3o — 

de Tours que faire se pourra ...Ne vouUant 
aussy que ledit exercice de religion nouvelle se 
fa!ce au lieu appelé Langés (i). » — C'était tout 
ce que désiraient les meneurs du parti catho- 
lique; malheureusement pour eux, le seigneur 
de Maillé, qui n'avait pas été consulté, refusa 
catégoriquement de chasser les réformés, et il 
écrivit au maire et aux échevins de Tours une 
lettre très dure, dans laquelle il leur reprochait 
la conduite indécente qu'ils venaient de tenir, 
en s'autorisant auprès du roi d'un consente- 
ment qu'il n'avait jamais donné pour l'éloi- 
gnement du prêche (2). L'affaire en resta là 
pour le moment. Mais en 1570, bien qu'il fût 
dit dans l'édit de pacification, signé le i5 août 
à Saint-Germain, que les huguenots du gou- 
vernement d'Orléans, de Touraine, du Maine 
et du pays chartrain, pourraient faire l'exer- 
cice de leur religion à Maillé, les catholiques 
revinrent à la charge. Ils demandèrent le trans- 
fert du prêche à Montdoubleau ou <: autre tel 
lieu commode (3). » Le roi leur répondit le 
10 décembre suivant, qu'il leur aurait déjà 
donné satisfaction, s'il eût pu le faire sans 
violer les édits, et il promit de consulter sur 
ce point le prince de Navarre. C'était encore 



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— i3i — 

une défaite pour les membres du clergé. Elle 
dut leur être d'autant plus sensible, que l'année 
précédente ils avaient envoyé à la cour quel- 
ques-uns de leurs amis pour défendre leurs 
prétentions. Vaincus, ils payèrent les frais de 
voyage de leurs délégués, et ils attendirent. 

Leurs espérances ne devaient pas se réaliser 
immédiatement, car en iSji, Jean Legaigneux 
de Tours, qui était pasteur en Suisse, vint à 
Maillé. 11 y fut bien reçu, et le 1 3 juin 1572, 
les membres du Consistoire le demandèrent 
pour ministre. Ce n'était pas l'homme qu'il 
leur fallait. Dans ces temps de trouble, on 
tvait besoin de pasteurs pleins de prudence, de 
sagesse et de modération. Legaigneux n'avait 
aucune de ces qualités, A Genève, ses intem- 
pérances de langage et ses atttaques contre les 
magistrats, qu'il accusait de vouloir détruire 
la discipline ecclésiastique, l'avaient fait jeter 
en prison. Aussitôt libre, il était sorti de la 
ville et avait refusé d'y rentrer, bien que le 
Consistoire l'eût sommé de le faire. Il voulait 
rester à Maillé. De là, il avait écrit aux magis- 
trats, le 24 juin 1571, pour demander son. 



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— l32 — 

tère. » — Cette condamnation aurait dû em- 
pêcher le Consistoire de Tours de lui adresser 
vocation. Heureusement, il repartît pour Ge- 
nève, où il obtint son pardon, après avoir 
confessé qu'il avait été rebelle et avoir reçu 
« de bonnes remonstrances. » (i) Ce retout à 
la raison lui sauva peut-être la vie, car on 
était à la veille de la Saint-Barthélémy. 



(i) Notes extraites des archives de Genève, dans France 
protestante^ au mot Legaigneux. 



— ••«dMS^^^f'îfeSUftïîK— 



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— i33 - 



CHAPITRE VI 

DE LA SAINT-BARTHÉLEMY A LA PROMULGATION 
DE l'ÉDIT de NANTES 

(1572-1598) 



Le 25 juin 1572, Henri de Béarn traversa la 
ville de Tours. II fut reçu par le corps de 
ville et par les notables, qui lui rendirent les 
plus grands honneurs et lui offrirent des pré- 
sents. Ce prince allait épouser la fille de Cathe- 
rine de Médicis. Tout le monde sait quelle 
fête on lui préparait au Louvre. Dans la nuit 
du 24 août, le duc de Guise fit assassiner Co- 
ligny. Ce fut le signal du carnage. « Par la 
mort Dieu, avait dit Charles IX, puisque vous 
trouvez bon qu'on tue l'amiral, je le veux ; 
mais aussi tous les huguenots de France, afin 
qu'il ne s'en trouve pas un qui puisse me le 
reprocher après. » Chacun fit de son mieux 
pour le satisfaire. Excités par le duc de Guise, 
par Nevers, Montpensier, d'Anjou, la solda- 
tesque' et le peuple éventraient les femmes, 
tuaient les enfants et jetaient dans la Seine 



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- i34 - 

nobles et vilains sans distinction comme sans 
pitié (i). — ^ Saignez, saignez, criait Tavan- 
nés ; la saignée est aussi bonne au mois d'août 
qu'en mai (2). » On saigna toute la nuit et le 
lendemain le massacre recommença. 

Les provinces imitèrent Paris. A Meaux, à 
Orléans, à Angers, à Saumur, à Troyes, à 
Bourges, à la Charité, à Lyon, à Rouen, à 
Toulouse, à Bordeaux, des milliers de hugue- 
nots furent égorgés. Les gouverneurs des pro- 
vinces avaient reçu l'ordre de les massacrer 
jusqu'au dernier. Tous n'obéirent pas. Le 
vicomte d'Orte écrivit au roi, dit-on : < Sire, 
j'ai communiqué le commandement de votre 
Majesté à ses fidèles habitants et gens de guerre. 
Je n'y ai trouvé que bons citoyens et braves 
soldats, mais pas un bourreau. » — René de 
Prie, le gouverneur de Touraine, fut-il aussi 
humain que celui de Bayonne ? Eut-il assez de 
cœur pour épargner à notre province les hor- 
reurs d'une Saint-Barthélémy? C'est une ques- 
tion à examiner. 

L'auteur d'un manuscrit, intitulé Ville de 
TourSj dit : « C'est par le conseil de cette 
femme (Catherine de Médicis) qu'eut lieu 



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- i35 '— 

Paris, et qui fut exécuté de même dans presque 
toute la France et surtout à Tours^ où le clergé 
animait sans cesse le peuple contre les protes- 
tants, » (i) L'abbé Chevalier affirme au con- 
traire, après Chalmel et la plupart des histo- 
riens de Touraine, que la Saint-Barthélémy ne 
fit couler dans notre province ni une larme^ ni 
me goutte de sang (2). — La vérité se trouve 
entre ces deux opinions extrêmes. 

Il est certain que René de Prie, invité par le 
duc de Montpensier à faire égorger les hugue- 
nots de la province, envoya un messager au 
maire de Loches et à celui de Châtillon pour 
leur notifier les massacres de Paris (3). Mais 
se borna-t-il à donner copie des ordres reçus 
et laissa-t-il aux magistrats de sa juridiction 
la liberté de faire à cet égard ce qu'ils juge- 
raient convenable? Peut-être. On peut donc le 
regarder comme innocent, bien que les mas- 
sacres de Paris aient eu certainement leur 
eontre-coup en Touraine. 

Le soin avec lequel on a détruit les registres 
du corps de ville et-les documents qui auraient 
pu éclairer cette époque sinistre, en est pour 

U] Ville de Tours, biblioth. de la ville, no 12S6. 
{2) L'abbé Chevalier, Touraine, p. 3i. 



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- i36 — 

nous une première preuve. On n'anéantît pas 
des pièces officielles pour le plaisir de le faire, 
et l'on ne cache que ce que l'on a intérêt à 
cacher. 

En second lieu, nous ne pouvons oublier 
que la populace de Tours avait exercé des vio- 
lences contre Içs huguenots en i562, en 1564 
et en i568. Il n'est donc pas admissible qu'au 
moment où le roi de France ordonnait de les 
égorger, personne n'ait obéi à cette sanglante 
injonction. 

Du reste, quelques documents contempo- 
rains affirment catégoriquement qu'il y eut une 
Saint-Barthèlemy dans notre province. Le 
8 septembre 1572, le Conseil de Genève écri- 
vait à Messieurs de Berne : « Nous avons faict 
recueillir fidèlement ung estât des affaires 
comme elles sont passées jusques icy tant #à 
Paris qu'à Lyon, afin que vos Seigneuries 
puissent tant mieux cognoistre que les choses 
ne sont pas si légières comme on faict enten- 
dre... A.ujourdhuy est arrivé de Lyon en poste 
ung courrier... qui rapporte qu'à Rouan, Or- 
léans, Tours^ Meaux et en plusieurs ^ultres 
villes de France, on a exercé semblables cruaul- 
tés comme à Paris et Lyon (i). » Le 11, ce 



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- i37 - 

même Conseil écrivait aux ministres et aux 
seigneurs de Neuchâtél : « Nous ne doubtons 
point que n'ayès entendu les horribles cruaul- 
tés, qui ont esté ces jours passés exercées en 
plusieurs villes et églises du royaulirie de 
France, comme Paris, Lyon, Orléans, Rouan, 
Tours ^ Meaux et aultres (i). » 

Ajoutons à cela que les protestants de notre 
ville se plaignirent plus tard d'avoir été mal- 
traités à la St-Barthélemy comme en 1S62 (2) ; 
— et que d'Aubigné après avoir raconté les 
massacres d'Orléans, affirme dans son Histoire 
universelle qu'on égorgea des huguenots à 
Beaugency, à Blois, à Amboise et à Tours (3). 

Enfin un prêtre, Symphorien Guyon, curé 
de la paroisse de Saint-Victor, d'Orléans, dit : 
« Ces pervers hérétiques continuans toujours 
en leurs insolences,... contraignirent le Roy 
Charles IX« de permettre que^par tout son 
Roiaume on fist mourir tous ceux qui se pou- 
roient trouver atteints de cette lèpre de fausse 
doctrine. Suivant cet ordre, on commença pre- 
mièrement à Paris... Orléans suivit et toutes 

(i) H. Fazy, ouv. cité, p. 99. 

(2) Délibération du corps de ville de Tours du 12 juil- 
let i5nn. au suiet d'un olacet orésenté oar les hucuenots. 

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— i38 — 

les villes de la rivière de Loire à son exemple, 
comme Beaugency, Blois, Amboise^ Tours^ 
Saumur et Names, Jargeau et La Charité (i). » 

EA présence de tous ces témoignages, le 
doute n'est pas possible. Il y eut une Saint- 
Barthélémy à Tours comme à Amboise et à 
Blois ; mais nous croyons avec d'Aubigné que 
% ces trois villes tuèrent ^n petit nombre {2). » 

Il y avait d'ailleurs une bonne raison pour 
qu'il en fût ainsi. Les huguenots avaient été 
maltraités si souvent depuis i562, que la plu- 
part d'entre eux s'étaient enfuis, et dès qu'on 
apprit les massacres de Paris, tous ceux qui pu- 
rent quitter le pays le firent immédiatement (3). 
Le pasteur de Maillé, Joachim Marché, cher- 
cha un refuge à La Rochelle ; son collègue, 
Thomas Raguesne, passa en Angleterre (4). On 

(i) Symphorien Guyon, Histoire de V église et du dio- 
cèse^ ville et université dOrléans, p. 421. — Un historien, 
qui a étudié en détail les événements sinistres qui mar- 
quèrent cette époque, est aussi afiîrmatif que le Conseil 
de Genève, que d'Aubigné et que Symphorien Guyon. 
« In urbe Tours, dit-il, ter maxima hugonotorum caedes 
facta est. » Dr F.-W. Ebeling, Archivalische Baitrdge 
^(urGeschichteFranckreichsunterCarl IX, 1 872, livraison 
d'août, p. 192. 

(2) D'Aubigné, ouv. cité, p. 556 

(3) Registre des Comptes de Tours (Arch. munie), 
t. 97, i585-i587, fo 201. 

(4) Liste des ministres réfugiés. France protestante, au 
mot Maisonneuve, et Bulletin du protest,, t. U, p. 26. 



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-139- 

ne put donc « tuer qu'en petit nombre » aussi 
bien à Amboise qu'à Tours; mais le peuple 
se rua sur les maisons; des absents et les 
pilla consciencieusement. C'était une conso- 
lation. 

Tandis que ces événements se déroulaient 
dans le pays, le clergé chantait des Te Deum, 
Le cardinal de Lorraine donna mille écus au 
messager qui lui apporta la nouvelle du mas- 
sacre. Le Pape fit tirer le canon du château 
Saint- Ange pour célébrer cet événement. En- 
touré.de ses cardinaux et des ambassadeui:s des 
puissances catholiques, il se rendit procession- 
nellement aux églises de St-Marc et deMinerve ; 
il commanda à Vasari un tableau représentant 
le massacre des hérétiques et il ordonna de 
frapper une médaille, afin de perpétuer le sou- 
venir de « la grande journée (i). > 

Du reste, les" Français allaient donner au 
Souverain-Pontife de nouveaux sujets de joie, 
car les massacres n'étaient pas finis, et jusqu'à 
la fin de l'année on n'entendit parler que d'as- 
sassinats et de confiscations. A Tours, une 
nouvelle émeute éclata le 3o septembre. Elle 
dura six jours. Le gouverneur était absent, et 
le peuple, ivre de tureur, envahit les maisons 



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— 140 — 

de quelques réformés et les mit au pillage. Le 
désordre était à son comble, quand, le 4 octo- 
bre, René de Prie revint dans sa bonne ville. 
Le 6, il publia une ordonnance défendant de 
« saccager aux maisons, sous peine de vye (i). > 
Le même jour, il invita les fugitifs à rentrer 
chez eux et à faire profession de catholicisme, 
devant M. de Truye, l'un des prévôts de l'église 
de Saint-Martin (2). Le 7, ordre fut donné aux 
habitants, qui, avant l'émeute s'étaient emparés 
d'objets appartenant aux huguenots, de les 
rapporter à Phôtel-de-ville. Enfin le 10, une 
ordonnance de police enjoignit « aux maistres • 
artisans de contenir en leurs maisons leurs 
compagnons et serviteurs et de les faire beson- 
gner (travailler) de leur art », comme à l'ordi- 
naire. Les gens sans état devaient immédiate- 
ment quitter la ville. L'ordre était rétabli. 

Catherine croyait anéantir le* parti huguenot 
en en faisant égorger les chefs. Elle vit bientôt 
qu'elle s'était trompée. Après un premier mo- 
ment de stupeur, les réformés reprirent cou- 
rage et la guerre civile recommença. La lutte 



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- 141 — 

de valeur, t Ici on se bat, disaient-ils aux mas- 
sacreurs, allez assassiner ailleurs, » et ils se 
défendirent si bien que Charles IX leur offrit 
la paix. Ce n'était qu'une trêve; mais les pro- 
testants en profitèrent pour s'organiser forte- 
ment dans le Poitou et dans le Midi. Le parti 
des politiques, formé de catholiques mécon- 
tents, leur fournit de précieux auxiliaires, sur- 
tout après l'avènement de Henri III. Ce prince, 
qui alliait les pratiques d'une dévotion exa- 
gérée aux plus monstrueuses débauches, fit 
peur à tout ,1e monde. Leduc d'Alençon, que 
l'on surveillait depuis la Saint-Barthélémy, 
bien qu'il fût le frère du roi, s'enfuit de la 
cour; Henri de Navarre en fit autant et 
en 1 575, la cinquième guerre civile éclata. Pas 
plus que dans la campagne précédente, on ne 
se battit en Touraine, mais la paix y fut signée 
dans les derniers jours d'avril 1576. Par le 
traité de Loches ou de Beaulieu, Henri HI 
désavoua la Saint-Barthélémy, restitua les 
biens saisis, rétablit dans leurs charges le 
prince de Condé, Henri de Navarre, Damville 
et d'autres encore, et autorisa l'exercice public 
du culte réformé dans tout le royaume, à l'ex- 
ception de Paris et de la cour fi). Il publia 
en même temps des lettres patentes, qui oc- 

(i) H* Martin, Histoire, t. IX^ p. 426. 



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— 142 — 

troyaient en apanage au duc d'Alençon l'Anjou, 
le Berry et la Touraine. 

Les meneurs du parti catholique de notre 
province se crurent perdus : la Touraine aux 
mains du duc d'Alençon, c'était le triomphe 
des huguenots, dont il était l'ami; aussi l'ar- 
chevêque , le clergé , le maire, les écheVins 
et les officiers du présidial se hâtèrent-ils de 
supplier le roi de révoquer ses lettres pa- 
tentes ; mais ils perdirent leur temps et leurs 
peines. 

Le duc fit son entrée solennelle à Tours, et il 
donna le gouvernement de la province à Henri 
de Bouillon, vicomte de Turenne et celui du 
château de Loches au seigneur de Buhi, frère 
de Duplessis-Mornay. Ces deux seigneurs 
étaient protestants. 

Tandis que les politiques ou malcontents se 
rapprochaient d'Henri de Navarre, le chef du 
parti huguenot, les partisans du duc de Guise 
organisaient la Sainte Ligue. Cette association 
eut bientôt des ramifications dans toute la 
France. Henri III se sentit menacé. Il crut 
faire acte d'habile politique en prenant lui- 
même aux Etats généraux de Blois la direction 



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- 143 - 

entre les bons et fidelles subjects » de la cou- 
ronne (i). 

Henri III ne se doutait guère de ce que lui 
réservait l'avenir. Il croyait mener la ligue : 
elle le chassa de Paris, et quand le duc de 
Guise eut été assassiné à Blois, le roi de 
France, maudit par les catholiques violents, 
détesté par les huguenots et méprisé par tout 
le monde, vint chercher un asile à Tours, 
dont il fit le siège de son gouvernement le 
17 février 1589. 

La situation était grave. Mayenne marchait 
contre son souverain, à la tête d'une armée de 
ligueurs, tandis que le Béarnais, l'héritier pré- 
somptif de la couronne depuis la mort du duc 
d'Alençon, s'emparait de Loudun, de Thouars, 
de Montreuil, de Châtellerault, de l'Ile-Bou- 
chard et menaçait la ville de Tours. 

Henri III envoya Buhi, le frère de Mornay 
au ^devant du roi de Navarre pour conclure 
avec celui-ci une trêve d'un an. L'entrevue 
eut lieu à Sainte-Maure. La nuit toute entière 
fut employée à discuter les articles du traité 
futur, et le lendemain Duplessis se rendit à 
Tours afin d'en conférer avec Henri II L 4: Jç 
vous adjure, lui dit le prince, comme gentil- 
homme et bon Français, de me dire franche- 

(i) Archives de la xùairie d'Âmboise, BBS. 



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— 144 — 

ment si le Roy de Navarre me veut servir (et) 
s'il le peut : car je ne dois pas vous celer que 
plusieurs mettent en doute Tun et l'autre (i). » 
— Mornay déclara que les intentions de son 
maître étaient loyales et que le Béarnais serait 
heureux de combattre les ennemis de la cou- 
ronne. Il ne restait plus qu'à signer le traité 
d'alliance. 

C'est au Plessis que les deux princes se ren- 
contrèrent. Le dimanche 3o avril i586, Henri 
de Navarre vint à Tours à la tête de quelques 
centaines de lances et de mille arquebusiers à 
cheval, malgré ses officiers, qui lui rappelaient 
la Saint-Barthélémy et l'engageaient à se méfier 
du fils de Catherine. Mais Henri HI le reçut 
avec affabilité; il l'appela son frère et lui témoi- 
gna la joie qu'il avait à le voir. Ce ne furent 
que compliments et qu'embrassades. Le Béar- 
nais charmé, écrivit aussitôt à Mornay : t La 
glace est rompue, non sans nombre d'avertis- 
sements, que si j'y allais, j'étais mort. J'ai 
passé l'eau en me recommandant à Dieu, lequel 
par sa bonté ne m'a pas seulement préservé, 
mais (a) fait paraître au visage du roi une joie 
extrême, au peuple un applaudissement non 
^- '\ " î««o . T^: ' - ^---' ^equoî 



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~ 145 - 

Le lendemain, Henri de Navarre vint de 
nouveau conférer avec Henri HI, et deux jours 
après, il se dirigea du côté de Chinon, laissant 
à Tours quatre à cinq mille hommes. Cette 
petite armée ne devait pas tarder à se mesurer 
avec les ligueurs. Mayenne approchait. Le 
7 mai, il culbuta aux environs d'Amboise les 
troupes du comte de Brienne et son avant- 
garde s'empara le lendemain des hauteurs de 
Saint-Symphoricri. Le 8, on se battit toute la 
journée dans le faubourg; l'armée de Mayenne 
finit par refouler les troupes royales jusqu'à 
l'entrée du pont, et elle allait enlever ce der- 
nier retranchement et pénétrer en ville, quand 
les Casaques blanches du Béarnais arrivèrent 
au pas de charge. Les huguenots, commandés 
par Châtillon se précipitèrent sur l'ennemi et 
firent si bien leur devoir qu'ils l'arrêtèrent. — 
A la nuit, le combat cessa ; Châtillon se retran- 
cha dans Tîle Saint-Jacques et attendit les ren- 
forts qui ne pouvaient tarder à venir. Cepen- 
dant les ligueurs, ne respectant ni le sacré ni 
le profane, pillaient les maisons de Saint-Sym- 
phorien et insultaient les femmes jusque dans 
l'église où elles s'étaient réfugiées. « Au milieu 
de ces excès, dit l'historien de Thou, ils osaient 
jse vanter que tout leur était permis et que 
combattant pour la bonne cause et avec l'aveu 
du Pape, tous leurs péchés leur étaient pardon- 

5 



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— 146 — ■ 

nés. » — Le lendemain, au point du jour, un 
régiment huguenot vint renforcer les troupes 
de Châtillon. Mayenne, désespérant de pren- 
dre Tours, fit mettre le feû aux maisons du 
faubourg et battît précipitamment en retraite. 
La ville était sauvée. 

On poursuivit les ligueurs. L'armée royale 
les chassant devant elle, s'approcha de Paris ; 
mais Henri III fut assassiné au mois d'août; 
le Béarnais allait devenir roi de France. 

Le 21 novembre iSSg, il fit son entrée so- 
lennelle à Tours. Il arriva à 2 heures du matin 
et s'il faut en croire Pierre de L'Estoile, « Sa 
Majesté estoit attendue avec tant d'allégresse et 
de réjouyssance de tout le peuple, et il y avoit 
tant de luminaires dans les rues qu'elle y fut 
vue arriver, comme si c'eust esté de plein 
jour. » Le cardinal de Vendôme et le cardinal 
de Leiioncourt vinrent complimenter le vain- 
queur de Mayenne; le Parlement, les officiers 
de la cour des comptes et de la chambre des 
aides, le clergé, le maire et les échevins lui 
offrirent leurs félicitations et lui jurèrent obéis- 
sance. Le passé semblait oublié. 

La situation des réformés de Tours avait 



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— H7 — 

On les laissait faire; mais si quelqu'un se 
plaignait, l'autorité intervenait, sans trop de 
rigueur toutefois. Ainsi en iSgo, une assem- 
blée eut lieu chez le sieur Delabordc-Bernard, 
dans la Grand' Rue, près du carroi Jehan de 
Beaune : le maire ordonna d'arrêter quelques- 
unes des personnes compromises, et le Parle- 
ment < défendit aux huguenots de se réunir de 
nouveau. > (i) Une autre fois, en iSgi, un 
nommé Didier Rou reçut chez lui ses coreli- 
gionnaires : l'un des échevins le fit comparaître 
avec quelques-uns des inculpés, devant le s»' de 
Souvré qui les renvoya après leur avoir infligé 
un blâme sévère et leur avoir interdit de re- 
commencer (2). En 1594, le 10 septembre, 
quelques huguenots s'assemblèrent chez la 
dame d'Armilly, qui habitait la maison Cor- 
mery, sise dans le cloître Saint-Martin. Les 
chanoines, fort scandalisés, allèrent aussitôt 
porter plainte au lieutenant particulier. Ce 
magistrat dressa procès-verbal contre les délin- 
quants et le corps de ville décida que la dame 
d'Armilly, plus compromise que les autres, 
€ serait priée de se desloger dudit cloistre et 
(se) retirer de ladite ville pour quelque temps 



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— 148 — 

et pour esviter à ce que par le moyen de la 
continuacîon desdites assemblées, il n'inter- 
vienne tumulte et séditions... » (i) Evidemment 
les esprits se calmaient peu à peu ; le peuple 
devenait plus sage, et les magistrats se conten- 
taient d'inviter les huguenots à observer les 
édits. 

Le clergé n'en continuait pas moins sa 
campagne contre les hérétiques. En iSgô, 
quelques jours avant Pâques, deux mauvais 
drôles racontèrent à Tours qu'ils avaient vu 
ceux de la religion assemblés au Plessis, 
« chose qui fut trouvée fausse par le maire de 
la ville, et toutefois, dans les églises de Saint^ 
Mattin et de Saint-Gatien, les prêcheurs firent 
rage de crier que c'étoit une honte de souffrir 
telles gens en la ville (2). » 

A Preuilly, depuis plus de 3o ans, les hu- 
guenots et les catholiques vivaient en bonne 
intelligence, bien que Madame d'Abain, veuve 
du baron Louis Chastinîer, seigneur de cette 
ville, devenue protestante à Rome eniSgS, eût 
appelé deux pasteurs et fait ouvrir un temple, 
après avoir fermé l'église collégiale (3). Mais 

(i) Registre des délibérations, t. XXV, de 1 592-1 595. 

-^ Sëance Hll to avrîl w^ctA. m.^ T. a HarriA H*Armîîh^ "-•■ 

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— 149 — 

en iSgô, le curé ne voulut pas laisser inhu- 
mer dans le cimetière de la paroisse (où 
jusque là on avait fait tous les enterrements 
sans distinction de religion), le corps de Made- 
moiselle de la Jonquière, décédée au château. 
Il se plaignit au bailli de Touraine, obtint 
gain de cause et ouvrit une ère de discussions 
et de discorde (i). 

Quelques actes d'intolérance furent d'ail- 
leurs commis à cette époque. Les réformés de 
Chînon, qui venaient d'assister au culte à l'Ile- 
Bouchard, assaillis au faubourg Saint-Jacques, 
faillirent être massacrés (2). Enfin, à Saînte- 
, Maure, la populace déterra le cadavre d'une 
jeune fille et le jeta dans la rivière (3). 

Du reste, le pays n'était pas encore tran- 
quille. Des ligueurs, commandés par Georges 
de Villequier, ravageaient le sud de la pro- 

fut donnée pour la première fois dans le temple protes- 
tant le !•* septembre i5gb. — Les registres des baptêmes, 
mariages et enterrements des réformés furent ouverts le 
28 octobre ISgS par M. Roger et clos le 16 novem- 
bre i683 par M. de Brîssac, sieur de Grand-Champ, 
pasteur. 

(1) Mémoires de la Ligue, 1758, t. VI, p. 478 et 
Seigneuries de la Baye^ Grillemont et Preuilly^ 1068- 



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— i5o — 

vince, et dans les environs de Tours, quelques 
bandes, conduites par un seigneur huguenot, 
rançonnaient les paysans et massacraient les 
voyageurs. Les troupes du roi attaquèrent ces 
malandrins et en débarassèrent la contrée» 
Ainsi finit la guerre civile en Touraine (i)i 

Les réformés saluèrent avec joie le retour de 
la paix. Ils espéraient que la liberté de con- 
science leur serait bientôt octroyée : Henri IV 
ne pouvait la leur refuser indéfiniment. Il leur 
devait sa couronne; au mois d'avril iSgS, il 
leur donna Tédit de Nantes. 

Avant d'aller plus loin, jetons un coup-d'œil 
en arriére. Le xvi« siècle qui va finir, a vu 
s'accomplir une grande révolution religieuse. 
Le despotisme clérical, qui a toujours eu la 
prétention de gouverner la pensée, a été frappé 
au cœur : l'esprit humain s'est affranchi, mais 
au prix de quels efforts et de quelles luttes ! 

Les huguenots, pendant près de 40 ans, 
n'ont demandé que la liberté de conscience. Si 
le pouvoir central, excité par le clergé, n'eût 
jeté dans les cachots et envoyé au bûcher les 
défenseurs des idées nouvelles, le peuple, ré- 
formé n'eût jamais écouté les conseils des 



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— i5i — 

grands seigneurs, quîjle poussaient à la révolte, 
et le mouvement, religieux d'abord, ne fût peut- 
être pas devenu politique. Tout le monde y 
eût gagné : malheureusement, le Pape et les 
évêques ont poursuivi avec acharnement, par 
le fer et par le feu, l'écrasement de leurs adver- 
saires. Ceux-ci ont dû se défendre, et les deux 
partis ont apporté dans la lutte un esprit de 
violence qui a mené aux pires excès. On a vu 
parfois les troupes huguenotes rivaliser de 
cruauté avec les saintes milices de la Ligue, et 
les droits de la conscience ont été partout 
écrasés sous la botte des soldats. Quelques 
magistrats seuls ont eu l'honneur de procla- 
mer le grand principe de la tolérance. Le 
chancelier De l'Hôpital aurait voulu abolir 
les noms de papistes et dehuguenots^ et Nicolas 
Pasquier disait : < Combien que Von puisse 
forcer un homme de faire quelque chose contre 
sa volonté y il n'est pas possible de le contrain- 
dre de croire ce quHl ne croit pas. L'opinion 
est libre, (i). » 

Malheureusement, la société du xvi« siècle 
n'a pas été de cet avis. Elle en a été châtiée : 



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— l52 — 



CHAPITRE VII 



DE LA PROMULGATION DE l'ÉDIT DE NANTES A 

l'Émeute de 1621 
(1598-1621) 



Bien qu'il eût abjuré le protestantisme, 
Henri IV avait à se faire pardonner son ori- 
gine huguenote; il ne négligea rien pour y 
parvenir, et ses anciens coreligionnaires eurent 
beaucoup de peine à obtenir la reconnaissance 
de leurs droits. Il fallut négocier longtemps, 
-en arriver presque aux menaces pour arracher 
au Béarnais, devenu roi de France, le fameux 
édit de tolérance de 1598. 

Cet édit accordait aux réformés la liberté de 
conscience et le droit d'élever des temples par- 
tout où leur culte avait été célébré publique- 



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— i53 — 

Aucune différence ne devait être fait^ à l'avenir 
entre les jeunes huguenots et leurs camarades 
catholiques dans les écoles, les collèges et les 
universités; aucune distinction dans les hôpi- 
taux, maladreries et aumônes publiques, entre 
les pauvres et les malades. Les réformés étaient 
admis à toutes les charges. Des chambres mi- 
parties, c'est-à-dire composées de juges protes- 
tants et de juges catholiques, allaient connaître 
dans quelques parlements des causes de ceux 
de la religion. Ceux-ci avaient en outre le 
droit de posséder un cimetière dans toutes les 
villes du royaume. Il leur était permis d'ouvrir 
des écoles pour l'instruction de la jeunesse 
et de convoquer leurs synodes. Le roi leur 
accordait enfin une subvention annuelle de 
45000 écus pour subvenir aux dépenses qu'ils 
allaient avoir à faire (i). Les réformés de 
Tours devaient toucher une partie de cette 
somme. 

Des commissaires furent envoyés dans les 
provinces pour assurer l'exécution de l'édit ; 
mais leur tache ne fut pas toujours facile, 
comme nous le verrons tout à l'heure. 

Il ne restait à la fin du xvi® siècle que quatre 
églises en Touraine. Seules, les villes de Tours, 



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— i54 — 

de rile-Bouchard, de Châtiilon-sur-Indre et 
de Preuilly, avaient conservé leurs pasteurs. 
Celui de Pile-Bouchard desservait Chinon, et 
celui de Châtillon était chargé de pourvoir aux 
besoins religieux des protestants de Loches et 
de Buzançais. L'édit semble avoir été exécuté 
sans difficulté dans les trois paroisses situées 
au sud de la province, mais à Tours, le corps 
de ville et le clergé s'opposèrent de tout leur 
pouvoir à l'établissement du prêche. 

On avait déjà refusé d'admettre les réformés 
dans les hôpitaux, de leur restituer leur cime- 
tière du Ghardonnet et de leur donner un ter- 
rain pour y construire un temple, quand au 
mois de juillet 1599, plus d'un an après 
la publication de l'édit, les commissaires 
royaux (i) arrivèrent dans notre ville. Les 
protestants demandaient à s'établir au Ghar- 
donnet. Le 12 juillet, le maire et les échevîns, 
accompagnés du vicaire général de l'archevê^ 
que et des délégués des paroisses, se transpor- 
tèrent au logis des commissaires et leur décla- 
rèrent, en s'appuyant sur les édits, que Tours 
étant une ville archiépiscopale, ils s'opposaient 
formellement à l'établissement d'un lieu de 



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— i55 — 

culte dans l'intérieur des murs et même dans 
les faubourgs. Les envoyés du roi leur répon- 
dirent que les réformés abandonnaient le Char- 
donnet et qu'ils sollicitaient l'autorisation de 
construire un temple dans les environs, au 
Plessis par exemple, dans le fief du roi. 

Le corps de ville se réunit le lendemain 
matin, et prit la délibération suivante, dont 
nous ne donnons que la partie essentielle : « A 
esté advisé et concleu unanimement que nous, 
maire, avec toute l'assistance présente, irons 
par devant les sieurs commissaires à ceste ma- 
tinée pour leur représenter qu'il y a autres 
lieux esquels plus commodément pour le ser- 
vice du Roy et tranquillité de ceste dicte ville 
en son obéissance, mesme pour la seureté des 
personnes desdicts de la Religion prétendue 
réformée », peut être établi leur exercice, t C'est 
à scavoir le lieu de La Milletière, estant situé 
au-dessus de Monilouis, à trois petites lieues 
de ceste ville... Au quel lieu de La Mille- 
tière ils se debvroient contenter d'avoir leur 
dîct exercice. Considéré aussy que ledit esta- 
blissement ne se faict pour particulière occa- 
sion, mais aussy pour les autres de ladite 
Religion prétendue réformée dudit bailliage,... 
comme entre autres pour ceux qui sont gens 
des villes de Montrichard, Bléré, Cormery, 
Montbazon, Château- Regnault et autres lieux 



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— i56 — 

plus proches dudît lieu de La Milletière que 
de ceste ville... — Il y a autres lieux despen- 
dans du mesme fief du Plessis, scavoir est 
le lieu de La Carrée, près de la Ville-aux- 
Dames, moiennant que ce soit au plus 
loing, pour ce que ledit lieu est au dedans 
de la banlieue;... et encore la terre de Bou- 
temps, près La Chambrerie de Mairemoutîers ; 
en chacun desquels lieux de La Carrée et de 
Boutemps ils peuvent aller en tout libre accès 
et plus encore audit lieu de La Carrée, pour 
ce qu'ils n'ont à passer aulcuns ponts. Mais 
quant à ce qui est du fief du Plessis, du 
costé de chasteau dudit lieu, encores que ledit 
lieu s'estende de par delà ledit chasteau, hors 
la banlieue, lesdits establissemens ne s'y pour- 
ront pas faire avec telle seuretté de personnes 
desdits de la Religion prétendue réformée, en 
laquelle ledit corps de ville désire qu'ils de- 
meurent conservez. Attendu que ordinaire- 
ment audits jours du dimanche et autres festes 
se font processions tant des parroisses de ladite 
ville et faulxbourgs que parroisses du plat pays; 
lesquelles vont tant en l'église collégiale dudit 
chasteau du Plessis qu'aux Minimes à Saint- 
Cosme, estans près ledit lieu; oultre les com- 
pagnies de gens de mestier et du simple peuple, 

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- 15; - 

Plessis, et dont pourroit advenir péril, (i). > 
Cette délibération du corps de ville n'em- 
pêcha point les commissaires du roi de se 
transporter au Plessis avec les délégués de 
l'église réformée de Tours et de leur assigner 
pour l'exercice de la religion une maison ap- 
partenant à un protestant nommé Auberge, s*^ 
de Villîers, située dans la grande rue pavée 
conduisant au château, en face du logis du 
doyen de l'église collégiale (2). 

Le maire et les échevins, fort irrités, résolu- 
rent d'envoyer des députés au roi pour empê- 
cher l'établissement du prêche au Plessis ; mais 
leurs démarches furent inutiles (3). Les réfor- 
mes achetèrent la maison et le jardin d'Auberge 
par acte du 25 août 1 599, et les maçons se 
mirent à l'œuvre (4). Un an plus tard le temple 
était achevé. 

(i) Délibérations du corps de ville du i3 juin 1699, 
t. XXVI, f» 461 et sq. (Archives, mairie de Tours), 

(2) Délibération du corps de ville du 16 juillet 1599, 
t. XXVI, £0 463 et sq. 

(^) Histoire de la mairie de Tours^ par de la Grandière, 
P« 186 (Mss, bibl. de Tours.) 

(4) L'acte et le marché de maçonnerie furent passés 



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— i58 — 

C'est à cette époque que durent être donnés 
aux protestants de Toiirs les deux cimetières 
où ils inhumèrent leurs morts jusqu'à la Révo- 
cation. Le premier était situé du côté de la rue 
Chaloineau (i); le second près de la porte des 
Oiseaux, entre la rue de l'Hospitalité et la rue 
du Petit Genève. 

Pendant les vingt premières années du xvn® 
èiècle, les réformés vécurent en paix avec la 
population catholique. Cependant, ils furent 
insultés une fois en 1611, le jour de la Tous- 
saint, dans le faubourg de la Riche, comme 
ils se rendaient au temple du Plessis; mais 
le maire prit des mesures pour éviter le retour 



Lafons, avocats au présidîal ; Jehan Neiron (?), ouvrier 
en draps de soie ; Noël Moreau ; Jacob Ducandalf mar- 
chand; Jacques Rougeon, maître ouvrier en draps de soie, 
tous anciens de Téglise de Tours. 

(i) Ce cimetière ne devait pas être éloigné de celui dont 
nous avons déjà parlé et qui portait au xvio siècle le nom 
de cimetière du Chardonnet. En tout cas, les réformés 
ont eu au xvii® siècle un lieu de sépulture rue Chaloi- 
neau : Tacte suivant en fait foi. « Le g» jour de juing 1673 
a été enterrée Marguerite Du Vidal, fille de François Du 



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— iSg — 

de semblables scandales (i). La vie normale 
avait succédé^ aux agitations sanglantes du 
passé; 

Les protestants ne deniandaient pas autre 
chose. Ils s'occupèrent de^ leurs affaires et or- 
ganisèrent* fortement leurs églises. Les actes 
des synodes provinciaux de cette époque nous 
initient à leur vie intérieure, nous font con- 
naître leur activité et leurs préoccupations. 

Un mot d'abord de leur organisation ecclé- 
siasti4ue. Chaque église avait un consistoire 
(c'est notre conseil presbytéral), composé du 
■ ministre et d'un certain nombre d'anciens. 
Pineau des Aiguës remplissait les fonctions 
pastorales à Tours; Fleury à l'Ile-Bouchard ; 
Jehan Roger à Preuilly, et Grenon allait pren- 
dre en 1601 la direction de la paroisse de 
Châtillon-sur-Indre. — Les quatre églises de 
Touraîne, l'église de Montoire et Mondou- 
bleau et l'église de Vendôme formaient un 
colloque (aujourd'hui consistoire), qui, avec le 
colloque d'Anjou et le colloque du Maine et 
du Perche, constituaient la cinquième pro-- 
vînce ecclésiastique. — Les délégués de ces 
trois colloques se réunissaient tous les ans en 

(i) En 16 10, après la mort de Henri IV, le maire leur 
avait déjà promis de faire respecter leurs droits. Registre 
des délibérations du coiys de ville de Tours, séances du 
14 et du i5 mai i6io. 



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— i6o — 

synode, tantôt dans une ville, tantôt dans une 
autre, pour discuter les affaires pendantes (i). 

Tout ce qui pouvait intéresser la vie des 
églises était examiné avec soin dans ces assem- 
blées. 

L'instruction de la jeunesse tient une grande 
place dans les délibérations. Les pasteurs 
et les anciens réunis en 1594 avaient déjà 
recommandé aux pères et aux mères de faire 
lire à leurs enfants après le repas une ou plu- 
sieurs sections du catéchisme (2). En 1601, ils 
invitèrent les parents à envoyer leurs fils au 
collège de Saumur (3), où l'on enseignait les 
humanités, et ils demandèrent au synode 
général d'adresser au roi, au nom de leur 
province, une requête tendant à obtenir pour 
l'académie de cette ville, fondée en 1599, les 
privilèges, les exemptions de tailles et les sub- 
sides dont jouissaient les autres universités de 
France (4). Plus tard, quand Louis XIII retira 

(i) C'est le synode réuni à Saumur en i6oi, qui a orga- 
nisé ces colloques. Voir Actes des synodes de Touraine^ 
Vendomois, Anjou^ Loudunois. Maine et Perche^ conser- 



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— i6i — 

aux églises la subvention que leur avait accor-* 
Jée Henri IV,, ils s'imposèrent des sacrifices 
pour payer les professeurs. Les consistoires 
cie Toûraine, d'Anjou, du Maine et du Perche, 
donnèrent 85 o livres par an (i). 

Les églises s'occupaient surtout des jeunes 
gens qui se destinaient au ministère. Elles leur 
fournissaient une bourse pendant leur séjour 
à l'académie. C'est aux frais de la province par 
exemple que Mathieu Çottière de Tours fit ses 
études à Genève (2J. Les synodes envoyaient 
quelquefois des élèves de Saumur visiter lès 

(i) Bulletin de VEistoire du Protestantisme ^ iw année, 
p. 3oû. 

(2) synode de Vendôme, art. 4 (Mss de Biois). Voîci 
du rest?y d'après Le Livre du Recteur, la liste des jeunes 
gens de Toûraine qui firent leurs études à Genève de 
1559 à 1684, iSbg : Carolus Bergerius, Turohensis; Joh, 
PagmeMus, id,; Jacohus Simo, Turonensis urbis; 1564: 
Gaspardus Pinardus, Chastilionensis; Joh.Sallomes, id.; 
Robertus ThierinuSj Turonensis; iSgô : Daniel Pineus, 
sancl. theol. studens, Turonensis; 161 3; Isaacus PeU^ 
tarius, id.; 1617 ; Isaacus Solanus, Chinonensis; 1622 : 
Henricus Batutus, Turoiiensis; i63i : Carolus Druetus^ 
id.; i635 - Paulus Dusoul, Turo-Chinonensis; 1648 : 
Paulus de Thoulhyer, Turonensis: iq58 PhL Perroteus, 



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— 102 — 

académies d'Allemagne. Ils examinaient les 
étudiants qui avaient fini leurs études et se 
destinaient à la carrière ecclésiastique. Ainsi^ 
en 1609, Nicolas Despinet, natif de Norman^ 
die, et Jean Tassan, de Genève, furent consa- 
crés, après avoir prêché devant l'assemblée 
réunie à Poligny, expliqué quelques textes de 
l'Ancien et du Nouveau-Testament, développé 
une question philosophique et promis de s'em- 
ployer < sincèrement, fidellement et devant le 
Seigneur, à l'œuvre d'iceluy, chacun en son 
endroit (i). > 

Si les luttes sanglantes semblaient ne devoir 
jamais recommencer, les consistoires ne pou- 
vaient oublier que le clergé romain n'avait pas 
signé la paix. La guerre avait changé de nature, 
mais elle n'était pas terminée. Au lieu de se 
battre à coups d'épées, on se battait à coups 
de plumes. Les théologiens catholiques écri- 
vaient des volumes dans lesquels le protestan- 
tisme était tort malmené. Le synode de 1601 
chargea le pasteur de Tours, Pineaudes Ai- 
guës, de répondre aux adversaires (2) ; et plus 

(i) Synode de Poligny , 1609 (Mss de Blois). 

(2) Synode de Loudun, mars 1601, art. 8 (Mss de 

olOlSl. T^e SVnrkHA rriSn/^rol tAnii à Mrknt-QiiKan on i^r\A 



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— i63 — 

tard, en 1608, les membres de rassemblée émi- 
fent le vœu qu'on fit choix de < deux person- 
nages en chacune province pour se consom- 
mer particulièrement sur les controverses, afin 
d'estre pretz à la deffense de la vérité lorsqu'elle 
serait impugnée (attaquée) par escrit ou aultre- 
ment (i). > 

Les questions financières étaient traitées avec 
beaucoup de soin par les synodes. C'était 
eux qui distribuaient les deniers du roi, — 
En 1 601, il fut décidé que les sommes données 
par Sa Majesté seraient partagées également 
entre les ministres et les proposants, et que les 
veuves des pasteurs toucheraient < la moitié 
de la portion d'un ministre. (2). > 

Maintenir la discipline était l'une des grandes 
préoccupations des synodes. 

Celui de l'Ile-Bouchard défend les jeux même 
licites, « à cause de la perte de temps et d'ar- 
gent (3). » Les bateleurs et les joueurs de violon 
sont invités à s'abstenir de leurs exercices, s'ils 
veulent être reçus à la communion (4), Les 
jeunes filles ayant un père catholique et une 
mère protestante et qui « se meslent de dancer, 

(i) Synode de Preuilly, 1608. art. 24 (Mss de Blois). 

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— ' 104 — 

s'excusans sur la volonté de leur père, qui les 
y contraignent », sont fortement censurées. 

Le synode de l'Ile-Bouchard, tenu en i6o5, 
blâme énergiquement les jeux de cartes, les 
danses et les momeries, et ordonne aux consis- 
toires d'y tenir la main et de faire respecter la 
discipline. Cette même assemblée ayant appris 
que certains pères de famille envoyaient leurs 
enfants aux écoles romaines et leur permet- 
taient d'aller à la messe, enjoint aux églises de 
prendre des mesures sévères contre les coupa- 
bles (i). 

Le synode de Preuilly décide que les Bazo- 
chiens faisant profession de la Religion réfor- 
mée et qui « adhèrent aux insolences de ladite 
société », seront censurés, et en cas de conti- 
nuation « desdites insolences, » seront suspen- 
dus de la Cène (2). — Un certain Vincent 
Jourdain, ancien cordelier, avait été inscrit 
en 1602 sur le rôle des étudiants; maison le 
déclare indigne de subvention en i6o3, à cause 
de sa conduite scandaleuse (3). 

Une plainte ayant été portée par l'église de 
Paris contre un pasteur, le sieur du Perche, 
la compagnie ordonne de réunir le colloque 

(i) Synode de ï6o5, art, 11 et art. i5 (Mss de 
Blois). 

(2) Synode de 1602, art. 12 (Mss de Blois). 

(3) Synode de Baugé, i6o3, art. 5 (Mss deBiois). 



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- i65 — 

de Touraine, de sommer l'accusé de compa- 
raître, et donne à ce colloque le pouvoir de le 
déposer au cas où il ferait défaut. En atten- 
dant, elle le suspend de la Cène et du minis- 
tère, pour avoir quitté son église sans congé 
et avoir menti en déclarant qu'il était allé 
assister au synode de l'Ile-de-France (i). 

Les gens chargés de lire la Bible dans les 
temples et qui restent couverts sont censurés. 
Les membres des églises sont invités à être 
attentifs à la lecture de la parole de Dieu et on 
leur rappelle que pendant le chant des psau- 
mes ils doivent ôter leurs chapeaux, à moins 
qu'ils ne soient indisposés (2). 

Un blâme sévère est adressé à tous ceux qui 
abandonnent lès saintes assemblées, soit pour 
s'occuper de leurs affaires, soit pour « s'amu- 
ser aux tavernes et aux jeux illicites avec grand 
scandale (3). » Les synodes veillent aussi à ce 
que les p'asteurs soient payés par les églises. 
L'assemblée de Preuilly de 1608, censure la 
paroisse de Châtillon et Loches, qui n'avait pas 
tenu les promesses faites à Grenon, ordonne 



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— i66 — 

que tous les arrérages dûs à ce ministre lui 
seront soldés intégralement, à raison de 3oo 
livres par an, moitié par Loches, moitié par 
Châtillon ; et déclare que si les membres de la 
communauté n'obéissent pas à cette injonc- 
tion, leur pasteur leur sera enlevé (i). 

Ainsi, au commencement du xvn® siècle, les 
églises développent leur vie intérieure sous la 
ferme direction des synodes provinciaux et 
celle de Tours grandit peu à peu. Elle n'avait 
qu'un ministre en 1600; elle en eut deux 
en i6o3. Couppé, tout jeune encore, car il 
était proposant en 1602, fut adjoint à Pineau 
des Aiguës, qui, en iSgS, remplissait déjà les 
fonctions pastorales dans notre ville et dans 
les environs (2). La guerre ruiae les églises 
aussi bien que les peuples ; mais \a prospérité 
est fille de la paix. 

(i) Synode de 1608, art. 38 (Mss de Blois). 

(2) Z^ France protestante, 2.' édition, au mot Couppé, 
dit qu'il fut pasteur à Tours à partir de 160 1. Cest une 
erreur, car nous lisons dans les actes du synode tenu à 
Baugé en avril i6o3 : « M. Couppé ayant séjourné uii 
mois en l'église de TIsle-Bouchard, s'en ira sans aulcun 



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— 167 — 



CHAPITRE VIII 
DE l'Émeute de 1621 aux préludes de 

LA RÉVOCATION 

(1621-1660) 



Depuis la publication de l'édit de Nantes, 
les esprits s'étaient calmés; mais la guerre 
de 1621 réveilla les vieilles passions mal assou- 
pies et Tours fut le théâtre d'une émeute, qui 
eut des conséquences désastreuses pour l'église 
réformée de cette ville. 

L'année s'ouvrit sous de fâcheux auspices : 
les partis s'agitaient, et le clergé, toujours prêt 
à se jeter dans la lutte, excitait le peuple contre 
les protestants par des prédications empor- 
tées (i). Ces appels à la violence ne devaient 
pas rester sans écho. L'enterrement d'un hu- 
guenot, nommé Martin Lenoir, fournit à une 
partie de la population catholique l'occasion 



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— i68 — 

de montrer qu'elle savait profiter des leçons 
reçues dans les églises. 

Lenoif habitait la rue de la Monnaie. C'était 
un hôtelier d'assez mauvais renom. Les désor- 
dres qu'il tolérait dans sa maison, l'avaient 
fait emprisonner. Depuis sa mise en liberté, il 
ne sortait plus de chez lui sans être insulté. 
On le chansonna. ' * 

Le plus grand c 

Qui soit en France, 
C*est Martin Lenoir. 
Telle est ma créance. 
Au guéridon I (en prison)! 

Un jour, quelques hommes du peuple fabri- 
quèrent même un mannequin de paille et le 
promenèrent dans les rues de la ville en criant : 
€ Regardez, voici Martin Lenoir. » — D'autres 
disaient : € C'est Martin Luther », et tous se 
riaient de l'hôtelier. 

Cet homme mourut le i6 avril 1621. Le 18, 
qui était un dimanche, ses amis se réunirent à 
son domicile pour l'enterrement, qui devait 
avoir lieu dans l'après-midi. 

A quatre heures, le convoi funèbre se dirigea 
vers le cimetière du Petit-Genève, au milieu 
d'une foule énorme, suivi par une bande de 
jeunes drôles, qui portaient des croix de bois 
et chantaient la chanson de Martin. La popu- 



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- i69- 

lace riait (i). Sur la place du Grand-Marché, le 
cortège fut accueilli par des huées. Les protes- 
tants courbèrent la tête ei continuèrent leur 
chemin; mais un peu plus loin, ils demandè- 
rent à quelques soldats d'éloigner les enfants 
qui les suivaient encore en les insultant. Les 
hommes d'armes firent la sourde oreille. Irri- 
tés, les amis du défunt souffletèrent deux jeunes 
vauriens plus insolents que les autres et les 
envoyèrent rouler dans un fossé. Ce fut le 
signal de la bataille. Les enfants et le peuple 
se ruèrent sur le cortège, et tandis qu'on ense- 
velissait le corps en toute hâte, on se battit à 
coups de pierres. 

(i) Dans le midi de la France, où les haines religieuses 
ne sont malheureusement pas éteintes, bien qu'elles aient 
perdu de leur violence^ on chante encore des chansons 
de ce genre, insolentes et grossières. En voici une que 
nous avons entendu plus d'une fois sortir de la bouche 
d'enfants catholiques insultant de jeunes protestants : 

Higounaudailiol 
Fioc à la paillo, 
Fiocalfé! 
i Higounaudaillo 

Valparél 



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— \JO — 

Les réformés, trop peu nombreux pour ré 
sister longtemps, s'enfuirent de tous côtés. Les 
uns trouvèrent un refuge dans les maisons du 
voisinage, où ils subirent un véritable siège ; 
les autres coururent en ville et allèrent préve- 
nir le maire de ce qui se passait. Ce magistrat 
se transporta immédiatement sur les lieux; il 
délivra les malheureux que le peuple tenait 
encore assiégés, et il se retira après avoir réta- 
bli l'ordre un instant troublé. Mais après son 
départ, les enfants revinrent avec de % grands 
coquins et mauvais garnements » ; ils entrèrent 
dans le cimetière et ils déterrèrent le cadavre 
de Martin Lenoir avec l'intention de le traîner 
dans les rues et de le brûler ensuite. 

Cependant, quelques-uns de leurs cama- 
rades pénétraient dans la maison du gardien 
du cimetière et la pillaient. Le désordre était à 
son comble, quand le maire accourut pour la 
seconde fois, avec le lieutenant-criminel, le 
procureur du roi et quelques officiers. Leur 
présence suffit pour calmer les émeutiers. Le 
corps fut enseveli de nouveau; on rendit au 
gardien du cimetière tout ce qu'on put retrou- 
ver de ses meublés; deux pillards furent traînés 
en prison, et des soldats reçurent l'ordre de 

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Le lendemain," 19 avril, plus de huit cents 
personnes se transportèrent au cimetière du 
Petit-Genève et se livrèrent à tous les excès 
possibles. Les murs furent rasés jusqu'aux 
fondements; les arbres et même les herbes 
furent arrachés. On eût dit que la foudre était 
passée par là. 

Comme la veille, le maire essaya de rétablir 
l'ordre ; mais la foule devint menaçante et il 
fut obligé de se retirer. Les émeutiers, dont le 
nombre avait augmenté — ils étaient plus 
de 2000 — traversèrent alors le ruau Sainte- 
Anne et se dirigèrent vers le temple du Plessis. 
* Là, s'estans encouragés les uns et les autres, 
dit le Mercure du temps, ils commencèrent à 
rompre \ei portes, fenestres et vitres, pour y 
entrer : ce faict et estans dedans, l'un d'iceux 
prit un drapeau blanc, en façon de guidon et 
dit aux autres : € Criez tous : Vive le Roy 1 
i Vive le Roy ! Ça, il faut brusler le temple, 
4: tous les livres et tout ce qui est céans. » Aus- 
sitôt, ils amassèrent les bancs et chaises et 
mirent le feu partout, lequel y dura deux fois 
24 heures, sans avoir esté possible de le foire 
esteindre à cause de la populace qui s'y estoit 
assemblée et qui rioit de ce spectacle. ...Sur le 
soir le lieutenant criminel et le procureur du 
roi, le maire et les eschevins s'estans avec plu- 
sieurs de leurs officiers acheminés vers ledit 



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— 172 — 

temple pour penser faire esteindre le feu, n'osè- 
rent en approcher à cause de la grande quantité 
d'enfants qui y estoient, lesquels leur crioient 
à haute voix qu'ils n'eussent à s'approcher s'ils 
ne vouloient boire comme eux. Tellement 
qu'ils furent contraincts de se retirer et les 
laisser à ceste furie, laquelle ils continuèrent 
la nuict sur une maison appartenant au corps 
de la religion, laquelle ils démolirent entière- 
ment, mangèrent les vivres qu'ils y trouvèrent, 
ravagèrent les porcs salés, beurent le vin et 
mirent le bouchon, crians : € Vin à vendre à 
< un double la pinte et crédit à ceux qui n'au- 
« ront point d'argent... » Ce faict, estans entrés 
dans une autre maison proche le temple, aussi 
appartenant au corps de ladite religion et là 
où ils ténoient leur consistoire, ils y ravagè- 
rent tout ce qu'ils trouvèrent de vivres et de 
vin, crians toujours : € Vive Louys de Bour- 
€ boni » Et comme ils y vouloient mettre le 
feu, ua chanoine du Plessis, qui avoit son 
logis joignant ceste maison, sortit avec son 
surplis et son bonnet carré, qui les pria de 
n'y point mettre le feu, parce que sa maison 
courait la même fortune. Ils changèrent d'avis 
et lui dirent : € Elle sera donc abattue, » et à 

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- 173 - 

Tout cela se passait le lundi 19 avril. Le 
lendemain, comme l'émeute continuait, le 
maire réunit cinq cents hommes bien armés et 
se dirigea vers le Plessis. A son approche, les 
pillards s'enfuirent et se retirèrent dans le bois 
de Saint-Côme ; mais ils revinrent dans la 
journée et attaquèrent les maisons des protes- 
tants logés aux environs du temple. La troupe 
les chargea et fit usage de ses armes : un émeu- 
tier fut tué dans un grenier. 

Cependant des bruits sinistres couraient la 
ville. On avait vu un huguenot, nommé Hous- 
saye, sortir par la porte de TEscoirie, à cheval 
et armé. Une sentinelle l'avait arrêté en tuant 
sa monture d'un coup d'arquebuse et l'avait 
conduit au cachot. Un autre protestant, appelé 
Guillochon, lieutenant de la maréchaussée, 
avait parcouru la Grande Rue, en criant: 
4: Aux armes I » On avait été obligé d'abattre le 
cheval pour s'emparer du cavalier et le con- 
duire en prison. Etait-ce le commencement 
d'une émeute ? Les réformés allaient-ils se 
soulever et se défendre? On pouvait le crain- 
dre. Pour éviter de nouveaux malheurs, le 



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— 1/4 — 

velles, qui excitaient les esprits. On disait par 
exemple que les protestants avaient brûlé à 
Saumur la chapelle des Ardilliers et coupé les 
mains à un capucin de cette ville. Le maire, 
craignant une nouvelle émeute, lança une pro- 
clamation dans laquelle il défendait à tous les 
habitants € sous peine de vye », de tenir € au- 
cuns propos scandaleux, et de faire courir 
bruitz tendans à sédition. » 

Pendant que la municipalité essayait de réta- 
blir l'ordre par tous les moyens dont elle dis- 
posait, la nouvelle de ce qui s'était passé arriva 
à la cour. Louis XIII écrivit immédiatement à 
M. de Verdun, premier président, la lettre 
suivante : 

€ Aussitôt que Tadvis a esté donné d'un 
désordre arrivé en ma ville de Tours, ...j'y ai 
despéché le s»" de Melleville Le Doux, mon 
Conseiller et Maistre des Requestes ordinaires 
de mon Hostel, avec commission expresse pour 
en informer diligemment et exactement, faire 
et parfaire le procez aux coupables et les faire 
chastier exemplairement selon les lois et or- 
donnances de mon Royaume, dont je vous ay 
bien voulu faire part à fin que vous rendiez 



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- 175 - 

repos sous le bénéfice de mes édîcts, et de faire 
chastier les séditieux et perturbateurs du repos 
public, (i). » 

Le 4 mai, le tribunal obéissant aux ordres 
du roi, fit comparaître les émeutiers, après 
avoir mis en liberté les deux huguenots qui 
avaient été arrêtés le 19 avril. Le commissaire 
de Sa Majesté, le lieutenant criminel et les 
conseillers, interrogeaient les accusés, quand 
le peuple se souleva de nouveau, a On relâche 
les huguenots, criait la foule irritée, et l'on 
veut pendre les catholiques ; nous ne le per- 
mettrons pas; » et se précipitant contre les 
portes du palais, elle les renverse, brise les 
vitres de la chambre criminelle et enlève les 
prisonniers. Au milieu d'un tumulte indes- 
criptible, les juges s'enfuient épouvantés; les 
uns vont se cacher dans les caves, les autres 
grimpent sur les toits et se réfugient dans la 
maison d'un boulanger, tandis que quelques- 
uns 'd'entre eux prennent des vêtements d'em- 
prunt pour rentrer dans leurs demeures sans 
être reconnus. 

La populace venait de remporter une vic- 
toire, mais elle n'était pas encore satisfaite. 

(i) Mercure de France, 1621. — Cf. Historia pros- 

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— iy6 — 

Elle se jeta sur les maisons des réformés et 
en pîlla cinq : deux sur la place du Palais, trois 
dans la Grande Rue. Deux orfèvres, un passe- 
mentier, un marchand et un notaire furent 
dévalisés. A la nouvelle de ces désordres, les 
boutiques se fermèrent partout, les habitants 
descendirent dans la rue et élevèrent des barri- 
cades pour arrêter les émeutiers. Ceux-ci, se 
voyant menacés, demandèrent à parler au 
maire, qui s'était établi sur là place de Beaune 
avec une centaine d'hommes armés de piques, 
de mousquets et de hallebardes; mais il refusa 
de les recevoir, tout en les autorisant à lui 
envoyer des délégués. Aussitôt « trois grands 
pendars qui se faisoîent appeler le premier, le 
capitaine.de la Fourche, parce qu'il portoit 
une fourche, les deux autres, la Ruine et l'Oî- ^ 
gnon », vinrent en blasphémant réclamer trois 
de leurs camarades, qu'ils croyaient encore 
prisonniers. — < Mes amis, vous les avez 
tous », leur dît le lieutenant criminel. — 
<: Non, répondirent-ils, nous n'en avons que 
deux et il nous en faut cinq. ÎDe plus, nous 



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— 177 — 



faiblesse de leur accorder tout ce qu'ils de- 
mandaient, et ils firent ouvrir les portes de 
la prison aux trois < pendars », pour qu'ils vis- 
sent bien qu'on ne les avait pas trompés et que 
les cinq prisonniers étaient libres. — Une 
heure plus tard, la foule se dispersait. 

Les juges et le commissaire du roi sortirent 
alors des caves et des greniers dans lesquels 
ils s'étaient réfugiés, et le s»" de Melleville 
se mit en route pour Blois, afin d'informer 
Sa Majesté des événements de la journée. 
Louis XIII fort irrité, vînt immédiatement à 
Tours. Le 6 mai, il entra dans notre ville; 
trente émeutiers furent arrêtés aussitôt, et 
le 10, cinq d'entre eux s'entendirent condam- 
ner à être menés de la prison au palais, en 
chemise, une torche à la main, pour y faire 
amende honorable et de là être conduits sur la 
place du Grand-Marché, où ils devaient subir 
le dernier supplice. La sentence fut exécutée 
le jour même, et le bourreau pendit en effigie 
quatre des principaux coupables, qui s'étaient 
enfuis avant l'arrivée du roi (i). 

Le lendemain, ii mai, quelques réformés 
.eurent la bonne pensée de demander la grâce 
des émeutiers qui étaient encore en prison. Le 
corps de ville, dont ils sollicitèrent le con- 



(i) Archives municipales de Tours, G G 24. 



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-,78- 

cours, consentit de bon . cœur à faire une 
démarche auprès du roi, afin d'obtenir une 
amnistie plénière. Louis XIII se fit prier un 
peu; mais le 21 mai, il ordonna de relâcher 
les coupables, et la municipalité satisfaite, 
expédia au s' de Melleville <: trois boëtes de 
confitures » en souvenir de reconnaissance et 
donna à son secrétaire vingt livres de gratifi- 
cation (i). 

L'affaire était donc terminée; mais les pro- 
testants n'avaient plus de temple ; leur cime- 
tière était devenu « un lieu passant et mé- 
prisé >; quelques-uns d'entre eux avaient subi 
de grandes pertes, d'autres étaient allés cher- 
cher un refuge à Blois et à Sauihur (2). 

Au milieu de ces ruines, en face de cette 
dispersion, les membres de l'église qui étaient 
restés à Tours eurent un moment de profond 
découragement; mais forts de leur droit, ils 

(i) Pour toute cette affaire, voir Procès-verbal du 
maire et autres documents, en tout 16 pièces, Archives 
municipales de Tours, G G 24. 

(2) Les deux pasteurs de Tours s'étaient enfuis à Sau- 
mur avec un certain nombre de membres de l'église. 
(Récit véritable, déjà cité, 1624, p. 17-19). ^Abraham 
de Villamoyne, marchand. Marin Lechallais, chef des 
courriers du roi, et Jehan Néron^ marchand fileur de 

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— 179 — 

adressèrent à Louis XIII, le 26 mai 1621, une 
pétition dont voici la conclusion : < La justice 
que nous demandons, (rendans grâces très hum- 
bles pour celle qui a esté ia faicte), est qu'il 
plaise au Roy ordonner que nostre cimetière 
soit restably, nostre temple rebasty, et atten- 
dant que cela soit faict, qu'il nous soit donné 
par provision un lieu où nous puissions nous 
assembler; que nos biens nous soient resti- 
tués, et qu'il soit pourveu à ce que à l'advenir 
ncus puissions vivre en paix parmi nos conci- 
toyens (i). » 

Louis XIII répondit immédiatement qu'il 
prenait les huguenots sous sa protection et 
sauvegarde; qu'il voulait et entendait que le 
gouverneur, le maire et les échevins eussent 
soin de leur sûreté et conservation; qu'il 
enverrait un commissaire chargé de leur 
donner par provision un lieu dans les fau- 
bourgs ou dans les environs de la ville, dans 
lequel ils pourraient faire l'exercice de leur 
religion; que, pour leur permettre d'acheter la 
place qui leur serait désignée, il leur accordait 
18000 livres à prendre en deux années sur les 
deniers destinés aux réparations et fortifica- 



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- i8o — 

matière adressé au roi (i). — Cette réponse, 
dîctée par un esprit de justice et peut-être 
aussi par la crainte de mécontenter les hugue- 
nots de Tours, leur fit espérer un meilleur 
avenir; mais leur patience devait être mise à 
une rude épreuve. 

En 1623, ils n'avaient encore rien obtenu 
de ce qui leur avait été promis. Ils déléguèrent 
quelques-uns des leurs à Paris pour faire 
valoir leurs droits (2), et quand lés commis- 
saires de Sa Majesté vinrent à Tours avec 
mission d'exécuter les clauses des édits de 
pacification, ils les supplièrent dejieur rendre 
leur terrain du Plessis, de leur permettre d'y 
rebâtir leur temple et de leur faire octroyer la 
somme qui leur avait été promise en 1621. 
Mais le clergé s'opposa de tout son pouvoir au 
rétablissement du prêche au Plessis ; le corps 
de ville fit des objections, refusa de donner les 
18000 livres, qui devaient être prises sur les 
deniers publics, et offrit aux réformés, pour y 
construire un édifice où le culte serait célébré, 
« des lieux incommodes, d'un accès difficile et 
trop éloignés. » Les commissaires, fort embar- 

(i) Archives municipales de Tours, G G 24. 

•2) Cottière, le pasteur de Tours, et deux avocats, 

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— i8i — 

rassés, quittèrent Tours sans avoir pris de déci- 
sion et engagèrent les protestants à « se pour- 
voir par devers Sa Majesté (i). » 

C'est ce qu'ils firent en 1626. Ils obtinrent 
du roi l'autorisation de bâtir un temple soit 
dans la vallée Bouju, près de la Ville-aux- 
Dames, soit à la Feuillarde, sur les bords du 
Cher, en face de Saint-Avertin. 

Le gouverneur, mis en demeure d'exécuter 
le décret de Sa Majesté, fit comparaître en son 
château, le 3i juillet, le révérend père en 
Dieu, Bertrand Deschaux, archevêque de 
Tours, son archidiacre, son grand vicaire et 
les délégués du chapitre, le s»" de Verberault, 
écuyer, Charles Soullé, avocat, Mathieu Cot- 
tière, pasteur, Jehan Houssaye et Isaac Sau- 
vage, marchands, députés par les réformés ; le 
substitut du procureur général, le maire et les 
échevins. Il lut l'ordonnance royale relative à 
l'érection d'un temple, soit à la Feuillarde, soit 
à laVallée-Bouju,et il demanda aux protestants 
de choisir l'emplacement qu'ils désiraient. 
Sans hésiter, Cottière et ses amis se pronon- 
cèrent pour la Feuillarde. Mais le clergé fit 



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— l82 — 

Bien que le terrain dont on les gratifiait 
pour y bâtir un temple, fût éloigné de Tours, 
qu'il tût tout près des fourches patibulaires et 
que l'accès en fût difficile, ils furent obligés de 
s'en contenter, et c'est dans la plaine de la Ville- 
aux-Dames, qu'ils construisirent un lieu de 
culte, auquel ils donnèrent le nom de La 
Butte (i). 

On conserve à l'état civil de Tours trois 
registres contenant les actes < des baptêmes, 
mariages et sépultures » des réformés de cette 
ville, de i63i à i685. Nous avons trouvé dans 
le premier de ces volumes quelques indica- 
tions sur l'ouverture du temple de La Butte. 
C'est le mardi 19 août i63ï que l'église réfor- 
mée de Tours fut « rétablie » par Gasnay, 
conseiller au présîdial, « suivant les arrest et 
volontés du Roy. » Le surlendemain, 21 août, 
le culte fut célébré pour la première fois dans 

(t) Nous avons retrouvé remplacement de ce temple 
dans un champ situé à 200 mètres environ de La Mo- 
rinnerie^ sur le bord d'un chemin qui passe devant cette 
ferme et va couper un peu plus loin, à la maisonnette 
no i79) la ligne de Tours à Paris. Ce champ, qu^on laisse 
à gauche quand on se dirige vers le passage à niveau, et 
qui porte encore le nom de La Butte, appartient à 
M. Cimier-Dupont. A chaque labour, la charrue ramène 
à la surface des débris d'ardoises, du mortier et même 
des pierres des fondations, recouvertes d'un pied de terre 
environ* 



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— i83 •- 

le nouvel édifice par le pasteur Mathieu Cot- 
tière. 

Bien que la distance qui séparait Tours de La 
Butte fût assez grande, les protestants de notre 
ville s'y rendirent avec joie. Ils avaient enfin 
un édifice dans lequel ils pouvaient adorer 
Dieu selon leur conscience ; mais leurs enne- 
mis étaient fort irrités. « C'est là, écrivait un 
prêtre de Tours, que ces hérétiques hugue- 
nots, dont l'exercice de leur irréligion ou 
plutost athéisme avoit cessé depuis le brule- 
ment de leur temple proche le Plessis, ont été 
installés... par M. Gasnay. On tient que i5 es- 
cus lui firent faire $i lasche coup (i). » — Mal- 
gré ces récriminations, comme l'édit de Nantes 
devait être longtemps encore en vigueur, les 
réformés de Tours jouirent d'un repos relatif, 
et pendant plus de 5o ans, ils célébrèrent leur 
culte dans le temple de La Butte. 

Les membres des églises^ voisines furent 
moins heureux. En 1637, le pasteur de Preuilly 
fut jeté en prison et condamné à l'amende 
« pour n'avoir pas voulu subir certaines 
mesures vexatoires (2) », dont nous ignorons la 
nature. — En 1646, le ministre de ChâtîUon- 

(i) Etat-civil de Tours, paroisse de St-Vincent, t. IV, 
note. 
(2) Aymon, Synodes, t. II, p. 602. 



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— 184 — 

sur-Indre, le s' de Couldre, un ancien^ nommé 
la Brosse et quelques membres de cette pa- 
roisse, furent maltraités et le temple de cette 
ville fut réduit en cendres. Le synode provin- 
cial qui se réunit à Loudun l'année suivante, 
après avoir entendu « une ample et véritable 
desduction des outrages et persécutions » 
qu'avaient subis les réformés de Châtillon; 
après avoir loué le s^ de Couldre et la Brosse 
du courage et de la constance dont ils avaient 
fait preuve en cette occurence ; après les avoir 
consolés et exhortés à la persévérance, arrêta 
qu'il serait écrit au nom de la compagnie au 
d'éputé général, pour lui recommander avec 
grandes instances de les assister de ses soins 
auprès du roi ; que toutes les églises de la pro- 
vince seraient invitées à user « de leurs gra- 
tuités et charité » envers ladite église, afin de 
lui aider à supporter les grandes dépenses 
qu'elle avait faites et qu'elle allait avoir à faire ; 
et décida que les fonds recueillis dans ce but 
seraient adressés au consistoire de Tours (i). 

La paroisse de l'Ile-Bouchard eut aussi sa 
part de persécutions. 

Depuis plus de 3o ans, les réformés célé- 
braient leur culte dans le château de cette ville, 



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— i85 — 

qui appartenait à un seigneur protestant, quand 
en 1629, le duc Henri de la Trémoille et sa 
mère, la duchesse de Nassau, ayant vendu la 
baronnie de TIle-Bouchard au duc de Riche- 
lieu, ordre fut donné à ceux de la religion de 
se pourvoir d'un autre lieu pour leur exercice. 
Ils s'établirent dans le faubourg Saint-Maurice; 
mais en- 1 63 3, leur temple fut fermé (i), et 
après la mort du cardinal, la duchesse d'Aiguil- 
lon, qui fut chargée d'administrer les biens 
légués par lui à Jean Duplessis, demanda la 
suppression du prêche. Le sénéchal de Riche- 
lieu et celui de l'Ile-Bouchard, par ordonnan- 
ces du 16 et du 20 mars 1643, se hâtèrent de 
lui accorder ce qu'elle désirait. — Ce jugement 
fut frappé d'appel par Etienne Le Vascher, s' de 
Marigny, pasteur de l'église, par Simon d'Andl- 
gny,parle s^ de la Touche et par quelques autres 
membres de la paroisse, au nom de l'art. 9 de 
Fédit de Nantes, ainsi conçu : « Nous permet- 
tons à ceux de ladite religion faire et continuer 



(x) îi ne semble avoir été rouvert que beaucoup plus 
tard, car en 1637, l'église de TIle-Bouchard n'avait pas 
de culte. (Aymon, Synodes, t. Il, p. 697), et en 1647, au 
synode provincial de Loudun (Actes cités), le pasteur de 



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— i86 — 

l'exercice d'icelle en toutes les villes et lieux 
de nostre obéissance, où il a esté faict publi- 
quement par plusieurs et diverses fois en 
l'an iSgô et en l'année iSg/. » — Le Parlement 
fut saisi de cette affaire ; mais au lieu d'appli- 
quer l'édit, après avoir entendu l'avocat de la 
duchesse d'Aiguillon, qui < n'estimoit poinct 
que l'establissement (le culte), eust esté fâict 
publiquement^ ayant esté faict par un seigneur 
dans son chasteau », mit les parties « hors 
de cour et de procès » par jugement du 
i«' avril 1645, et invita les réformés < à se 
pourvoir par devers le Roy, pour leur estre 
pourveu d'un lieu pour l'exercice de leur relli- 
gion (i). » 

Le temple resta fermé; mais il fut rouvert 
plus tard. En effet, Colbert de Croissy écri- 
vait au roi en 1664 : « Il n'y a gue dix à douze 
huguenots (à Chinon;. Ils vont au prêche à 
l'Ile-Bouchard (2). » 

Nous approchons de l'époque où l'on va 
discuter les droits des réformés. Déjà, sous le 
ministère de Mazarin, entre les deux Frondes, 
de 1649 à i65i, on se demanda dans les con- 
seils de la monarchie, s'il était possible de 

(i) Registre du Parlement, Plaidoiries X « a 5601. 

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- ,87- 

révoquer Tédit de Nantes (i). Le cardinal se 
prononça pour la négative, et en i652, il con- 
firma la grande charte de iSgS. L'assemblée 
du clergé, réunie en i656, s'en plaignit amè- 
rement. Ses doléances portèrent leurs fruits. 
Trois ans plus tard, en efiet, se tenait à Loudun 
le dernier synode national: la Réforme était 
décapitée et le roi de France allait édicter de 
rigoureux décrets, annonçant l'intention bien 
arrêtée de révoquer Tédit de tolérance. 



(i) Bulletin de V Histoire du Protestantisme , 1870, 
p. 164, note. 



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— i88 — 
CHAPITRE IX 

LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT DE NANTES 



Après la mort de Mazarin, Louis XIV entre- 
prit de convertir les hérétiques en leur arra- 
chant Tune après l'autre toutes leurs libertés. 
— En 1662, il leur interdit d'enterrer leurs 
morts après le lever ou avant le coucher du 
soleil. Un décret de i663 condamna au ban- 
nissement les relaps, c'est-à-dîre les nouveaux 
convertis qui redevenaient protestants ; en cas 
de décès sur le territoire français, les corps de 
ces malheureux devaient être traînés sur la. 
claie, comme le fut à Angoulême par exemple, 
le cadavre de M^ie de Montalembert. 

A partir de 166 5, les curés eurent le droit 
de pénétrer auprès des hérétiques malades ou 
11- „_:::„. ..:.::r ---::v-r .^.r. Lr, ,,... -r.::r - et les 



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— 189 — 

Les années suivantes virent grossir le nombre 
de ces édits de persécution ; on prit des me- 
sures rigoureuses dans quelques provinces ; 
bon nombre de temples furent fermés, et c'est 
alors que dût être supprimé définitivement le 
prêche de rile-Bouchard (i). 

Le clergé veillait avec soin à l'exécution des 
ordonnances royales. Il était défendu par 
exemple aux pasteurs, de « faire le prêche en 
divers lieux et hors de leur résidence » ; les 
ministres de Preuilly, Fleury et Latreille, n'en 
continuaient pas moins à célébrer le culte tous 
les quinze jours dans la maison des Chastel- 
liers, appartenant à M. de Chambert. Un cha- 
noine de Tours, messire GeofiFroi Arnoul, en 
ayant été informé, s'empressa d'adresser une 
plainte à M. de la Noiraye, commissaire dé- 
puté pour connaître des contraventions à l'édit 
de Nantes. Il demandait que défense fût faite 
aux susdits ministres de remplir «les 'fonc- 
tions de leur Religion prétendue réformée en 
plusieurs lieux... et ce, soubs peine de prison 
et de mil livres d'amende » ; — et en second 
lieu, qu'il fut interdit aux diacres et aux an- 

(i) L'église de rile-Bouchard n'envoya pas de représen- 
tants au nvnnde Drovincial. nui se réunît à S^rcres en i683. 



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— igo — 

ciens de remplacer les pasteurs et de présider 
des assemblées, sous quelque prétexte que ce 
fût (i). Il fallait à tout prix écraser le protes- 
tantisme. M. de la Noîraye écrivit le i5 jan- 
vier 1669 au bas du factum que lui adressait 
le chanoine : « Veu la requeste cy-dessus, dé- 
fend les deux choses susdites >, et il signa. 

Les protestants de Tours avaient-ils con- 
science à cette époque de l'avenir douloureux 
qui leur était réservé? Il le semble. Nous avons 
trouvé dans l'un des sermons de Du Vidal, 
prononcé au temple de la Butte, vers 1670, 
l'expression des craintes de l'Eglise. « Que les 
avares, s'écrie-t-il dans ce discours, qui a pour 
titre : L'ancienne et la nouvelle Jérusalem^ — 
que les avares se réjouissent à la vue de leurs 
trésors ; les hommes du monde du succez de 
leurs ambitieux desseins, ou de celuy de leurs 
autres passions criminelles; quant à nous, 
nous nous réjouirons avec David de ce qu'on 
nous dit : Nous irons à la maison de l'Eternel; 
de ce que nous y venons toutes les semaines, 
de ce que nous y sommes aujourdhuy et de ce 
que nous offrons à Dieu nos vœux et nos sacri- 
fices évangéliques. Cette iove. Mes Frères 



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la plus vive à ceux qui ont le bonheur de se 
trouver dans vostre assemblée qu'on ne peut 
regarder, et où l'on ne peut ouir l'harmonie de 
tant de voix,... que l'on ne s'écrie : Que tes 
tabernacles sont beaux, ô Jacob ! Nous souhai- 
tons ardemment que cette commune joye ne 
nous soit point ostée. Nous en supplions ar- 
demment notre Dieu. Ah ! qu'il nous préserve 
d'un si grand malheur! Que nous ne tom- 
bions pas dans l'effroyable tristesse d'estre 
bannis de ses sanctuaires 1... Que nous enten- 
dions encore la voix de ceux qui nous disent : 
Nous irons en la maison de l'Eternel. » 

Bien que l'avenir inspirât des craintes sé- 
rieuses aux réformés de Touraine, leur situa- 
tion était encore excellente. A Preuilly (i), à 
l'Ile-Bouchard, à Châtillon, ils ne formaient, 
il est vrai, que des groupes de peu d'impor- 
tance ; mais à Tours, on en comptait encore 

(i) U devait y avoir à Preuilly vers 1670, 3oo protes- 
tants environ, car sur les registres des baptêmes, mariages 
et sépultures de cette église de 1669, 1671, 1672, 1673 
et 1675, qui se trouvent, celui de 1673, à l'état civil de 
Tours, {Registre des RéforméSy déjà cité, t. II), les autres 
aux archives du tribunal de Loches, le pasteur Isaac de 
Brissac, s^ de Grandchamp, a inscrit 33 baptêmes, soit 
six ou sept par an. Cette moyenne correspond au chiffre 
de population que nous venons d'indiquer. — Nous 
n'avons trouvé aucune trace des registres de Châtillon, ni 
de ceux de File-Bouchard. 



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— 192 — 

un grand nombre. Laissant de côté les chiffres 
fantaisistes donnés par quelques historiens, 
nous avons dépouillé les registres des baptê- 
mes, des mariages et des sépultures des protes- 
tants de cette ville, et après avoir établi des 
moyennes, nous sommes arrivé à la convic- 
tion qu'il y avait ici vers 1570, 25oo réformés 
environ. A l'approche de la Révocation, ce 
nombre diminua sensiblement, car il ne restait 
à Tours en i685 que i5oo huguenots. 

Comme la plupart des carrières leur étaient 
fermées, ils s'étaient adonnés depuis longtemps 
au commerce et à l'industrie. On trouvait 
parmi eux un grand nombre d'orfèvres,. d'hor- 
logers, et surtout une infinité de maîtres tis- 
seurs de soie, de maîtres passementiers, de 
fabricants et de marchands dç soieries. Sur 
3o pères de famille qui présentèrent leurs 
enfants au baptême en 1684, il y avait 23 com- 
merçants ou industriels (i). 

Dans toutes les corporations ouvrières, ils 
étaient d'ailleurs beaucoup plus nombreux 
que leurs adversaires. La seule « communauté > 
des orfèvres, par exemple, comptait en 1682, 

(i)La profession des 7 autres n'est pas indiquée. Rien ne 
prouve donc qu'ils ne fussent pas négociants. Nous savons 
seulement que l'un d'eux,David Lena in, était gentilhomme 
de la chambre privée du roi d*Angleterre. Registre des bap- 
têmes^ mariages^ etc., année 1684. (Etat civil de Tours). 



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- 193 - 

14 protestants sur i8 maîtres. Les catholiques 
ne pouvaient prendre leur parti de cette situa- 
tion, aussi l'un des gardes jurés de la Commu- 
nauté, Pierre Jacopin, s'en plaignit-il au greffe 
de la Monnaie. Il accusa les réformés de don- 
ner la préférence aux leurs dans les assemblées 
< qui se faisoient soit pour la nomination des 
jurez, réception des maîtres et autres affaires. » 
C'était leur droit, puisqu'ils étaient les plus 
nombreux ; mais l'autorité ne l'entendait pas 
ainsi. La Monnaie ordonna de réunir les maî- 
tres en présence du procureur du roi, pour 
procéder à l'élection de nouveaux jurés, appar- 
tenant « à la religion catholique, apostolique 
et romaine, avec deff'ences d'en nommer aucun 
de la Religion prétendue réformée, à peine !de 
nullité de la nomination et de cinquante livres 
d'amende (i). » 

De son côté, le clergé demandait depuis 
quelques années la démolition du temple de La 
Butte. Mais pour réussir, il fallait avoir une 
raison sérieuse à faire valoir. N'en trouvant 
pas, il eut recours au mensonge. Se souvenant 
qu'un édit de juin 1680 ordonnait de raser les 
lieux de culte dans lesquels des catholiques 
convertis au protestantisme depuis la promul- 
gation de ce décret, auraient assisté à un exer- 

(i) Archives du département d'Indre-et-Loire, B 49. 



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— 194 — 

clce religieux, — un prêtre nommé Sain, 
■directeur du séminaire, accusa Du Vidal, l'un 
des pasteurs de Tours, d'avoir laissé pénétrer 
dans le temple de La Butte une jeune jfille, 
nommée Marie Mirault ; de l'avoir engagée à 
changer de religion ; enfin de lui avoir donné 
la Sainte-Cène. Tout cela était faux; mais il 
suffisait que la justice crût à un délit pour que 
le temple fut rasé jusques aux fondements. Le 
procureur, saisi de la plainte, ouvrit immédia- 
tement une enquête. Il fit arrêter Marie Mirauit 
le i5 décembre 1681, et il l'interrogea plu- 
sieurs fois. Cette malheureuse fille se contredit 
si bien et si souvent, qu'il fut impossible 4e 
dresser un acte d'accusation sérieux contre le 
pasteur de Tours. Celui-ci n'en fut pas moils 
condamné comme ayant violé l'édit de 1680; 
mais il en appela et il réduisit momentané- 
ment ses adversaires au silence. 

Marie Mirault sortit alors de prison, et le 
directeur du séminaire la plaça dans la maison 
de la propagation de la foi, et lui fit faire un 
simulacre d'abjuration, afin de prouver qu'elle 
avait été protestante (i). 

(i) Factum pour Fr. Du Vidal, ministre de la Religion 
prétendue réformée à Tours, contre M. le Procureur du 
Roy ; et Requeste servant de factum à nos seigneurs du 
Parlement en la chambre de la Tournelle. (Bibliothèque 
nationale, Ff, 3.) 



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- 195 - 

Le clergé de Tours ne se tint pas pour battu. 
Dans l'espoîr d'atteindre son but, il surveillait 
les huguenots. Grâce aux décrets édictés inces- 
samment contre eux, il était difficile qu'ils ne 
fussent pas de temps en temps en contraven- 
tion. Il ne s'agissait que de constater le délit. 
Sain et quelques autres prêtres se chargèrent 
de l'odieux rôle d'espions. Ils vinrent à La 
Butte assister au culte, et prirent des notes qui 
leur servirent plus tard à dresser un acte d'ac- 
cusation contre Du Vidal. 

En i685, ils portèrent plainte contre ce pas- 
teur : ils affirmaient l'avoir entendu prononcer 
en chaire des paroles violentes et répréhensî- 
blés. La justice ne crut même pas devoir 
informer; mais l'année suivante le directeur 
du séminaire fut plus heureux. Voyant que les 
juges ordinaires ne l'écoutaient pas, il alla lui- 
même à Chambord, porta plainte au conseil 
du roi et demanda que Du Vidal fût jeté en 
prison (i). On ne pouvait refuser cette faveur 
à ce venimeux personnage, qui représentait le 
clergé de Tours. Le 12 novembre, le pasteur 
de La Butte fut enfermé dans un cachot. On 
l'y traita fort rigoureusement. Ses parents et 
ses amis ne furent pas autorisés à le voir ; on 

(i) Voir Factum et Requeste^ déjà cités. (Bibliothèque 
nationale, F f, 3.) 



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— 196 — 

lui refusa même un avocat, et le procureur du 
roi lui fit son procès. 

Du Vidal n'était pas seul en cause. Son col- 
lègue, Gédéon de Sicqueville et les anciens de 
la paroisse furent appelés devant les magis- 
trats. Il fallait à tout prix obtenir une belh 
condamnation contre les pasteurs et les mem- 
bres du consistoire : on pouvait ainsi tue 
d'un seul coup l'église réformée de Tours. Lb 
procureur du roi s'y employa de tout s(0 
cœur. Dans son réquisitoire, il accusa lu 
Vidal d'avoir publiquement attaqué le cdte 
des images, comparé le roi au lion rugissint 
de l'Ecriture, assimilé Louis XIV à Phara)n 
et à Hérode, persécuteurs du peuple de Di«i ; 
d'avoir enfin prononcé des paroles € impiei et 
détestables », au sujet de la fuite à l'étrarger 
en cas de persécution. Il reprit en second îeu 
l'affaire de Marie Mirault, abandonnée depiis 
trois ans ; et il demanda en terminant que le 
pasteur Gédéon de Guillebert de Sicquevile, 
que Guill, Renou, Lucas Duperche, Etierjie 
Guillerault, Daniel Norieux et Charles Fleuty» 
anciens de la paroisse, fussent condamnés pour 
avoir tenu une séance du consistoire sans y 
avoir appelé un magistrat. 

Les parties se défendirent. Du Vidal re- 
poussa les accusations lancées contre lui et 
protesta de son respect pour le roi. Quant au 



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— 197 - 

fait de Marie Mlrault, les inculpés rappelèrent 
les contradictions de cette fille et déclarèrent 
(qu'ils ne la connaissaient pas et qu'elle n'avait 
jamais été admise à la communion dans le 
temple de La Butte, comme elle l'avait du 
r^te reconnu dans son second interrogatoire. 
Ettfin, il fut prouvé que De Sicqueville et les 
anciens n'avaient pas eu de séance du consis- 
toire, mais qu'ils s'étaient simplement réunis 
autour du feu pour causer, comme ils le fai- 
saieit souvent, avant ou après le service (i). 
En tonne justice, tous les accusés auraient dû 
être acquittés : ils furent tous condamnés. Le 
i6 mai i685, le tribunal de Tours rendit le 
jugenent suivant : 

« Veu le procez extraordinairement instruit 
à la Requeste du Procureur du Roy contre les 
dessLsdits, et tout considéré, 

« Nous DISONS par notre Sentence et Juge- 
ment que pour le cas résultans de la dite Marie 
Mirfiult, est condamnée de faire amende hono- 
rable devant la porte et principale entrée de 
l'Eglise Cathédrale de cette ville, nuds pieds, 
la corde au col, tenant en ses mains une torche 
ardente du poids de deux livres, et là estant à 
genoux dire et déclarer que faisant profession 
de la Religion catholique, apostolique et ro- 

(i) Factum et Requeste cités. (Bibl. nat., F f. 3.) 



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maine, elle a assisté au Temple de ceux de la 
Religion prétendue réformée, et que dans ledit 
Temple elle a renoncé à la Religion catho- 
lique, apostolique et romaine, — dont elle s 
repent, en demande pardon à Dieu, au Roy >t 
à la Justice; et ce fait, bannie à perpétuée 
hors du Royaume, à elle enjoint de garder s^n 
ban sous peine de la vie; et que tous ses bi^s 
sont confisquez dans les coustumes où confe- 
cation a lieu ; 

< Et en ce qui concerne ledit Duvidal, ûi- 
nistre de ceux de la Religion prétendue rrfor- 
mée, est banni à perpétuité hors du Royaiine, 
condamné en cent livres d'amende (en) vos le 
Roy, et en trente livres d'aumosne applitfible 
à THospital Général, au payement de laqielle 
il sera contraint. 

€ Ordonnons que l'exercice de la Reljfion 
prétendue réformée demeure interdit pouttou- 
jours et qu'à cette fin le temple de La Ijutte 
sera démoly jusques aux fondements dan| un 
mois par ceux desdits de la Religion préteidue 
réformée, autrement et à faute de ce faire lans 
le dit temps et iceluy passé, qu'à la diligoice 
du Procureur du Roy le dit Temple îera 
démoli e.t que les matériaux en proveimns 
seront vendus, pour sur le prix d'iceux eitre 
les ouvriers, qui auront travaillé à la dite déno- 
lition, payez par préférence de leurs sallaires. 



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— 199 — 

(Quant aux anciens), « les dits Guill, Renou, 
Norieux, Duperche et Fleury, sont condamnés 
de comparoir en la chambre du Conseil, pour, 
en présence du Procureur du Roy, estre admo- 
nestés et condamnés en outre chacun en trois 
livres d'amende. Et à l'égard du dit de Secque- 
\ille (i), qu'il sera plus amplement informé 
contre luy à la diligence du Procureur du Roy, 
e: qu'il sera pris et appréhendé au corps, et en 
C'cs d'absence, ses biens saisis et arrestez {2). » 

Les condamnés en appelèrent. Ils adresse- 
rait aux membres de la chambre de la Tour- 
neJe un factum, dans lequel, après avoir dé- 
montré qu'ils étaient victimes d'une injustice, 
ils demandaient qu'on voulut bien < les déchar- 
gerdes condamnations portées par la sentence, 
les renvoyer absous des accusations, ordonner 
que le temple de ceux de la Religion prétendue 
réformée de ladite ville tût ouvert (3), pour y 
cortinuer Texercice aux termes des édicts, avec 
défense de les troublei- à l'avenir. {4). > Le 



(i) Il signait Sicqueville et non pas Secquevilîe, 
(s) Sentence rendue par Messieurs du Baiîlage et siège 
préiidial de Tours contre les ministres et anciens, etc. 



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— 200 — 

Parlement examina l'affaire et réforma le juge- 
ment du tribunal de Tours. Du Vidal ne fut 
condamné qu'à trois livres d'amende et ses 
coaccusés turent acquittés ; mais le temple 
resta fermé en attendant qu'on le démolît (i). 

L'église de Tours n'avait plus ni lieu df 
culte, ni pasteurs. De Sicqueville s'était réfu 
gié à Nantes, et Du Vidal, qui venait de passe 
six mois en prison (2), avait quitté le pays. 1 
fallait cependant que les enfants fussent bapt^ 
ses par quelqu'un. Le s^ de Hautecourt it 
chargé de cette tâche (3) ; mais en même temps 
il reçut l'ordre de ne célébrer de baptenes 
qu'à l'hôtel de ville, en présence de l'un les 
officiers du présidial, « sans taire aucun prêae, 
exhortation, ni autre exercice de ladite religin, 
que ce qui était marqué dans la liturgie. » 

D'un autre côté, l'administration enjoîpit 
aux catholiques de lui faire connaître les n«is 
de tous les réformés, qui leur avaient veidu 

(ij France protestante, art. Du Vidal. ^ 

(2) Lettre de NaUj lieutenant général en Tourane. 
(Archives nationales T T 323). 

(3) Ordonnance du 26 mai 16 85. Ville de Tours, t. II, 
p. 649. (Bibl. de Tours, mss n» 12 56). L'originaWe 
cette pièce se trouve aux archives du tribunal d*Ang^; 
ce qui nous fait croire auMl s^asît de Philioanneaùde 

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— 201 — 

des meubles, des effets ou dés bijoux. Ces der- 
niers étaient soupçonnés de réaliser des fonds 
en secret pour s'enfuir à l'étranger, au mépris 
des ordonnances royales (i), et l'intendant 
voulait savoir quelles étaient les personnes 
qL'il fallait surveiller. Du 17 au 19 octo- 
bre i685, des marchands et des particuliers 
apportèrent à l'hôtel-de-ville « les estats et 
mémoires des objets par eux acheptés à ceux 
de ^a Religion prétendue réformée. » On exa- 
mina toutes ces pièces et l'on apprit ainsi que 
la fcmille Du Vidal et la famille De Sicqueville 
avaient vendu leur mobilier ; le s^ Jallot, sa 
vaisselle plate ; les Guill, les Norieux, les De 
la Cour, les Falaiseau, les Menessier, les 
Soubzmain, pour ne citer que ceux-là, leurs 
lits, leurs tables, leurs chaises, leur linge, leur 
batterie de cuisine, leurs tentures et leurs 
tapisseries (2). 

Ces mesures inquisitoriales et d'ailleurs inu- 
tiles, car la plupart des réformés que nous 
venons de nommer réussirent à se réfugier en 



(1) Edit du i3 août 1669 et Déclaration du roi du 
12 août 1682. Voir Le Fèvre, Nouveau Recueil, etc,^ 
p. 5o4, 5o6, 636 et 640. 

(2) Registre des délibérations du corps de ville de 
Tours, 1679 à i685, n« 57, séance du 17 octobre i685, 
¥ 394 verso et sq. Voir un extrait de cette délibération 
\ppendice n" IX, 



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— 202 — 

Hollande, en Angleterre ou aux Etats-Unis'^ 
— ces mesures annonçaient l'approche de 1? 
révocation. Le i8 octobre, le roi signa 1 
déclaration qui abrogeait Tédit de Nantes. Ls 
protestants étaient hors la loi. 

Voici du reste les principales dispositionsdè 
ce décret. Louis XIV, après avoir déclaré qt'il 
supprime et révoque la charte donnée à Najtes 
en iSgS, ordonne de démolir immédiatenent 
tous les temples, défend de célébrer le alte 
réformé en aucun lieu, sous peine de coifis- 
cation des biens, enjoint à tous les paseurs 
qui ne consentiront pas à se converti, de 
sortir du royaume dans un délai de 1 5 ours, 
et promet une pension à ceux qui changront 
de religion. Il veut en outre que les eifants 
des réformés soient baptisés catholiqueaent; 
que tous les réfugiés rentrent en France et il 
défend aux religionnaires de quitter le pays 
sous peine des galères pour les hommeset de 
détention perpétuelle pour les femmes. Infin, 
il confirme les ordonnances contre les rlaps. 

En Touraine, comme dans toutes les povin- 
ces, cet édit fut exécuté immédiatement Les 



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— 203 — 

nîstrateurs des hospices, qu'une ordonnance 
royale avait mis en possession des biens du 
consistoire, envoyèrent des maçons et des 
charpentiers à La Butte pour < abattre le prê- 
che. » Tant que dura ce travail, qui fut achevé 
le 5 novembre, la populace vint applaudir les 
ouvriers ; on leur envoya du vin, et l'arche- 
vêque lui-même, « tout infirme qu'il estoit 
alors >, ne put refuser à son zèle de se trans- 
porter à la Ville-aux-Dames pour les encou- 
rager (i). 

Le clergé de France ne se sentait pas de 
joie. Il avait demandé si souvent la révoca- 
tion de l'édît de Nantes et payé si cher chaque 
persécution nouvelle (2), qu'il avait bien le 
droit de se réjouir. Il entonna partout les 
louanges du roi, et Bossuet s'écria dans-un dis- 
cours célèbre : « Epanchons nos cœurs sur la 
piété de Louis; poussons jusqu'au ciel nos 
acclamations, et disons à ce nouveau Constan- 
tin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau 
Charlemagne : Vous avez affermi la foi, vous 
avez exterminé les hérétiques; c'est le digne 

possible que le temple de Preuilly ait été démoli un ou 
deux ans plus tôt. Nous n'avons rien trouvé de décisif 
sur ce point. 



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— 204 — 

ouvrage de votre règne! Par vous l'hérésif 
n'est plus : Dîeu seul a pu faire cette mer- 
veille. > 

Ce bel enthousiasme ne prouve précisénicnt 
pas que Févêque de Meaux fût un homme pra- 
tique. S'il se fût rendu compte des conséquen- 
ces que devait avoir pour notre pays la révo- 
cation de redit de Nantes, il eût parlé sui un 
ton moins dythirambique de cette mervdlle^ 
qui devait ruiner quelques-unes des villei les 
plus riches de France. 

Nous y reviendrons dans le chapitre suR^ant. 



-..s.ffap»5ig^^^Ka^;>,w- 



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— 205 — 

CHAPITRE X 

LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT DE NANTES 

(Suite) 



Nous avons vu que l'édit de révocation or- 
donnait aux pasteurs de passer la frontière 
dans un délai de i5 jours. Du Vidal et De 
Sicqueville obéirent. Le premier se retira en 
Hollande, et fut placé à Groningue, où il 
mourut en 1721 (i). Le second se réfugia 
d'abord à Nantes et s'embarqua sur la JuS" 
ticej navire hollandais qui était en rade de 
Paimbœuf. 

|i) France protestante, art. Du Vidal. — Parmi les 
noms des pasteurs réfugiés en Hollande, nous trouvons 
ceux de Moyse Périllault, cy-devant pasteur de Flsle- 
Bouchard, et de Philiponneau de Hautecourt, (Extrait 
des articles résolus dans le synode des églises walonnes 
du 24 avril 1086), enfin celui de Benjamin de Brissac, 
ir du Vigneau^ ancien pasteur de Châtillon-sur-Indre. — 
Nous ne savons ce qu*est devenu le frère de ce dernier, 
lioac de Brissac^ pasteur de Preuilly en i683. (France 
protestante, art. Brissac.) Cf. Vaurigaud, Histoire de 
V église réformée de Nantes, p. 227, 243 et sq. 



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— 2o6 — 

Le procureur du roî visita cette embarca- 
tion, pour s'assurer que les fugitifs n'em- 
portaient ni meubles ni argent. Il fit ouvrir 
toutes les caisses, sonder tous les tonneaux, 
et au lieu d'objets précieux, on n'y trouva 
que du linge, des hardes et des livres. De 
Sicqueville se croyait hors de peine : il se 
trompait. Bien que son passeport ne l'auto- 
risât à emmener à l'étranger que sa femme et 
ses enfants, il n'avait pas voulu laisser en 
France la nourrice de son dernier-né ; mais le 
procureur du roi ayant constaté que celle-ci 
n'était pas mentionnée dans le brevet, lui donna 
l'ordre de retourner à terre et de rentrer dans 
son pays. Il fallut obéir, et le navire mit à la 
voile. 

Ce fut en Angleterre que les exilés se 
rendirent. De Sicqueville s'y établit et devint 
pasteur des églises de Swallow-street et du 
Quarré (i). 

En révoquant l'édit de Nantes, Louis XIV 
avait défendu aux huguenots de chercher à 
l'étranger la liberté qu'il leur refusait. Il fallait 
rester en France et devenir catholique, ou 



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— 207 — 

chez les réformés, les ruinant par plaisir et 
leur infligeant les tortures les^ plus ingénieu- 
sement barbares (i). 

Pour échapper à ces bourreaux, nombre de 
gens abjurèrent. L'Ile-Bouchard, Châtillon, 
Loches, Preuilly et Tours, comme la plupart 
des villes du royaume, eurent leurs nouveaux 
convertis. Ils ne furent pas cependant très 
nombreux en Touraine. Dix ans après la 
Révocation, il ne restait à Tours qu'une cen- 
taine de familles néo-catholiques ; Preuilly 
en possédait 25 tout au plus, et l'on en 
comptait quelques-unes seulement dans les 
autres villes de la province. La très grande 
majorité des réformés s'étaient enfuis à l'étran- 
ger. Tandis que les Falaiseau étaient allés 
en Angleterre, les Cardel en Allemagne, les 
Chartin en Suisse, Pierre Bacot, Abraham 
Fleury, Noé Royer, Louis Pasquereau, Made- 
leine Gendron, s'établissaient dans la Caroline 
du Sud, et des marchands, des tisseurs, des 
orfèvres, portaient à nos voisins les secrets de 
notre commerce et de notre industrie (2). 



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— 208 — 

Cependant, il était difficile de passer à Pétran- 
ger. Les soldats du roi faisaient bonne garde 
aux portes du royaume, et malheur aux fugitifs 
qui étaient arrêtés : ils expiaient leur crime 
dans un cachot ou sur les galères de Louis XIV. 
Les gens mêmes qui étaient sortis de France 
avant la Révocation, n'étaient pas toujours en 
sûreté de Pautre côté de la frontière. L'histoire 
de Cardel nous en fournit la preuve. 

Cet homme, qui était né à Tours vers i635, 
s'était établi à Manheim vers 1674, pour échap- 
per aux persécutions de toute espèce dont les 
réformés étaient victimes. Il avait fondé dans 
cette dernière ville une fabrique de tissus de 
soie, et il avait amassé une grande fortune. Sa 
richesse, en le désignant à Fattention des mi- 
nistres de Louis XIV, fut cause de sa ruine. 

On l'accusa d'avoir ourdi une conspiration 
contre la personne de Sa Majesté très chré- 
tienne, et il fut enlevé par des cavaliers entre 
Manheim et Francfort, puis conduit à Vin- 
cennes, où il fut écroué le 25 novembre i685. 

Deshayes, maître de langues et Dotire, de Tours, se réfu- 
giaient à Berlin, M"' de Toullieu, également de Tours, 
s'établissait à Lausanne; Louis Caron, peigneur de laine, 
à Halle; Benjamin Soubzmain, à Rœnigsberg; Simon 
Piozet et Abraham Cherigni, chandellier, à Magdebourg. 
Voir Papiers Diétérici. (Bibliothèque du protestantisme 
français, place Vendôme.) 



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— 209 — 

Par ordre supérieur, le gouverneur de Tou- 
raine fit au mois de décembre suivant, une 
enquête sur sa personne et sur sa famille (i). 
On espérait convaincre le prisonnier du crime 
de haute trahison, mais il fallut bien recon- 
naître son innocence. 

La Reynie écrivait lui-même en i685 : « On 
a accusé faussement Cardel d'une prétendue 
conspiration contre la personne du roi (2). » 

Il eût été )uste de relâcher cet innocent, 
mais il était huguenot, et malgré les réclama- 
tions de l'Électeur, des États généraux et de 
l'empereur d'Allemagùe, le malheureux ne 
recouvra jamais la liberté. En 1690, il fut 
transféré de Vincennes à La Bastille par ordre 
de Le Tellier ; il subit dans sa prison les tor- 
tures les plus affreuses, sans qu'on pût le faire 
abjurer, et après 3o ans de captivité, le 
i3 juin 171 5, il expira dans un cachot fan- 
geux, le corps chargé de soixante livres de 
fer (3). 

Peu de temps après l'arrestation de Cardel, 
deux Tourangeaux, Denis de Marc de Savigni 



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— 210 — 

et Michel Bigot furent envoyés aux galères 
pour cause de religion (i); et Ton enferma 
dans les cachots de Loches des protestants qui 
avaient refusé d'aller à la messe. 

Il y avait des femmes parmi ces malheureux. 
L'une d'elles, M«>« Paul, fit preuve d'une 
constance remarquable. Seignelay, qui tenait 
à ce qu'elle devint catholique, avait adressé la 
lettre suivante au gouverneur du château. < Le 
Roy envoyé la femme d'un conseiller du par- 
lement de Thoulouse, laquelle est très opinias- 
tre dans la Religion prétendue réformée. Vous 
pouvez la faire voir par des ecclésiastiques 
pour tascher de la convertir, et au surplus la 
garder soigneusement et empescher qu'elle 
n'escrive ni reçoive aucune lettre, qu'elle ne 
passe par vos mains. Sa nourriture sera payée 
20 sols par jour, en cas que son mari n'y pour- 
voye pas (2). » 

Pendant trois ans, M»« Paul résista à toutes 
les obsessions, et l'on ne réussit à lui faire 
renier ses principes que lorsque la souffrance 
et l'isolement eurent brisé sa volonté. 

Un prisonnier, nommé Sanson de Cahatiel, 



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— 211 — 

à la prison et à cent livres d'amende pour avoir 
refusé d'abjurer. On l'envoya à Loches, mais 
il fut impossible de vaincre son opiniastreté. 
Désespérant de le convertir, on l'exila (i). 

Nous avons dit plus haut que les enfants 
appartenant à des familles protestantes, de- 
vaient être baptisés par les curés et élevés dans 
la religion du roi. Une nouvelle ordonnance 
prescrivit d'enlever aux parents, soupçonnés 
d'être mal convertis, leurs fils et leurs filles de 
5 à i6 ans, pour les remettre à de bons catho- 
liques ou les enfermer dans un couvent. Les 
religieuses de Notre-Dame-des-Vertus, de 
Sainte-Maure, et les sœurs de l'Union chré- 
tienne de Tours recevaient les enfants de cette 
catégorie qui n'étaient pas confiés à l'adminis- 
tration des hospices. 

Ainsi s'exécutaient en Tour aine toutes les 
prescriptions de l'édit de i685. Voyons main- 
tenant quelles furent les conséquences de la 
Révocation au point de vue religieux et au 
point de vue industriel et commercial. 

D'abord, au point de vue religieux, l'abro- 
de l'édit de tolérance fut loin de pro- 



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— 212 — 

XIV et son pieux entourage. Les huguenots 
qui étaient restés en France, devenaient catho- 
liques, il est vrai; mais, comme le dit Saint- 
Simon, en parlant des conversions de cette 
époque, ce n'était qu'abjurations simulées. La 
terreur qu'inspiraient les dragons, la crainte 
d'être séparés de leur famille et la peur des 
galères, amenaient seules les réformés à la 
messe. Tandis que le roi < recevoit les listes 
d'abjurations et de communion, les montroit 
à ses courtisants avec épanouissement et na- 
geoit dans ces sacrilèges (i), » les malheureu- 
ses victimes de son intolérance mentaient à 
leur conscience, reniaient leurs principes du 
bout des lèvres et gardaient au fond du cœur 
leurs vieilles convictions. 

On s'en aperçut bientôt. Six mois ne s'étalent 
pas écoulés depuis la Révocation, qu'il fallut 
rappeler à leurs devoirs les nouveaux conver- 
tis. Le 6 mars 1686, Louis Béchameil, marquis 
de Nointel, commissaire de Sa Majesté pour 
l'exécution de ses ordres dans la généralité de 
Tours, publia l*ordonnance suivante : 

< Pour ce qui nous a été représenté qu'il y 
a plusieurs nouveaux convertis qui n'assis- 
tent point à la messe les fêtes et dimanches, et 



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— 2l3 — 

ne font aucune profession de la Religion qu'ils 
ont embrasse'e, ce qui est d'un mauvais exem- 
ple aux autres nouveaux ^convertis, qui s'ac- 
quittent dignement de leur devoir, et contraire 
aux intentions de Sa Majesté ; — à quoy étant 
nécessaire de pourvoir, nous ordonnons et 
enjoignons à tous les nouveaux convertis de 
l'étendue de notre département, d'assister à la 
messe et au Service Divin, au moins les jours 
de fêtes et dimanches, et d'en rapporter un 
certificat de leur curé à notre Greffe, ou entre 
les mains des Fabriciens de leur demeure et 
ce dans un mois : et de continuer de trois 
mois en trois mois à peine de cinquante livres 
d'aumône contre chacun des contrevenans et 
de plus grande peine en cas de récidive.., (i) » 
Cette ordonnance nous montre ce que 
valaient les conversions , dont on avait fait 
tant de bruit. Les réformés étaient devenus de 
très mauvais catholiques, et si les curés de 
Touraîne purent se vanter après la Révocation 
d'avoir cinq ou six cents paroissiens de plus, 
— ce qui vraiment était peu de chose, — il 
leur fut impossible de se faire longtemps illu- 



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— 214 — 

et redevenaient protestants aussitôt quHls 
pouvaient passer la frontière (i). 

Au point de vue religieux, si l'on entend 
par là le triomphe de l'unité, le clergé rem- 
porta une grande victoire en i685 ; mais 
si l'on prend le mot de religieux dans son 
acceptation la plus élevée, il faut bien recon- 
naître que la Révocation fit plus de mal au 
catholicisme qu'elle ne lui fit de bien. Les 
nouveaux convertis, loin d'être une force pour 
lui, furent une faiblesse. Ils le méprisaient tout 
en lui obéissant, et quand vint le xviii® siècle, 
ils fournirent à l'armée qui combattait l'église, 
quelques-uns de ses meilleurs soldats. Après 
la crise de i685, la France fut moins reli- 
gieuse qu'auparavant : la foi diminua, le res- 
pect pour les doctrines chrétiennes s'affaiblit 
peu à peu ; en somme les prêtres de France 
ne gagnèrent pas grand chose à la révocation 
de l'édit de Nantes. 

D'un autre côté, le commerce et l'industrie 
furent frappés au cœur par cette mesure néfaste, 
qui déshonora le règne de Louis XIV. Et 
cependant l'abbé de Caveyrac écrivait au siècle 
dernier que la Révocation était le « gage de la 



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— 2l5 — 

prospérité franqoise(i).% De nos jours il serait 
difficile de trouver Un homme sérieux qui 
voulût défendre cette thèse extraordinaire. Le 
clergé contemporain se contente de répéter que 
l'abrogation de l'édit de tolérance a fait moins 
de mal qu'on ne l'a prétendu. L'abbé Chevalier, 
dans un article intitulé : <^ Décadence de la 
manufacture des soieries à Tours, > a cru pou- 
voir affirmer par exemple que « la mesure 
politico-religieuse de i685, n'est entrée que 
pour une faible part » dans la ruine de cette 
industrie (2). Des pièces officielles * conservées 
aux Archives du Ministère des Affaires Etran- 
gères, ont servi de base à son argumentation. 
Nous avons étudié ces documents, au nombre 
desquels se trouvent deux rapports d'inten- 
dants, l'un de 1688, l'autre de 1698 (3), et ils 
n'ont modifié en rien notre opinion sur l'in- 
fluence néfaste de la révocation de l'édit de 
Nantes. 
Louis de Béchameil, marquis de Noîntel, 

(i) Apologie de Louis XIV et de son conseil sur la 
révocation de Védit de Nantes^ p. 565. 



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— 2l6 — 

intendant de Touraine de 1680 à 1689, cons- 
tate dans le premier de ces rapports la déca- 
dence de toutes les industries, et en particulier 
de l'industrie des soieries de Tours, qui em- 
ployait, dit-il, 7,000 métiers montés en 1668 
et 1,600 seulement en 1686(1). Nous savons 
d'ailleurs qu'il n'en restait que 120 en 1698. 

Dans le second de ces rapports, écrit dix 
ans plus tard, c'est-à-dire en 1698, l'intendant 
Hue de Miroménil attribue cette décadence à 
la cessation du commerce avec l'étranger, — 
au départ «\/e plusieurs ouvriers^ particulier 
rement des religionnaires^ établis en Angle- 
terre et en Hollande, » — à la guerre de tarifs 
faite au marchands de Tours par les négociants 
de Lyon ; — enfin à la vogue des toiles peintes 
des Indes alors dans toute leur nouveauté (2). 

Nous reconnaissons volontiers que la guerre 
de tarifs faite par les manufacturiers de Lyon 
à ceux de Tours, et que la vogue des toiles 



(i) Estât de la Généralité de Touraine^ 1688, f® 12. 
(Archives du Ministère des Afifeires Étrangères, France, 
no 1750). — La décadence de l'industrie des soies ne fit 
que s'accentuer au cours du xviii» siècle. Voir Histoire 
des corporations d'Arts et Métiers de Touraine^ par A.- 



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- 217 — 

peintes des Indes ont dû nuire à l'industrie de 
notre ville ; mais ce qui Ta tuée, c'est le départ 
des négociants huguenots et de leurs ouvriers, 
— départ qni a fait naître la concurrence 
étrangère. 

Il y avait à Tours en i685, bien que l'émi- 
gration eût commencé depuis longtemps, i ,5oo 
réformés environ, parmi lesquels on comptait 
trois à quatre cents marchands et fabricants. 
Or en 1698 il n'en restait que 400, «y compris 
les enfants (i), » en tout une centaine de chefs 
de famille, et il faut remarquer que c'était les 
plus énergiques, les plus industrieux et les 
plus riches, qui s'en étaient allés. Ce chiffre 
et la situation des émigrés expliquent suffisam- 
ment la ruine de l'industrie tourangelle, et en 
particulier la décadence des fabriques de 
soieries (2). Que deviendrait aujourd'hui le 
commerce de Tours, si deux ou trois cents 

(i) Mémoire de V Intendant de 1698, déjà cité, f^ 210. 

(2) Rien ne peut donner une idée plus exacte de la 
décadence progressive de l'industrie des soieries que les 
chiffres suivants. Nous les avons tirés du l^ivre matricule^ 
dans lequel on inscrivait les noms des apprentis et des 
conapagnons admis dans la corporation des ouvriers qui 

ft'jiHnnnaî^nt à centre, industrie F.n i fi-rr» il v ^rtf olRi ad- 

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— 2l8 — 

industriels et marchands fermaient leurs ate- 
liers et leurs magasins ? Il suffirait du départ 
des quatre fabricants de soieries de notre ville 
pour anéantir cette industrie et obliger leurs 
ouvriers à chercher à Lyon par exemple le 
travail qu'ils ne trouveraient plus ici. C'est 
ainsi qu'à la fin du xvii« siècle, la capitale de 
la Tôuraine vit se fermer l'un après l'autre la 
plupart de ses ateliers et disparaître peu à peu 
sa population ouvrière. 

D'ailleurs, les marchands et les fabricants 
réformés établis à l'étranger, s'étaient, remis 
au travail. En Angleterre, dans les années qui 
suivirent la Révocation, les manufactures de 
soieries devinrent vingt fois plus nombreuses 
qu'auparavant (i) : les fabriques de drap se 
multiplièrent en Hollande dans des propor- 

rîvée d'ouvriers étrangers), pour tomber aussitôt plus b-as 
que jamais. 

En 1689 on n'admit que 36 apprentis. 

En 1690 -* 2Z — 

En 1691 — 27 — 

En 1693 «^ 47 — 

En 1694 -^ i5 — 

Il y a loin des tS admissions de 1694 aux 282 admis- 
sions de 1670. —^ Voir Livre matricule pour les droits 
d'apprentissage et droits des comvasmons. (Archives du 

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— 219 — 

tions analogues, et les peuples d'Europe, qui 
étaient en guerre avec Louis XIV, s'approvi- 
sionnèrent sur ces marchés nouveaux. La 
France était appauvrie non seulement de tout 
ce qu'elle avait perdu, mais encore de tout ce 
qu'avait gagné l'étranger. La Révocation a donc 
ruiné notre commerce, ^abrogation de Védit 
de tolérance^ % qui fut au point de vue moral 
une infamie^ au point de vue 'politique une faute ^ 
fut un désastre au point de vue matériel (i). » 

On nous dit que les intendants n'ont pas vu 
dans « la mesure politico-religieuse de i685,> 
la cause du mal qu'ils ont signalé. Nous 
répondrons simplement qu'ils étaient trop 
habiles pour blâmer la conduite de Louis XIV. 
Ce n'est pas au moment où Ton entonnait de 
tous côtés les louanges du grand roi, « défen- 
seur de la foi, vainqueur de l'hérésie, » que 
ces préfets pouvaient écrire : « L'industrie se 
meurt; Sa Majesté l'a tuée, en obligeant les 
religionnaires à passer à l'étranger. » Quand 
Foucault voulut se plaindre de la dépopulation 
des provinces, il soumit à son père le mémoire 
qu'il avait préparé sur cette matière ; mais 
celui-ci lui dit immédiaten\ent : 

« Je l'ai lu et relu plusieurs fois. Il est fort 

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— 220 — 

être communiqué au Ministre et à tout ce qui 
en approche {i). 1^ Voilà pourquoi les inten- 
dants ont attribué à des causes, secondaires le 
désastre commercial qu'enfanta la Révocation. 
Ils étaient trop prudents pour dire la vérité. 

Un décret royal, enregistré le 27 janvier 
i683, avait ordonné de « réunir aux hôpitaux 
les biens légués aux pauvres de la Religion pré- 
tendue réformée, dont les consistoires étaient 
en possession (2). » Les immeubles furent saisis, 
mais il ne fut pas aussi facile de s'emparer des 
rentes que les protestants avaient eu soin de 
placer en mains sûres et secrètes (3). Pour 
découvrir ces rentes, on eut recours à des con- 
vertis qui avaient été membres des consis- 
toires. (4) . 

Conformément aux ordonnances royales, les 
hôpitaux de Tours furent mis en possession 
des biens de la communauté, c'est-à-dire du 

(i) Lettre du 5 janvier 1688, dans la Revue chrétienne^ 
1863, p. 333. 

(2) Déclaration du Roy^ archives nationales, T T 268. 

(3) En 1729, François Métivier, curé de Preuilly, n'avait 
pas encore réussi à s'emparer d'une rente créée par un 

Orotestant Hp r^tt^ villp nr\rr\mA C.\y(^\Ta\\\t^r a r»rmr la 



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— 221 — , 

temple de la Butte et de ses dépendances. D'un 
autre côté, le Receveur de la Charité encaissa 
en i685, 4,732 livres ayant appartenu au 
consistoire (i); et celui de FHôtel-Dieu, 3o 
sols (2). Mais cette somme ne repr,ésentait 
qu'une partie des capitaux convoités, lesquels 
s'élevaient à 12,000 livres (3). 

Un décret enregistré en parlement le 6 fé- 
vrier 1688 enleva aux hospices la paisible 
possession des biens des consistoires. « Nous 
voulons et nous plaît, dit le roi dans cette 
ordonnance, que les biens immeubles, qui ont 
appartenu aux consistoires, aux ministres de 
la Religion prétendue réformée, à ceux de nos 
sujets de ladite religion, qui sont sortis et 
sortiront de notre royaume au préjudice de 
nos édits et déclarations, soient et demeurent 
réunis à notre domaine, » pour être régis par 
les fermiers de la généralité, qui les prendront 
à bail (4). Nous pouvons affirmer , cependant 
que ce décret ne fut pas exécuté partout (5), et 



(i) Compte de la Chanté, années 1684 et i685. (Arch. 
de l'Hôpital général de Tours). ^ 

(2) Hôtel-Dieu, Comptes du Receveur^ année i685. 



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— 222 — 

que les hospices gardèrent au moins une par- 
tie des biens qu'on voulait leur enlever. Le 
Receveur de l'Hôtel-Dieu de Tours encaissait 
encore en 1706 une rente provenant des 
« sieurs de la Religion prétendue réfor- 
mée (i). » 

A Preuilly, tous les biens meubles et immeu- 
bles appartenant au consistoire de cette ville 
furent donnés au moment de la Révocation à la 
fabrique de l'église Notre-Dame. Parmi les 
immeubles se trouvait une maison près de 
laquelle s'élevait autrefois le temple (2). Cette 
maison, et les deux jardins qui en dépen- 
daient, furent mis aux enchères le 25 septem- 
bre 1688 et adjugés à messire Villeret, curé de 
Saint-Mélaine. Une fois maître de ce qui res- 
tait des biens du consistoire, Villeret y établit 
une école < pour instruire les jeunes filles, 

par exemple), furent mis en possession de biens ayant 
appartenu à des consistoires. Voir Mémoire des expédia 
tions. Archives nationales T T 43 1 »>. 

(i) 11 reste si peu de volumes des comptes des hospices 
de Tours, qu*il nous a été impossible de suivre cette 
affaire. 

(2) C'était « un logis avec deux jardins, Tun hault avec 



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— 223 — 

nommément celles dont les pères et mères 
avalent fait profession de la Religion prétendue 
réformée (i). » 

Depuis un certain nombre d'années, les biens 
des religiônnaires fugitifs avaient été saisis et 
mis en régie; mais en 1689, 1® roi décida que 
€ les plus proches parents et légitimes héri- 
tiers » de ceux qui étaient sortis ou pourraient 
sortir du royaume entreraient en possession 
des biens que ceux-ci avaient laissés ou laisse- 
raient, et qu'ils en jouiraient comme s'ils leur 
fussent échus par héritage, avec défense cepen- 
dant de ne les vendre, ni de les hypothéquer 
qu'après cinq ans de jouissance, à partir du 
ler janvier 1690 (2). Les nouveaux convertis 
s'emparèrent immédiatement des propriétés des 
absents. En Touraine, les plus proches parents 
les recueillirent < en vertu des ordonnances 
des juges ordinaires des lieux, et tout fut 
consommé suivant les intentions de Sa Ma- 
jesté (3). » 

Cependant, un certain nombre de propriétés 
restèrent entre les mains de la régie et furent 

(i) Hist, dePreuilly, déjà citée, p. 129 et i3o. 

(2) Mémoire et Instruction de ce qu'il faut faire pour 



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— 224 — 

administrées à partir de ^700 par un fermier 
général. Dans chaque généralité, ce fermier 
eut un employé chargé de faire rentrer les 
sommes à percevoir et de payer les fonds 
alloués soit à des écoles, soit à des hospices, 
soit à de nouveaux convertis. On trouve aux 
Archives nationales les comptes du sous-régis- 
seur de Touraine de 1702 à 1733 (i). Nous 
nous y arrêterons un instant. 

D'après les pièces que nous avons eues sous 
les yeux, on saisit à Tours, à Chinon, à Vou- 
vray, à Saint-Martin-le-Beau, des terres, des 
maisons et des rentes (2), appartenant toutes à 
des religionnaires fugitifs, parmi lesquels nous 
citerons le pasteur Daillé et sa femme Anne 
Falaiseau (3). 

Voici d'ailleurs quelques-unes des dépenses 
de la régie pour l'année 1702. 

Sur les sommes perçues^ elle avait payé aux 
dames religieuses de Notre-Dame-des-Vertus, 

(i) Il y a quelques lacunes dans ces comptes. 

(2) Voir Appendice n» XU. 

(3) Comptes du régisseur TT 81 et Pièces justificatives 
des comjotes TT 82. — En 17 18, la régie de la généralité 
de Touraine encaissait 1212 1. i3 s., réduits à 955 1. 3 s., 
grâce aux mainlevées et aux charees aui Desaient sur les 

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— 225 — 

de Sainte-Maure, la somme de loo livres pour 
la pension de Jeanne Joubert, nouvelle conver- 
tie; aux dames de l'Union chrétienne de Tours, 
la somme de 52 livres pour quatre mois de la 
pension de la demoiselle Modez; 26 livres à 
une nouvelle convertie pour frais de voyage à 
Paris, et ipo livres à la veuve du Proche, nou- 
velle catholique, pour une année de pension 
qui lui avait été accordée (i). Plus tard, elle 
versa une somme de gS livres i5 sols, entre les 
mains de la supérieure de l'Union chrétienne, 
pour la pension de la jeune Dulacq, dont les 
parents avaient passé la frontière (2). 

La régie fonctionna pendant tout le cours 
du xviii® siècle; mais à la Révolution, l'Assem- 
blée constituante, par décret du i5 décem- 
bre 1790, ordonna de rendre aux descendants 
des religionnaires fugitifs les biens que le roi 
de France leur avait dérobés. 

Depuis la Révocation, le protestantisme avait 
à peu près disparu de Touraine ; cependant 
les nouveaux convertis n'avaient pas tous 
abandonné Jeurs vieilles convictions : témoin 
Renée dPAubiernv. oui mmirut à Tours en 1 7o3, 



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— 220 — 

tant mourir au mois de juin 1708, il refusa 
< de recevoir les sacrements, bien qu'il eust 
fait abjuration de son hérésie (i). » — D'après 
la loi, les deux cadavres auraient dû être 
traînés sur la claie, mais il semble que les 
mœurs de notre province aient rendu impos- 
sibles des pratiques aussi monstrueuses. 

Au commencement du xviii® siècle, il restait 
d'ailleurs à Tours une famille au moins, qui 
n'avait jamais consenti à abjurer le protestan- 
tisme. Pendant de longues années les Dutems 
vécurent en paix, ignorés par les uns et res- 
pectés par les autres. L'un des fils s'établit à 
Tours, où il est mort en 1804. Son frère, 
nommé Louis, n'eût pas mieu»x demandé que 
de rester avec sa famille; mais l'archevêque 
ayant fait enlever sa sœur, âgée de 12 ans, 
pour la mettre dans un couvent (2), il eut peur 
et il passa en Angleterre, où l'un de ses oncles 
était richement établi. Pitt, à qui il avait été 
recommandé, s'occupa de lui. Ce- fut une 

(i) Comptes de 1708, Arch. nat. TT 81. 



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bonne fortune pour le jeune émîgré. D'abord 
secrétaire du ministre d'Angleterre à Turin,. il 
resta dans cette ville jusqu'en 1760, en qualité 
de chargé d'affaires ; puis il revint à Londres, 
où il est mort en 18 12, à l'âge de 82 ans. 

Avec la famille Dutems le protestantisme 
s'éteignit en Touraine. ^ 



-J^<f=*=l55l^5*«f«?^^ 



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— 228 — 



CHAPITRE XI 

LE PROTESTANTISME EN TOURAINE 
AU XIX« SIECLE 



Après les guerres de l'Empire, des Anglais 
vinrent s'établir en Touraîne. En 1816, ils 
étaient assez nombreux pour organiser une 
église, et quelques années plus tard on n'en 
comptait pas moins de i,5oo dans le départe- 
ment. Ils ouvrirent un culte à Tours, dans la rue 
de la Longue-Echelle; vers i83o, un chapelain 
donna une série de prédications dans une salle 
située au bas de la Tranchée, et en 1887, le 
Révérend Hartley célébrait le service divin 
depuis quelques années déjà, dans l'ancienne 
chapelle de l'Union chrétienne, rue de la 
Préfecture (i). C'est à cette époque que naquit 
l'église française de Tours. 

La population de la ville s'était accrue depuis 



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— 229 — 

le commencement du siècle. Des protestants 
venus du midi de la France, de Paris, de 
Suisse et d'ailleurs, avaient élu domicile en 
Touraine. Ils étaient près de 200. Le Révérend 
Hartley ouvrit un culte pour eux; mais la 
Société évangélique leur envoya bientôt un 
pasteur, M. Daugars, qui après un ministère 
de six mois environ, tut remplacé par M. Mo- 
rache, en janvier i838. 

Ce dernier, ancien élève du séminaire catho- 
lique d'Albi, était un homme très doux, très 
bon et cependant fort énergique. Les réformés 
de Tours se groupèrent autour de lui et le 3o 
janvier i838, ils sollicitèrent du Gouverne- 
ment la reconnaissance officielle de leur 
église. 

Le Ministre des cultes renvoya cette demande 
au conseil municipal qui Téxamina le i" août. 
La commission, chargée d'étudier cette ques- 
tion, ouvrit le débat, en déclarant par l'or- 
gane de M. Faucheux, que « les protestants 
avaient le droit de compter sur quelque sympa- 
thie dans une ville à la prospérité de laquelle 
ils avaient contribué pendant plusieurs siècles^ 
et dont la décadence datait du jour de leur 
proscription. » Puis elle proposa l'ordre du 
jour suivant : 

< Le Conseil municipal est d'avis qu'il y a 
lieu de faire droit à la demande des pétition- 



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— 23o — 

naîres, tendant à la reconnaissance légale de 
leur cuhe. 

« Il de'clare en outre qu'il est en mesure de 
leur fournir un local pour la célébration de 
leur culte, et au pasteur un logement ou une 
indemnité pour en tenir lieu. > 

L'un des membres du Conseil, M. Juge, 
combattit ces conclusions avec vivacité. Il 
demanda à ses collègues si les représentants 
des intérêts généraux de la cité pouvaient se 
croire investis de pouvoirs assez étendus 
€ pour la blesser dans sa foi, dans son culte^ 
dans ses habitudes^ dans toutes ses sympathies. » 
Refusant d'admettre que la ville eût un intérêt 
quelconque à l'ouverture d'un temple pour les 
« religionnaires, » il affirma que la reconnais- 
sance légale d'une église protestante entraîne- 
rait t la suppression du culte extérieur, des 
processions, des cérémonies funèbres ; » et il 
termina sa harangue par ces mots : « Comme 
homme de la légalité^ je trouve la demande 
contraire au texte et à P esprit de la loi. Catho- 
liqueyje ne veux pas que sans une indispensable 
?iécessitéy on restreigne le culte de mes pères. 
Délégué de la ville^ en échange de ses sympa- 
thiesy je ne la doterai pas de ferments de haine 
et de discorde. » 

M. Juge se croyait encore au xvi« siècle. 
Après une longue discussion, au cours de 



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— 23l — 

laquelle M. Julien et M. Carré appuyèrent 
énergîquement la proposition de la Commis- 
sion, les conclusions du rapport de M. Fau- 
cheux furent adoptées (i). 

Lé 24 novembre suivant, le Gouvernement 
décrétait qu'il y aurait « un oratoire protestant 
à Tours pour les protestants résidant dans 
cette ville et les autres communes du départe- 
ment ; » qu'un pasteur « serait nommé pour 
cet oratoire, annexé à l'église consistoriale 
d'Orléans » et que ce pasteur recevrait un trai- 
tement de i,5oo francs (2). L'église de Tours, 
grâce au libéralisme de la majorité du Conseil 
municipal, grâce aux actives démarches de 
quelques-uns des membres influents qu'elle 
comptait dans son sein, avait enfin reconquis 
lé droit de vivre. Elle avait sa place au soleil. 

M, Morache fut nommé pasteur de Tours 
par décret du 4 mars 1889 (3). Le premier 
consistoire local se composa de M. César Ba- 
cot, membre de la chambre des députés, de 
M. Jean André, receveur général des finances, 
du baron Bartholdi-Walther, du baron de 



(i) Journal d'Indre-et-Loire, 5 août i838. 
(2) Registre des délibérations du consistoire d* Orléans 
/ia^8-T88iV n- T. 



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' — 232 — 

Rodde, de MM. Bourguet, Minî, Bertrand et 
Mengotti, immédiatement remplacé sur sa 
demande par M. Campbell. La jeune paroisse 
était en bonnes mains. 

Le clergé lui déclara la guerre immédiate- 
ment : il était d'ailleurs dans son droit, car il 
est toujours permis de combattre ses adversai- 
res pourvu que Ton n'emploie que des armes 
courtoises. La lutte fut vive et personne ne 
s'y épargna. Des missionnaires tonnèrent en 
chaire contre l'hérésie renaissante ; l'archevê- 
que la condamna dans son mandement et l'on 
publia un Almanach du bon Catholique^ qui 
n'était pas fait pour plaire aux protestants. 
Ceux-ci répondirent à ces attaques avec quel- 
que amertume. Piqués au vif, ils publièrent 
des brochures, qui ressemblaient trop à celles 
de leurs adversaires. La controverse, quand 
elle devient acerbe, ne persuade personne : 
elle irrite et ne fait que du mal. Les deux par- 
tis eurent assez d'esprit pour le comprendre et 
assez de sagesse pour se calmer. Nous en 
avons trouvé la preuve dans quelques lettres 
de M. Morache, et aussi dans un billet que le 
vicaire-général de l'archevêque écrivit au pas- 



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- 233 — 

correspondance, qui pourrait amener encore 
des récriminations. Si l'unité de foi ne peut 
régner entre nous, au moins faisons y régner 
l'unité de la charité, et ne donnons pas le 
spectacle de discussions violente?, dont l'im- 
piété seule peut profiter. Agréez, etc., Signé : 
D. Dufêtre, V. G. > 

On sait que les réformés ont toujours attaché 
une grande importance à l'instruction de la 
jtBunesse ; aussi, dès que l'église de Tours eut 
été reconnue par Tétat, elle voulut avoir des 
écoles. Pour réaliser ce désir, elle sollicita 
l'appui de la Société évangélique, qui lui 
promit son concours pécuniaire au mois de 
septembre 1839(1). Une école de garçons et 
une école de filles furent ouvertes ; mais, obéis- 
sant à des influences occultes, le Recteur refu- 
sa « Vinstitution réglementaire » à l'institutrice 
que le consistoire avait appelée, parce qu'elle 
recevait, disait-on, des élèves catholiques (2). 
L'affaire fut portée devant le Ministre de l'Ins- 
truction publique : on fit une enquête qui 

(i) Registre des délibérations du conseil presbytéraî de 
Tours t p. 14. 

(2) L'école de filles fut ouverte la première par 
M"« Laûgt, qui était à Tours depuis le lor mai 1839. 

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- 234 - 

démontra la fausseté de l'accusation lancée 
contre M"« Laûgt, et celle-ci fut « instituée » ; 
toutefois l'administration obligea les parents à 
déclarer par écrit dans un registre ad hoc^ 
qu'ils désiraient faire suivre à leurs enfants 
le cours d'instruction religieuse de l'école 
protestante (i). 

Le mauvais vouloir du parti clérical à l'égard 
des réformés allait d'ailleurs se manifester 
d'une façon éclatante. 

Le 20 mars 1842, M. Morache reçut la visite 
de quelques habitants de Chenusson, village 
situé dans la commune de Saint- Laurent- 
en-Gâtine, canton de Château-du-Loir. Ils 
venaient au nom d'un certain nombre de per- 
sonnes, lui déclarer qu'ils désiraient se ratta- 
cher au protestantisme et lui demander une 
prédication. Le pasteur se rendit sur les lieux 
le 27 mars, après avoir informé k maire de 
Saint-Laurent du jour, de l'heure et du lieu 
où il devait célébrer le culte. Plus de 3oo per- 
sonnes l'attendaient. Il prêcha dans une grange 
devant un auditoire fort nombreux, composé 
de gens de Nouzîlly, de Saint-Laurent et de 
Beaumont. < Chenusson y était tout entier, 
écrivait-il, le 29 à M. André, l'un des mem- 



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— 235 — 

bres du consistoire. Après le service, qui 
n'a été un peu troublé vers la fin que par 
deux ou trois polissons envoyés par le curé de 
Nouziliy, plusieurs personnes ont demandé 
à être inscrites sur le champ, pour embrasser 
notre religion. On m'assure qu'à la prochaine 
prédication, qui aura lieu de dimanche en 
huit, j'aurai 600 personnes. Je ne sais pas ce 
que cela deviendra, mais j'espère beaucoup 
qu'avec l'activité de P. (i)et la bénédiction de 
.Dieu, une congrégation s'établira dans ce lieu, 
'et que nous pourrons atteindre les localités 
environnantes. Il me manque un aide que j'ai 
';iepuis bien longtemps demandé à la Société 
Wangélique. Je ne puis guère étendre cette 
euvre tout seul. — Maintenant, il faut s'atten- 
dre à de grandes difficultés de la part du clergé, 
Jeut-etre même de la part du Préfet ; peut-être 
même faut-il s'attendre à un procès. J'ai pesé 
tout cela avant de commencer ; mais j'ai senti 
que je ne pouvais pas reculer sans devenir 
infidèle, et j'ai abandonné toute considération 
pour suivre le chemin tracé devant moi. Je ne 
pouvais faire autrement (2). » 
Pendant que M. Morache prenait la résolu- 



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— 236 — 

tîon d'aller en avant coûte que coûte, le clergé 
demandait au préfet d'user de son autorité 
pour l'empêcher de retourner à Chenusson. 
Ce magistrat adressa le 2 avril une lettre au 
pasteur de Tours, dans laquelle, se fondant 
sur l'article 44 des articles organiques du culte 
catholique, il lui contestait le droit de célébrer 
des cérémonies religieuses dans la commune 
de Saint-Laurent, « attendu qu'on ne peut se 
livrer aux exercices du culte, disait-il, que 
dans une chapelle ou oratoire établi par le 
gouvernement et qu'il n'existe pas dans cette 
commune d'oratoire ainsi constitué; — attendu 
aussi que l'ordonnance du 24 novembre i838 
établissant un oratoire à Tours, doit être en-t 
tendue dans ce sens que tous les adeptes de 
l'Eglise réformée habitant le département doi- 
vent se réunir à Tours pour toutes les céré- 
monies religieuses. » 

C'était interdire à M. Morache de retourner 
à Chenusson. 

Il répondit au préfet qu'il n'était pas sorti 
de la légalité en allant dans ce village ; qu'il 
n'avait fait que son devoir en répondant à 
l'appel qui lui avait été adressé; qu'il était 



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i 



— 23/ — 



Tturs, à moins qu'on ne voulût obliger les 
fanilles à transporter dans cette Ville les morts, 
lesenfants nouveau-nés et les malades, pour 
y 4re inhumés, baptisés et consolés, ce qui 
étai absolument impossible. Tout cela consi- 
déra, M. Morache déclarait au préfet qu'il irait 
partout où on l'appellerait, que c'était son 
droitet son devoir et qu'il saurait bien reven- 
dique l'un et accomplir l'autre. 

11 écrivit au Ministre des Cultes pour l'in- 
former de ce qui se passait, et le lo avril il 
retourm à Chenusson. Il venait d'arriver, 
quand £ vit paraître le maire, ceint de son 
écharpey le brigadier de gendarmerie, trois 
gendarmes et quelques gardes nationaux, char- 
gés par U préfet de faire évacuer le local dans 
leqael il devait prêcher. Devant ce déploiement 
de force, il n'y avait qu'à protester et à se 
retrer. C'est ce que fit M. Morache; mais 
M.André, receveur des finances, et M. Rossel- 
loty président du consistoire d'Orléans, allè- 
rentdénoncer au Ministre l'abus de pouvoir 
qui ^enait d'être commis par le maire et par le 
préfe. Cette démarche ne fut pas inutile. Ordre 
fut dcnné au préfet de faire respecter la liberté 
des ciltes et de laisser le pasteur libre de rem- 
plir set fonctions comme il l'entendrait. 

Les sVmpathies que rencontrait de tous côtés 
M. Morlche n'étaient pas assez protondes ce- 

\ 



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- 238 — 

pendant pour résister aux vexations de toute 
sorte que l'autorité faisait subir aux prosélyres. 
Ne pouvant les persécuter, on s'ingéniait à 
leur rendre la vie pénible, à les blesser dans 
leurs sentiments les plus respectables. Les 
morts eux-mêmes étaient quelquefois insultés 
par les agents subalternes d'une administration 
intolérante. -Voici un fait qui le prouve. 

Le 2 1 août 1 843 , on vint demander à M. Mora- 
che de se rendre à Nouzilly, pour l'enterrement 
d'une femme, qui s'était convertie au protes- 
tantisme en même temps que son mari. La 
cérémonie devait avoir lieu le lendemain à 
midi; mais à 9 heures du matin, trois gendar- 
mes se présentèrent au domicile de la défunte 
et se dirent envoyés < pour protéger le convoi. » 

Le pasteur n'était pas encore arrivé ; ils 
refusèrent de l'attendre, et à 10 heures, ils 
ordonnèrent aux porteurs de se mettre en route. 
Malgré les protestations de la famille, la morte 
fut enlevée, et le corps enterré par le curé du 
village, en grande pompe, toutes cloches son- 
nantes. 

On se plaignit. Le consistoire dénonça 
au Ministre cette violation des droits les 
plus sacrés de la conscience; mais les cou- 
pables ne furent pas châtiés comme ils auraient 
dû l'être : se sentant soutenus par l'autorité, 
ils ne ménagèrent pas aux protestants des envi- 



yGpogle 



— 239 — 

3nsles menaces que leur inspirait une haine 
tup'de. Bref, on réussit-à intimider ces pau- 
res gens et le mouvement avorta. Quelques 
imiles seulement eurent le courage de ne pas 
ban^onner l'Église réformée (i). 

Au moment où M. Morache essayait de 
onderune église à Chenusson, les protestants 
ie Touts songeaient à acheter la chapelle dans 
aquelleils célébraient le culte depuis quelques 
innées. 

Cet éctfice avait fait partie autrefois du 
:ouvent de l'Union chrétienne. C'est là que 
es jeunes filles enlevées à leurs parents après 
a révocation de l'Édit de Nantes, avaient été 
'Ontraintes d'abjurer le protestantisme. 

M. de Vildé avait affermé cet immeuble aux 
anglais, et les Français payaient la moitié du 
oyei; mais ces derniers, frappés de ce qu'il y 
ivaii de précaire dans cette situation, et ne 
voulant pas s'exposer à être dépossédés d'un 
leu de culte qui leur convenait à tous égards, 

titrèrent en pourparlers avec le propriétaire. 

Sprès discussion, le prix de vente fut fixé à 

4)Ooc fr. Il fallait trouver cette somme. Le 

bnsistoire local sollicita du conseil municipal 



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— 240 — 

un don de 10,000 fr., représentant le capital 
de la subvention annuelle de 5 00 fr. que celui- 
ci accordait à l'église réformée de Tours. 

La commission chargée d'examiner cette 
demande, déclara le 23 août 1843, par Torgane; 
de M. Carré, qu'il n'était pas convenahk de| 
laisser une partie de la population à la merci 
d'un propriétaire pour la libre dispositioa dei 
l'édifice dans lequel était célébré son culte; 
que la ville s'étant engagée à fournir aux pro-l 
testants un local convenable, ne dépenserait 
pas davantage en donnant un capital de io,oooj 
francs qu'en payant un loyer annuel; et elle 
proposa en conséquence d'accueillir favora-j 
blement la requête qui venait d'être adressée 3^ 
la municipalité. — M. Juge et M. Chambert 
combattirent avec beaucoup de vivacité le^ 
conclusions du rapporteur; mais le conseil 
adopta le projet de délibération qui lui était 
présenté, en stipulant toutefois que dans le cas, 
où l'édifice acquis par le consistoire de l'église 
réformée cesserait d'être affecté à l'exercice dq 
culte, il deviendrait propriété communale (r). 

Le Gouvernement fut plus généreux encore 
ûue la ville ! îl donna T^.nnn fr. à l'éfrlise de 



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— 24Ï — 

èreijt pour compléter la somme dont ils 
valent besoin. Ils pouvaient acheter le temple. 
M. de Vildé le leur vendit par acte passé le 
«^ et le 3 juin 1844, en l'étude de MM. Sensier 
t Robin, notaires, et c'est dans cet édifice que 
es protestants célèbrent leur culte depuis plus 
ie quarante ans (i). 



'0 Le temple a. été agratiili en 1857. Des réparations 
m portantes y ont été faites à cette époque, et le tout a 
pûté i3,i26 fr. 55, dont 5,ooo fr. donnés par l'Etat, 
,65o fr. par l'église anglaise, et le reste par l'église 
rançaise. Registre des délibérations du conseil presby- 
irai, p. 222, 



I 



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— 242 — 



CHAPITRE XII 

LE PROTESTANTISME EN TOtJRAINE 
AU XIX® SIÈCLE 

(Suite) 



La Touraîne est un pays éminemment libé- 
ral. Le protestantisme était fait pour plaire aux 
populations indépendantes qui Thabitent. 

Un mouvement analogue à celui de Chenus- 
son se produisit à Huismes en 1 845*. Sur l'invi- 
tation de M. Morache, qui était malade, M. Du- 
vivier, pasteur de Saumur, se rendit sur le^ 
lieux; mais le préfet lui défendit de célébrer le 
culte dans cette localité, qui n'était pas dans sa 
paroisse (i). Cinquante-six chefs de famille 
protestèrent contre cette décision et demandè- 
rent par voie de pétition au consistoire d'Or- 
léans et au préfet lui-même, l'établissement 
dans leur commune d'une église réformée (2). 

(i) Lettre du 3o décembre 1845, Archives du conseil 
presbytéral de Tours A 4. 

(2) Les agissements « d'un méchant prêtre, contre 
lequel la commune presque tout entière portait dej 



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— 243 — 

On porta l'afifaire'devant le Ministre des Cultes, 
qui autorisa par dépêche du 3o avril 1846 l'ou- 
verture d'un temple à Huismes. M. Boubila 
fut chargé de la direction de cette petite église. 
Il se mit à l'œuvre, recueillit des fonds pour 
aménager un oratoire, et le 16 mai 1847, M. 
Morache inaugura le modeste édifice dans 
lequel le culte protestant devait être célébré. 

Quelques années après l'organisation de 
l'église de Huismes, un certain nombre d'ha- 
bitants de La Chapelle-aux-Naux, à la suite 
d'une querelle de clocher, résolurent d'appeler 
un pasteur. Bien décidés à abandonner le 
catholicisme, ils s'adressèrent à M. Fuzier, qui 
venait de remplacer M. Morache, décédé le 12 
avril i852, et ils lui demandèrent de venir 
leur prêcher l'évangile. Le pasteur de Tours 
les fit attendre quelques mois : il était trop 
prudent pour ne pas leur laisser le temps de 
réfléchir ; mais voyant qu'ils persévéraient 
dans leur résolution, il se rendit à leurs désirs. 

Nous avons trouvé dans l'une de ses lettres, 
adressée le 5 juin i855 à M* le Ministre des 
Cultes, quelques détails intéressants sur les 
démarches faites auprès de lui par les gens de 

plaintes énergiques », avaient irrité les gens et les avaient 
disposés à abandonner le catholicisme. Voir Rapport de 
M, Devaratines, maître des requêtes et maire de Huismes. 
[Archives du conseil presbytéral de Tours.) 



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— 244 — 

La Chapelle-aux-Naux, sur ses hésitations, 
enfin sur les motifs qui le déterminèrent à 
céder à leurs instances. 

« Vers la fin de i852, dît-il, quelques chefs 
de famille de La Chapelle, près Langeais, vin 
rent m'annoncer qu'un assez grand nombre 
d'habitants de cette commune avaient embrassé 
la religion protestante et qu'ils me priaient ei\ 
leur nom d'aller célébrer le culte dans leur vil 
lage. M'étant informé avant tout des motifs qui 
les avaient portés à changer de religion, ils me 
répondirent qu'une discussion s'était élevée 
dans leur commune au sujet du lieu où Ton 
devait rebâtir l'église catholique, qui menaçait 
ruine ; que les injustices dont ils croyaient avoir 
à se plaindre dans cette affaire, les avaient fait ré- 
fléchir; qu'ils avaient entendu parler favorable- 
ment du protestantisme et qu'ils voulaient êtrq 
protestants. — Je leur répondis que ces raisons 
ne me paraissaient pas suffisamment sérieuses, 
et que je ne pouvais rien promettre jusqu'à 
plus ample information. Mon refus parut les 
attrister, mais ne les découragea pas. Pendant 
trois mois consécutifs, janvier, février et 
mars i853, je continuai à recevoir leurs dépu- 
tations ou leurs lettres, pour me supplier 
d'aller prêcher à La Chapelle...* En voyant 
cette persistance et cette résolution, je me de- 
mandai si je pouvais, sans manquer à mes 



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. - 245 - 

obligations, me dispenser de leur faire au 
moins une visite, ne fût-ce que pour me rendre 
plus exactement com'pté de Fétat des choses. 
Je me transportai donc à La Chapelle pour la 
première fois vers la fin de mars, et je trouvai 
là des gens animés de bonnes dispositions... 
Plusieurs d'entre eux me firent entendre que 
la discussion relative à Téglise avait été plutôt 
Voccasion que la cause de leur séparation, et 
que, comme ils me l'avaient écrit, ils ne vou- 
laient suivre d'autre religion que la nôtre, (i). » 

Ces explications décidèrent M. le pasteur 
Fuzier à revenir à La Chapelle. Tous les 
dimanches, pendant un an, il célébra le culte 
dans ce village et il y envoya un évangéliste 
pour instruire les prosélytes et diriger l'église 
naissante. La paroisse se composait de 42 fa- 
milles. 

Il y eut dans le pays une explosion de colère 
contre les hommes assez indépendants et assez 
hardis pour rompre en visière avec l'Église 
romaine. Dans Tespoir de les dégoûter du 
protestantisme, on leur adressa des lettres ano- 
nymes (nous en avons plusieurs sous les 
yeux), dans lesquelles Luther était représenté 



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— 246 — 

cœur corrompu et le cerveau brûlé avaient vomi 
des ordures. » Voulaipnt-ils donc servir un 
pareil maître et devenir les disciples de cet 
« impudent hérétique ? » On ne pouvait croire 
à tant de folie. 

Parfois les missives étaient signées. En voici 
une qui mérite de passer à la postérité. Elle a 
été adressée le i*"^ avril i853 à un membre de 
l'église de La Chapelle, nommé Laurenceau, 
et déposée par lui dans nos archives. 



#( Laurenceau, 

« J'apprends que vous faites venir un mi- 
nistre protestant ! ! ! On n'a jan^ais vu rien de 
pareil ! ! I Comment 1 parce que vous n'avez pu 
faire construire l'église paroissiale où vous le 
vouliez, vous devenez protestant! Changer de 
religion pour un dessous, c'est abominable! ! ! 
Vous ne savez à quelles calamités vous vous 
exposez, vous et votre famille, de la part du 
bon Dieu... 

€ Laurenceau, vous qui n'êtes pas bête, 
vous à qui je veux du bien, croyez-moi, suivez 
mon conseil : abandonnez cet odieux complot 
contre votre Eglise. 

« Gomment ! vous, qui êtes déjà pauvre. 



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— 247 — 

^ous iriez payer un prêtre! ! ! Vous vous expo- 
ez à mille reproches de la part de votre femme, 
jui n'a pas la dent molle. Vous ferez un enfer 
le votre maison avant l'enfer que Dieu vous 
éservera peut-être... 

« Je veux vous tirer de ce bourbier; sachez 
lonc que le premier protestant, c'est le diable. 
i,e diable était le plus beau et le plus aimé des 
mges. Un jour, le bon Dieu a fait quelque 
:hose qui lui a déplu ; alors il a protesté. De 
à est venu le mot protestant. Voyez sous 
juelle bannière vous êtes ! ! ! (i) » 

Toutes ces petites manœuvres ne devaient 
pas empêcher les prosélytes de La Chapelle de 
rester fidèles à l'Évangile; mais ils ne jouirent 
[)as longtemps en paix du droit que la loi 
i'econnaît à tout citoyen d'adorer Dieu comme 
il lui plaît. L'Empire naissant avait besoin du 
clergé : il se mit à ses ordres. Aussi, en i855, 
l'autorité défendit-elle aux protestants de 
La Chapelle de se réunir pour célébrer leur 
culte. 

L'évangéliste chargé de faire le service, et qui 
se nommait Cattelain, ne crut pas devoir s*in- 

(i) Nous supprimons naturellement la' signature, qui 
est celle d'un ancien fonctionnaire. Voir Lettres, archives 
du conseil presbytéral de Tours. 



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— 248 — 

cliner devant cet ordre, qui rappelait un pe 
trop les décrets de Louis XIV. 

L'administration fut indignée de cette rési< 
tance inattendue, et un dimanche, à l'heure di 
culte, le juge de paix d'Azay-le- Rideau pénétr 
dans la maison du s' Sureau, où les protestant 
étaient assemblés, compta les assistants, pri 
leurs noms et leur fit subir une sorte d'inter 
rogatoire. Quelques jours plus tard, l'évang^i 
liste et le propriétaire de l'immeuble dai^ 
lequel avait eu lieu la cérémonie, furent sora 
mes de comparaître devant le tribunal i 
Chinon. — Le premier était accusé d'avoi 
présidé une réunion de plus de 20 personnes 
contrairement à la loi sur les associations 
d'avoir célébré un . culte sans autorisatioil 
enfin d'avoir rempli une fonction pastoral' 
sans être pasteur ; le second, d'avoir prêté ûj 
loué une chambre de sa maison pour ladii 
réunion. Le procureur impérial fit du zèle 
il prononça un réquisitoire d'une grande vil 
lence, et Cattelain fut condamné à 200 fran 
d'amende. Sureau à 16, et tous les deux sol 
dairement aux dépens. 

Les ennemis du protestantisme trouverai 



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aujourd'hui député, se chargea de défendre 
l'évangéliste de La Chapelle. Il mit son talent 
au service delà liberté menacée, et s'il n'obtint 
pas l'annulation du jugement de Chinon, il 
empêcha du moins que la peine fût aggravée. 
Le tribunal confirma purement et simplement 
la sentence déjà prononcée contre Sureau et 
Gattelain (i). y^ * 

A la même époque, c'est-à-dire en i855, les 
protestants de Huismes eurent aussi leur petite 
persécution. Un dimanche, le maire de cette 
commune, obéissant à des influences cléri- 
cales, posta deux gardes-champêtres devant la 
salle de culte, avec ordre d'en interdire l'entrée 
au pasteur. — M. Fuzier, ne se doutant pas de 
ce qui l'attendait, arrivait sur ces entrefaites 
avec quelques protestants de Saumur. Surpris 
de voir un rassemblement devant le temple, il 
approche, et son étonnement redouble. « De 
chaque côté de la porte, dit-il dans un article 
qu'il publia plus tard dans VÉglise libre^ se 
tenaient les deux gardes-champêtres, en uni- 
forme et la rapière dehors. Je prends la clef 
pour ouvrir. .— « Au nom de la loi, on n'entre 
pas, dit l'un d'eux. — Quelle loi, m'écriai je? 

(i) Voir le texte du jugement du tribunal de Tours 

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— 25o — 

— Ah! c'est pas notre affaire ça. Nous sommes 
commandés par M. le maire... » — < Condui- 
sez-moi chez le maire », leur dis-Je. Et nos 
braves gens, prenant une pose moins farouche 
et mettant le sabre au fourreau, m'accompa- 
gnent au château, demeure du premier magis- 
trat de la commune. 

€ Introduit dans un vestibule, j'attendis 
quelque temps, et enfin un monsieur de haute 
stature, l'air très animé et très résolu, vint 
brusquement à moi. — « Qui êtes-vous, dit-il, 
et que voulez-vous? » — « Je suis pasteur pro- 
testant à Tours et de plus président du consis- 
toire auquel se rattachent administrativement 
les protestants de cette localité. Je viens vous 
prier de me faire ouvrir le temple, où Ton 
m'empêche d'entrer, pour que je puisse rem- 
plir les fonctions de mon ministère. » — « Je 
ne vous connais pas, interrompit-il. Je n'ai 
pas à m'informer si vous avez oui ou non des 
adeptes dans cette commune, ni quels sont 
vos titres pour la diriger; avant tout, c'est une 
autorisation du Gouvernement qu'il me faut; 
montrez-la moi et nous verrons. > — Je lui 
rappelai alors le décret du 26 mars i852, en 
vertu duquel tous les protestants disséminés 
font partie, s'ils le désirent, de la paroisse voi- 
sine; je lui dis que je n'avais pas besoin d'autre 
autorisation, et que d'ailleurs, la liberté des 



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— 25l — 

cultes est inscrite dans nos lois. — € Non, 
s'écrîa-t-il avec plus de force, non, vous ne 
ferez pas de prêche, (i). » 

Le pasteur se retira et il réunit immédiate- 
ment les protestants du village dans une mai- 
son particulière, où il célébra le culte (2). 

Un peu^plus tard, ep 1857, les réformés de 
Huismes furent inquiétés de nouveau. Après 
la mort du maire, auteur de la scène que nous 
venons de raconter, ils s'étaient assemblés dans 
leur petit oratoire ; mais l'administration le fit 
fermer, sous prétexte « qu'il était trop près de 
l'église catholique (3). » Ils se transportèrent 
plus loin; et comme leur nouveau lieu de culte 
était trop petit, ils résolurent en 1859 de 
construire un temple. Un habitant de la com- 
mune, le sr Désiré Lemesle, donna le terrain. 
Des collectes furent faites à Huismes, à Tours, 
à Paris, à Pau, à Edimbourg, et le nouvel édi- 
fice fut bientôt achevé (4). Mais l'autorité re- 
fusa l'autorisation de l'ouvrir, et ce ne fut 



(1) Eglise libre du 14 juin 1868. 

(2) Registre des délibérations du consistoire d"* Orléans, 
séance du 12 décembre i855. 

(3) Registre du conseil presbytéral de Tours, séance 
du 10 mai iSSg. 

(4) Il coûta 10,000 fr. environ. Sur cette somme, les 
protestants de Huismes avaient donné 399 fr. 5o. (Arch* 
du conseil presbytéral de Tours, Comptes^) 



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— 252 — 

qu'en i863 que cette interdiction incompré- 
hensible fut définitivement levée (i). 

Les protestants de La Chapelle-aux-Naux 
avaient déjà reconquis en iSSg le libre exer- 
cice de leurs droits; ils avaient construit un 
petit temple, et depuis lors, ils n'ont jamais 
été inquiétés. Leur pasteur, M. Le GfOrnu, qui 
avait succédé à Cattelain, fut chargé en 18/3 
de desservir le poste de Huismes en même 
temps que celui de La Chapelle : il s'est usé à 
la tâche. Son successeur, M. Pic, est à l'œu- 
vre aujourd'hui; il compte dans sa double 
paroisse i5o personnes environ. 

Les écoles protestantes de Tours, qui avaient 
été fondées, l'une en iSSq, l'autre en 1840, 
furent transformées en i85o, par mesure d'éco- 
nomie, en une école mixte recevant les garçons 
et les filles. Elle avait peu d'élèves en i852; 
d'ailleurs, l'Académie voyait de mauvais œil 
cet établissement d'instruction publique, qui 
avait un caractère d'indépendance bien mar- 
qué. Ne pouvant le fermer, le recteur ordonna 
d'en faire sortir toutes les petites filles catho- 
liques que leurs parents y avaient envoyées, 
soit pour ne pas les confier à des congréga- 
nistes, soit tout simplement parce que l'en- 



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— 253 — 

seignement de nos instituteurs leur conve- 
nait (i). 

Le bâtiment dans lequel on donnait les 
leçons (2) n'appartenait pas à l'église de Tours. 
Il avait été loué à M. Faucheux, qui pouvait 
le reprendre quand bon lui semblerait. Ne 
voulant pas risquer d'être dépossédé de ce 
local vaste et commode, le conseil décida de 
l'acheter. Le Gouvernement donna 4,000 fr. 
pour cet objet, des collectes furent faites dans 
la paroisse par les soins de quelques hommes 
dévoués, le Révérend Biley écrivit à ses amis 
d'Angleterre pour leur demander de l'argent, 
et M. Twent de Rosenburg, qui a joué un rôle 
important dans l'église de Tours et fait preuve 
en toute circonstance d'un dévouement absolu, 
avança la somme nécessaire pour qu'on pût 
entrer immédiatement en marché avec le pro- 
priétaire de l'immeuble. L'acte fut passé le 
25 juin 1854; et la maison d'école, payée 
14,000 fr. 

A cette époque, le conseil presbytéral de- 
manda que l'établissement d'instruction pri- 
maire de la rue du Gazomètre fût communa- 
lisé. La ville refusa, mais elle accorda une 



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-254- 

subvention annuelle de quatre cents francs, 
qu'elle a portée depuis à six cents francs d'a- 
bord, puis à douze, à quinze, et enfin à dix- 
huit cents francs. 

En 1868, l'école mixte fut remplacée par 
une école de garçons et une école de filles. Ces 
deux écoles, dirigées avec autant d'intelligence 
que de dévouement par M. et M"»® Goulinat, 
étaient en pleine prospérité en 1879, — on y 
comptait une centaine d'élèves, — quand le 
conseil municipal consentit à les communa- 
liser. 

Depuis la dernière loi d'instruction publi- 
que, elles ont perdu tout caractère confes- 
sionnel (i). 

Les préoccupations inséparables d'une réor- 
ganisation lente et parfois difficile, les lourdes 
charges qu'avait fait peser sur l'église de Tours 
l'achat d'un temple et d'un bâtiment d'écoles, 
ne l'avaient pas empêchée de s'occuper des 
pauvres. 

Le consistoire local leur distribuait le 

(i) L'école de garçons a été dirigée successivement par 
M. Clavel (1841), par M. Cattre, par M. Piégu (1844), par 
M. Bourlier. chargé de PécolemiYtft à 1» fin H*» rRAn nar 



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— 255 — 

produit des collectes faites à Fissue des ser- 
vices religieux, et en 1840, M™^ André, dont 
le souvenir est resté vivant parmi nous, 
avait fondé un comité de dames, qui prit le 
nom d'Association protestante de bienfaisance^ 
et dont les membres visitaient les indigents et 
leur apportaient des secours. Mais on comprit 
bientôt qu'il fallait mettre de l'unité dans la 
répartition des aumônes. Pour éviter que cer- 
taines familles indigentes né reçussent des 
secours de deux côtés à la fois, le conseil 
presbytéral décida en i853 que le produit des 
collectes faites au temple serait versé dans la 
caisse de l'Association. Les dames du comité, 
qui connaissaient mieux que personne les 
besoins des pauvres de la paroisse, étaient 
d'ailleurs bien qualifiées pour accomplir la 
tâche dont elles voulaient bien se charger. 
Depuis cette époque, l'Association de bienfai- 
sance a distribué les fonds qui lui ont été 
confiés. Elle fait une collecte annuelle, dont 
le montant, joint à celui des collectes du 
dimanche, lui permet d'aider les indigents à 
solder leur loyer, de leur donner des bons de 
pain, des bons de viande, des secours de mala- 
die, enfin de payer les visites du médecin et 
les médicaments qu'il ordonne (i). 

(i) Voici les noms des dames dont se compose aujour- 



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— 356 — 

Témoins de cette charité et ne la compre- 
nant pas, les ennemis du protestantisme ont 
plus d'une fois accusé les membres du comité 
et le pasteur lui-même, de secourir des pau- 
vres n'appartenant pas au culte réformé, pour 
les attirer au temple et en faire des prosélytes. 
Cette calomnie souvent rééditée, ne vaut pas 
la peine qu'on la réfute. Les protestants mépri- 
sent trop les gens qui sont à vendre pour avoir 
envie de les acheter (i). 

Puisque nous avons parlé de l'œuvre de 
bienfaisance accomplie avec autant de zèle que 
de prudence par les dames du Comité, nous 

d'hui le comité : M"»o Garrick, présidente, M"»e Blanchard, 
Mme Boycr, M»e Capelle, M^^e Cottier, M^o de Coutouly, 
Mn^o Devilaine, M™® Dupin de Saint-André, M™» Grand- 
d*Esnon, M°»o Van Gelder. M^e Macalister, M"»» la com- 
tesse de Pourtalès et M°»« Tyndall. 

(i) Déjà vers 1840, M. Morache écrivait : « Depuis que 
le clergé a répandu contre les protestants l'accusation 
d'acheter les consciences, 182 catholiques sont venus 
leur proposer d'acheter la leur. S'ils avaient voulu 
d'une telle marchandise, elle était à eux. Ils ont 
renvoyé les vendeurs... Ils ne sont pas assez niais pour 
• i__i,.._ „<^,:„. j,u - :. AvinauxcathO' 



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-257- 

devons rappeler aussi ce que firent les pro- 
testants de Tours en 1870 et 1871, pour les 
soldats de passage et pour les blessés. 

Le 9 novembre 1870, ils ouvrirent sur l'ave- 
nue de Grammont une salle où les militaires 
fatigués pouvaient se reposer (i); on leur 
donnait un bain de pieds et une tasse de bouil- 
lon, souvent une ou deux paires de chaussettes 
et toujours des bandes de toile et de la char- 
pie. On estime que plus de 9,000 soldats sont 
venus s'asseoir dans ce modeste établissement. 

A la même époque, un Comité se forma 
pour secourir les blessés. Il était composé de 
M. le pasteur Fuzier, président, de M. Stap- 
fer, secrétaire, de M. Twent, trésorier, de 
M. Schérer, de M. Lequeutre et de M. Cot- 
tier, l'homme aimable et bon, dont le souvenir 
est resté cher à tous les membres de l'église de 
Tours. Deux ambulances furent organisées 
par ces messieurs, l'une dans la rue de Nantes, 
l'autre dans la maison d'école de la rue du 
Gazomètre (2). Dans la première, on comptait 
32 lits. Elle fut ouverte le 2 novembre 1870 et 
fermée le 12 mars 1871. Pendant ce laps de 
temps, 55o soldats y furent admis et soignés. 



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— 258 — 

Le total des dépenses s'éleva à 6,020 fr., et le 
Comité eût de plus à payer 638 fr. 45 pour 
frais d'appropriation du local. — L'ambulance 
de la rue du Gazomètre comptait 28 lits : elle 
reçut 476 soldats, dont 3 moururent à Tours 
ou dans leurs familles, après l'évacuation. La 
dépense totale fut de 6,820 fr., et la journée 
de malade de 2 fr. 44 (i). 

Pendant tout l'hiver, les dames protestantes 
de To\irs rivalisèrent de zèle et d'activité avec 
les directeurs et les directrices, les médecins 
et les infirmières des ambulances. Tous les 
jours elles venaient soigner les blessés, causer 
avec eux et les consoler. Nul ne saura le bien 
qu'ont fait ces infirmières volontaires aux mal- 
heureux soldats, presque tous catholiques, 
dont les ambulances ont été remplies, pendant 
plus de quatre mois. 

Il n'est pas inutile de dire que chaque fois 
qu'un blessé demandait un prêtre, on se hâtait 
d'aller en chercher un. Le pasteur tut aussi 
plus d'une fois appelé dans les ambulances 
catholiques. Les tristesses de la défaite, la 
douleur patriotique qui débordait de toutes 
parts, avaient tait évanouir les rancunes mes- 



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— 259 — 

quines, les haines de secte, qui ont trop sou- 
vent déshonoré fes meilleures causes. Les 
grandes épreuves élèvent les hommes assez 
haut pour qu'ils ne voient plus les barrières 
que le passé a dressées entre eux, et dont les 
sages ne s'occupent jamais que pour travailler 
à les abattre. 

En 1872, M. le pasteur Fuzîer, dont l'acti- 
vité avait brisé les forces, donna sa démis- 
sion (i); il fut remplacé par M. Edmond Stap-. 
fer, qui depuis deux ans remplissait à Tours 
les fonctions de suffragant (2). 

L'église, agitée par les événements de 1870 
et de T871, reprit sa vie paisible. Depuis, rien 
n'a troublé le calme dont elle jouit. Le culte est 
assez fréquenté. L'école du dimanche compte 
plus de soixante élèves. Le pasteur fait un 
cours d'instruction religieuse au Lycée et réu- 
nit une fois par semaine les' enfants de la 
paroisse pour leur expliquer le catéchisme. Il 
y a, dans notre ville et dans les environs immé- 

(i) M, Fumier, né à Brusques (Aveyron), officier de 
santé, avait desservi avant de venir à Tours, l'église de 
Lille comme suffragant, et comme titulaire les églises de 
Wanquetin (Pas-de-Calais) et de Lemé (Aisne). 11 a pré- 
sidé le consistoire d'Orléans de i856 à 1868. 

(2) M. Edmond Stapfera. quitté Tours en 1876. Il est 
aujourd'hui pasteur à Paris et chargé de cours à la Faculté 
de théologie protestante de cette ville. 



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— 200 — 

diats, un peu plus de 5oo réformés, et si l'on 
compte en outre les soldats protestants de 
la garnison, nos coreligionnaires de Genillé, 
d'Amboise, de Cormery, de Loches, de Huis- 
mes et de La Chapelle, enfin les membres de 
V Église anglaise (i), tort diminuée cette année 
par la terreur qu'a inspirée le choléra à l'entrée 
de l'hiver, on constate que près de neuf cents 
personnes se rattachent au culte évangélique 
dans le département d'Indre-et-Loire. 

Louis XIV avait cru détruire à jamais le 
protestantisme. L'événement a prouvé qu'on 
ne tue pas une religion. 

Deux siècles après la Révocation, l'église 
de Tours est là, organisée et vivante. Sous 
l'égide des lois, protégée par une administra- 
tion impartiale et bienveillante, elle se déve- 
loppe paisiblement, tout en faisant un peu de 
bien. L'instruction de la jeunesse, pour laquelle 

(i) Nous n*avons pas dit grand chose de VEglise 
anglaise : comme les peuples heureux, elle n*a pas eu 
d'histoire. Mais nous tenons à affirmer notre sympathie 
pour elle, car nous ne saurions oublier qu'elle a été pour 
ainsi dire la mère de la nôtre. On trouvera dans l'Ap- 
pendice n» I la liste des pasteurs qui Pont desservie 
depuis 1829. 11 nous a été impossible de découvrir les 
noms de leurs prédécesseurs. Elle a à sa tête en ce moment 
le Révérend Kirby^ auquel nous sommes heureux de 
pouvoir offrir Texpression de notre respectueux attache- 
ment. 



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pendant de longues années elle s'est imposé 
de si lourds sacrifices, lui tient toujours à 
cœur. Elle n'a aucune haine pour les idées 
modernes, qui assurent sa liberté. Affranchie 
de toute crainte pour l'avenir, elle s'efforce 
de vivre en paix avec tout le monde. Elle 
essaie en un mot de réaliser le grand prin- 
cipe chrétien de la fraternité, et tout en restant 
fermement attachée aux doctrines évangéliques, 
qui sont les siennes, elle ne se souvient du 
passé, des luttes tragiques d'autrefois, que pour 
maudire tous les fanatismes et toutes, les into- 
lérances ; car elle ne connaît rien de plus 
beau, de plus divin, que ce précepte du Christ : 
« Aime^-vous les uns les autres, » 



--SK?aiPç:5l^^*c«8=*^ïK- 



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— 263 — 



APPENDICES 



N^ I 
PASTEURS DE TOURAINE 



Il ne nous a pas été possible de dresser une liste com- 
plète des pasteurs de Touraine. Voici cependant les noms 
des ministres dont il est fait mention dans les documents 
que nous avons consultés. 

XVie SIÈCLE 

Église de Tours : Simon Brossier^ organisateur de 
l'église en ib56; -^ Jehan Poterat, pasteur en i55ô et 
en i562; Jacques Haron (ou Ha^on) en i556; — Fran- 
çois de Beaupas dit Chassebœuf en i556; — Lancelot 
en i558; — Rouvière en i558 et en i559; — Jacques 
Langlois en i558; — Charles d'Albiac dit du Pîessis, 
que nous avons cru retrouver sous le pseudonyme de 
Riseus, en i558 et en i56o; Antoine Chanorrier dit 
' Desmérange en i558, pendant trois mois; — Aurèïe de 
la Plante en i56i; — Joachim Marché ou Marchay 
en i565eten 1572;— Lacroix en lôôy;— Thomas 
Raguesne dit La Pionnière en 1572; — Pierre Merlin 



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— 264 — 

en 1576; — Pineau des Aiguës en 1594 et en 1600. 

Église de Chatillon-sur- Indre : Jehan Chastinier, 
pasteur en x56i. 

Église de l'Ile-Bouchard : Ferrand dit le seigneur 
Dusson en i36i ; -- Jehan Fleury en 1394. 

Église de Chinon : François Paur (?) en i56i ; — Pin 
en i56i ; — Jehan de Toumay en i562 et en i567. 

Église d'Amboisb : Pineau des Aiguës en i566. 

Église de Saint-Christophe : Etienne de Longueville 
en i562. 

XVII^ SIÈCLE 

Eglise de Tours : Pineau des Aiguës (déjà nommé)., 
en 1600 et en 1607; — Daniel Couppé de i6o3 à 162 1, 
(voir la liste de ses ouvrages dans la France protestante, 
article Couppé) ; — Mathieu Cottière de 1607 à 1641 au 
moins, (Voir pour ses ouvrages France protestante, art. 
Cottière); — Jehan Forent en i635 et en i652; — Gas- 
pard Tricot en i65o et en 1675; — François du Vidal 
en 1660 jusqu'en 168 5. (Pour ses ouvrages voir France 
protestante, art. Du Vidal); — Gédéon Guillebert de 
Sicqueville de 1676 (25 juillet) à i685; — De Hauxecourt 
en i685, pendant quelques mois. — La France protes- 
tante dit qu'il y avait à Tours en i685 un pasteur nommé 
Bonneau, Noé, lequel fut emprisonné à la Révocation, 
perdit la raison et fut enfermé, dans un couvent à la 
Charité, où il mourut en 1705. Nous n'avons trouvé ce - 
nom-là nulle part; nous ne l'inscrivons donc ici que 
sous toutes réserves. 

Éslise de Chatillon, Loches et Busançais : Grenon 

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— 265 — 

en 1601 et en 1608; — Pierre de Couldre en 1619 et 
en 1660; — Jacques Cartier en 1673 ; — Benjamin de 
BrissaCy s' du Vigneau en 1673 ; — Timothée Roy ère 
en 1677 et en 1679; Philippe Le Roy en 1679; — De 
Beausobre en i683. 

Église de l*Ile-Bouchard et Chinon : Jehan Fleury 
depuis i59|. et en i6©o; Daniel Couppé en avril i6o3 
pendant quelques mois ; — Périllau (écrit Périllaut dans 
quelques actes de synodes) en i6o3 et en 1620; — Vin- 
cent en 1623 et en 1626 ; — Etienne Le Vacher en i63i 
et en 1660. 

Église de Preuilly : Jehan Roger en ( 697 et en 1637 ; 

— Pierre Fleury en 1637 jusqu'au 4 septembre 1671, 
jour de son décès; — René Colas, s^ de la Treille en 1660 
et en 1669; — Isaac de Brissac, s^ de Grandchamp 
en 1672 et en i683. 

XIX® SIÈCLE 

Église française de Tours : M. Daugars en 1887; 

— M. Morache de i838 à 1862 ; — M. Fu:{ier de i852 
à 1872; — M. Edmond Stapfer, pasteur sufFragant de 
1870 à 1872, titulaire à partir de cette époque jus- 
qu'en 1876; — Armand Dupin de Saint-André, depuis 
le mois d'avril i876. 

Annexe de la Chapelle-aux-Naux : M. Cattelain, évan- 
géliste de i854 à 1859; — M. ^^ pasteur Le Cornu de 
1859 à i883; — M. Pic, évangéliste, depuis le ler jan- 
vier 1884. Ces deux derniers ont été chargés de célébrer 



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— 266 - 

tic i855 à i856; — M. Comte de i856 à 1862 ei M. Viret 
de 1862 à 1873. 

Eglise Anglaise de Tours : The Révérend Way 
de 1829 à i836; — Rev. John Hartley de i836 à 1837; 
— Rev. Ricliard Brickdale de 1837 à 1839 ; — Rev. James 
Gambier, 1839; — Rev. George Garrick de juillet 1839 
à septembre 1840; — Rev. Edward Biley de 1840 
à i858; — Rev. George Perram de i858 à 1861 ; — 
Rev. B, Seriven de 1861 à i865; — Rev. Franck Sert- 
ven de septembre i865 à mai 1866; — Rev. A, Blomfleld 
de mai 1866 ?* décembre 1866; — Rev. James Horan 
de 1867 à 1870; — Rev. Robert Kirby depuis 1871. 



N° II 

ACTES DES SYNODES 

DE LA Vo PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE 

Touraine, Anjou^ Loudunois^ VendômoiSj 
Maine et Perche 



Bien que les actes des Synodes provinciaux soient rela- 
tivement assez rares, nous avons pu en consulter quel- 
ques-uns, dont voici la nomenclature. 

lo Actes du Synode de Saumur, « commensant le 



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- 2t)7 - 

2" Actes du Synode de Saumur, du 12 au 1 5 mars 1 697 
Président : De la Noue y pasteur de Beauiort ; secrétaire : 
De la Plante, ancien de Saumur. 

•3o Actes du Synode de Vendôme, du 9 septembre et 
jours suivants, ibgS. Président : François Greliet-y dit 
De Macefer, pasteur de Saumur ; secrétaire : Nyote (i), 
ancien de la même église. 

4" Actes du Synode de Saumur, du 28 et du 29 avril 1 599. 
Président : De Clerville, pasteur de Loudun ; secrétaire : 
(nom illisible). 

5° Actes du Synode de Vile- Bouchard, du 22 et du 
23 septembre 1599. Président: De Clerville, pasteur de 
Loudun; secrétaire : De la Plante, ancien de Sau- 
mur. 

6° Actes du Synode de Prinp^é, du 19 et du 20. juil- 
let 16.00. Président: Fleury, pasteur de TIle-Bouchard ; 
secrétaire : Raymonnet, ancien de Vendôme. 

70 Actes du Synode de Loudun, du 5, du 6 et du 
7 mars 1601. Président : De Clerville, pasteur de Lou- 
dun ; secrétaire : De la Plante, ancien de Saumur* 

80 Actes du Synode de Saumur, du 18, du 19 et du 
20 juillet 1601. Président : De Macefer, pasteur de Sau- 
mur; vice-président : Le Bloy, pasteur d'Angers ; secré- 
taire : Drugeon, avocat du roi et ancien de Saumur. 

90 Actes du Synode de Preuilly, du 3> du 9, du 10 et 
du II mai 1602. Président: Fleury, pasteur de Baugé; 
vice-président : Bédé, docteur en théologie, ministre de 
Loudun; secrétaire : Bodon, diacre de Preuilly. 

loo Actes du Synode de Baugé, du 9, du 10, du 11 et 
du 12 avril i6o3. Président : Le Bloy, pasteur d'Angers; 
vice-président : Fleury, pasteur de Baugé; secrétaire : De 
la Chauffière, ancien de l'église de Graon-Laval et Châ- 
teaugontier. 

Il» Actes du Synode de Vendôme, du 28 avril 1604. 
Président : Bédé, pasteur de Loudun ; vice-président : Le 



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— 268 — 

Bloy, pasteur d'Angers; secrétaire : Bourru, ancien de 
Vendôme. 

12^ Actes du Synode de Vile-Bouchard, du 8 mars i6o5. 
Président :Z>tfC/ervt//e {écv'it De Clairvillé) y pasteur de Lou- 
dun; vice-président : Bedéy pasteur de la même église; 
secrétaire : De la Morandière, ancien du Mans et Ardenay. 

i3^ Actes du Synode de ^ellesmes, du 3 mai i6o6. 
Président ; Bédé, pasteur de Loudun ; Vice-président : 
Fleury, pasteur de Baugé. 

140 Actes du Synode de Saumur, du 18 juillet 1607. 
Président : Le Bloy^ pasteur d'Angers ; vice-président : 
Fleury, pasteur de Beaugé et Beaufort ; secrétaire : De la 
Mesnerie, ancien de Baugé. 

i5o Actes du Synode de Preuilly, du 14 mai 1608. 
Président : Fleury, pasteur de Baugé et Beaufort ; vice- 
président : SolomeaUy pasteur de Vendôme ; secrétaire : 
De Burges, ancien de l'église de Loudun. 

160 Actes du Synode de Poligny, du 2. du 3, du 4, 
du 5, du 6, du 7 et du 8 septembre 1609. Président : 
Etienne Le Bloy, pasteur d'Angers; vice-président : Jehan 
Fleury, devenu pasteur de Loudun ; secrétaire : Jacques 
Tamponnety ancien du Mans. 

Les actes que nous venons d'énumérer, et qui sont des 
copies, forment un volume manuscrit, acheté à la vente 
de la bibliothèque de l'abbé Pothée, et se trouvent à la 
Bibliothèque publique de Blois. 

ij^ Actes du Synode de Loudun, du 22 au 28 avril 1610. 
Président : Jehan Fleury, pasteur de Loudun; vice-prési- 
dent : Le Bloy, pasteur d'Angers ; secrétaire : Daniel 
Ferron, ancien de Loudun. 

180 Actes du Synode de Loudun, d\i 7 au ii juillet 16 16. 
Président : Etienne Le Bloy, pasteur d'Angers; vice- 



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— 269 — 

igo Actes du Synode de Loudun, du i3 au 20 juil- 
let 1623. Président : Daniel Couppé, pasteur de Loudun; 
vice-président : Vigneu, pasteur du Mans et Ardenay \, 
secrétaire : Raboteau, ancien de Preuilly. 

200 Actes du Synode de Loudun^ du 7 au 12 août i63i. 
Président : Couppé, pasteur de Loudun ; vice-président : 
Jehan Vigneu, pasteur du Mans; secrétaire : De Ceri;fier5. 

21© Actes du Synode de Loudun, du 12 au 17 septem- 
bre 1647. Président : Amyraut, pasteur de Saumur; vice- 
président : Jacques de BrissaCj s^ des Loges, pasteur de 
Loudun ; secrétaire : De Ceri:çiers, écuyer, ancien de 
Loudun. 

Ces derniers actes des Synodes (no» 17 à 21), sont des 
originaux. Ils appartenaient, quand nous les avons con- 
sultés, à M. Lièvre, pasteur à Angoulême, qui les a don- 
nés depuis à la Société de l'Histoire du Protestantisme. 

2 20 Extrait des Actes du Synode de Preuilly, tenu le 
•4 juillet 1667 et les jours suivants. Les noms des assis- 
tants ne s*y trouvent point. — Collection Conrart, t, XIV, 
J i36i à i363. (Bibliothèque de l'Arsenal). 

23» Actes du Synode de Bellesmes, du i5 septem- 
bre 1673. Président : Gaspard Tricot, pasteur de Tours; 
vice-président : Pio:{et, pasteur au Mans. (Archives natio- 
nales TT 33o.) 

240 Actes du Synode de Bellesmes, du 6 juillet 1679 et 
jours suivants. Président : Pio^^et, pasteur du Mans ; 
vice-président : Du Vidal, pasteur de Tours ; secrétaires : 
Quartier, pasteur de Vendôme, et Chedieu, avocat. (Arch. 
nat. TT 33o). 

25<> Actes du Synode de Sorges, du 10 juin i683. 
Président : Jacques Quartier^ pasteur de Vendôme; vice- 
président : Jsaac de Brissac, s^ de Grandchamp, pasteur 
de Preuilly ; secrétaires : Pierre Fleury, peut-être pasteur 
de Pimperdu, et Rabotteau, ancien de Preuilly. (Arch. 
nat. TT 284). 



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— 270 — 

N« III 
EXTRAIT D'UNE LETTRE 

ADRESSÉE A CALVIN, LE 16 MAI iSSq, PAR RISEUS, 
PASTEUR A TOURS 



(c Nosti Domiaum visitasse nos ad explorandam totam 
illam turbam, quam paucis mensibus coegeramus. Igné 
nos examinavit Dominus noster et plus fœni et paleat 
(pudel dicere), quam auri et argenti repertum est... Duo- 
decim non aniplius e nostris in vincula sunt conjecti, 
quorum major pars prœdibus satis dedere sisti judicio, 
reliqui hactenus conclusi detînentur. Atque ego, inter hos 
tumultus domi delitescens, expectabam quis esset rerum 
exitus. Complures e nostris intérim importunîtate cona- 
bantur extorquere a me litteras quibus auxilia circum- 
quaque e vicinis ecclesiis convocarem. Quibus responde- 
bam me non venisse conquistorem exercîtus, sed patîentice 
ac pacis praeconem... Sed quum viderem ipsos tumultuose 
diversa concilia quaerere et oblique securitatem meam 
perstringere, perinde quasi otiose et quieto animo totius 
gregis excidium expectarem, declaravi, quod ad me atti- 
neret, paratum esse quodvis subire discrimen, si modo 
putarent me meo periculo posse ipsis consulere. Hoc quum 
semel ex ore meo arripuissent, coacto absque me consiîio, 
decreverunt ut publice in medio foro concionem habe- 
rem... Quod quum ad me retulissent^ pronunciavî me 
haud recusaturum, modo adstarent mihî... Tandem 
quum urgerent miris modis ut super hoc ecclesiis scribe- 



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— 271 — 

rem, ne unus praefracte viderer consilium spernere, pre- 
cum importunitate victus, calamum arripiens, in hanc 
sententiam scripsi : c Calamîtatem, quae ex adventu prae- 
fecti hujus causée religionîs ecclesiae nostrae accîdit, fratres 
mei audistis. Et tamen levia sunt quae hactenus accide- 
runt prse iis quae [minantur inimici. Quibus ut obviam 
eatur^ coacti seniores nostri nihil mplius censuerunt 
quam si frequentissimo auditorio publiée pro concione 
in medio foro fidei nostrae confessîonem edamus. Quod 
concilium si non improbatis, ut nobis quomodo vobis 
"visum fuerit, adesse dignemini impense oramus, relaturî 
par pari si quando nostra ope vobis opus fuerit. Valete 
in Christo. d — Has quum ex me litteras semel excepis 
sent, totidem exemplaria descripsere quot ecclesias com- 
movere ad suppetias veniendura voluerunt. Dies ad venien - 
dum est dicta. Hanc praestolor. Quum venit, nemo adest. 
Porro haec est causa cur non adfuerint. Censuerant nostri, 
absente me, regem Navarrae super hoc consulendum. Ob 
id, ad quindeçim dies ampliandum putaverant... Repente 
audio fréquentes auditores e vicinis urbibus Turonum 
advenisse ad publicam concionem : hi nimirum perinde 
ut ego nihil de mutato concilio audierant. Eô me confero 
quam possum citissime. Ubi advenio^ intelligo vix duas 
horas effluxisse ex quo boni illi hospites recesserant. Ita 
delusus a satana tristîorem postpolo nuncium accîpio 
complures e peregrinis nostris illis in itinere compre- 
hensos atque in vincula conjectos fuisse. Ita miseri dum 
frustra nobis opitulari pergunt, in vitae discrimen se ipsos 
conjecerunt... Salutat te D, Roverius, coUega meus... — 
Hac maii sextadecima i5bg, Tuus obsequentissimus filius 
C. Riseus. » Corpus Reformatorum, — Joannis Calvini 
opéra, t. XVII, n» 3o54. 



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— 272 — 

NMV 
NOMS 

DES PROTESTANTS DE TOURAINE REÇUS BOURGEOIS 
DE GENÈVE AU XVI*^ SIECLE 



1549. — Thibault le Pleigny, marchand-apothicaire de 
Tours ; — Philibert Hamelin, libraire de Tours ; — Jehan 
de la Barre y de Tours. 

i55o. — Jehan Jagot {?), de Tours. 

i55i. — Pierre Barraut, de Touraine, et Marguerite, 
sa femme; — Jehan de ChastagneSy de Beaulieu-les- 
Loches; — Martin Drouai^ « pesnieur et cardeur », de St- 
Martin-le-Beau ; — Jehan Riche, barbier, de Chinon. 

i552. — Robert Morceau^ tafFetatier de Tours; — 
Perrette Marchant, « veuve de feu maystre Jehan le 
Guasy docteur et advecat au siège royal de Touraine ]) ; 
— Louis Cautereauy de Tours. 

1 544. — Martin Moreau et Louis Moreau^ de Tours ; 
Bartholomé Moriau (peut-être Moreau), de Tours; — 
Simon Capilleau, de Nouans ; — René Thousay, de Tou- 
raine; — Jehan de Cherpont, « jadis secrétaire de feu 
l'archevêque de Tours. » 

i555. — Philibert Ferré, de Tours ; — Mathieu Pon- 
cet, « maître ouvrier en drap de soie » ; — Jean Dessars^ 
de Chinon; — Christophe Prévôt, d'Amboise; — Pierre 
BarrauXy de Tours ; — Pierre Legras, « tafFetatier » de 
Tours. 

i556. — Louis Jordan^ marchand mercier de Tours; 



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- 273 - 

— Savian HauboySy id., id.; — Martin Laurenceau, de 
Tours; — Pierre Marche^ « velutier », de Tours; — 
Guill. Pinard^ de Tours ; — Jehan 'Ponchety de Tours ; 
Jehan Rousset, de Tours ; — Noël Rougeon, « du pays 
de Toraine »; — Jehan Dubart « velutier », de Tours 

— Robert Remy, de Tours . 

1557. — Nicolas Viau, de Tours; — Vierrç Chasse- 
pon (?), de Tours; — Jehan Amonet, de Tours; — André 
Gamier, « velutier », de Touraine; — André Gamier^ de 
Villeloin, en Touraine; — Guillaume Robillart « tafFe- 
tatier », de Tours; — Martin Giraud^ de Genillé; — 
Guill\ Jousselain^ de Sonzet (Sonzay) ; — Jehan Lebouc^ 
« tafïetatier ». de Tours ; — René Moïse, id., id.; — Jehan 
Moreau, de Tours; — Jacques Perdriau, « taffetatier » 
de Tours ; — Christophe Mocler^ teinturier de Tours ; — 
Pierre Touliet, de Ghinon ; — Pierre Puthault, « natif 
de Toraine » ; — Guillaume Briault^ de Sainte-Maure ; — 
Demontsel, et David, son fils, de Tours. 

i558. — Jehan Gandin, de Tours; — Hilaire Mous- 
sart, menuisier, de Tours ; — Pierre Caregnoly « vellou- 
tier », de Tours; — François Trouillet, de Ghinon ; — 
Pierre Urgond (?)j menuisier, de Tours ; — Etienne 
Mehun, de Loches ; — François Touillé, de Ghinon. 

1559. — François Benoit, de Tours; — Jehan Colas, 
id.; — Georges Olivier, de Ghinon; — François Rou- 
geon, menuisier, de Touraine ; — Jehan Betardy libraire 
de Touraine; — Jehan Dimonet (.'), de Tours; — Louis 
Lebarbier « chaussetier », de Ghinon ; — Jehan Lebrun (?), 
« veloutier », de Tours; André Chevriet% de Touraine 

— Jehan Giraud, « faiseur de cordes de lin, de la Haye, 
en Toraine » ; — Yves Eschard, * fils de Yves, libraire, de 
Tours » ; — Julien Hatton, de Tours; — Robert Bruneau, 
de Vouvray; — Christ. Bougeot, « compagnon taffeta- 
tier », de Tours; — Jehan Legaigneux, de Tours; — 
Louis Peignot, id.; — Philibert Gandon, de Touraine; — 



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— 274 — 

François Belin^ de Tours ; — Jehan Roy, cordonnier, de 
Tours; — Jacques Pou^ay, de Touraine; — Guillaume 
Morin^ de Tours;— Jehan le Fleit (1), de Tours; — 
Jehan Bouvete (?), de Noizay ; François Vogand (^j, de 
Tours; — Pierre Bernard, id.; — Etienne Legaigneux^ 
de Tours; — Ambroise Cholet, id.; — Noël Jenex, a de 
Chaulmont en Toraine i ; — Jacques Chastelain, « taffe- 
taticr », de Tours; — Joachim Marché, de Tours. 

1 562. — Jean, fils de Legagneux^ ministre. 

1572. —Jacques Perdriau, « taffetatier », de Tours. 

1575. — Jehan Guillosseau. a veloutier », de Tours. 

1579. — Toussains, fils de René le Duc, « tatfetatier », 
de Tours; — Jean Rousset, id.; — Michel, fils de Charles 
Renoux, marchand, de Tours ; — Pierre, fils de Jean 
Manecier, et Charles, son fils, également de Tours. 

i58o. ^-Pierre Navet, de Tours. 

i586. — Jean, fils de Pierre Beloiseau, « tisseur d'or. » 

1587. — Pierre, fils de Jean Burochin, « veloutier», de 
Tours. 

i5g5. — Antoine, fils de Jean Lamiraute, passementier. 

Extrait du Livre de réception à la bourgeoisie. (Hôtel 
de ville de Genève). 

Cette liste (incomplète sans doute], ne contenant que 
les noms des Tourangeaux ayant reçu au xvi^ siècle le 
titre de bourgeois de Genève, peut donner une idée du 
nombre énorme des habitants de notre province qui ont 
émigré après chaque persécution, en Suisse, en Alle- 
magne, en Angleterre et même en Amérique. 



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- 275 ^ 

No V 

QUATRE LETTRES INÉDITES 
(Bibliothèque de Genève) 



Lettre de l'Église de Tours à l'Église de 
Genève^ du 3i mars {56i i 

€ Messires, il y a ja longtemps que un ministre ne 
pouvoit seul satisfaire en ceste ville; tellement que en 
avons presque tousiours eu deux, excepté depuis ces 
grands troubles, que chacun cognoist, qu'il nous a esté 
necessère (?) de nous passer d'un seul, encores faisant 
eschange de monsieur DuplessiSy que vous nous avez 
envoyé, avec nos prochains voisins, depuys que nostre 
Dieu a donné quelque liberté à son église, et que on a eu 
quelque moien de recueillir ce qui estoit dissipé; non 
seulement nous aurions bien nécessité de deux, dont 
nous jouissions au précédent, mais de davantage, si nous 
en pouvions fournir. Mais cognoissant le grand nombre 
de peuple, qui maintenant en ont faute, mais aussi nos 
prochains voisins, qui nous ont prévenus en demander. 



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— 276 — 

parformer le reste. Ainsi, Messires, nous nous recom- 
mandons et bien humblement et bien affectueusement à 
vos bonnes grâces, vous supplians nous secourir en nostre 
bien grande nécessité. Car, oultre que un seul ne peut 
suffire, nous sommes en danger que on rappelle celuy 
que nous avons, qui nous est baillé seulement pour es- 
change de M. DuplessiSf lequel s^* du Plessis, est si cogneu 
par decza, qu'il est bien difficile qui y subsistât, quand 
on auroit rappelé celuy que nous avons. Ainsi il vous 
plaira d'avoir pitié de ceux qu'autrement seroieiit en 
danger d'estre brebys sans pasteur, ce dont ils se sont 
donnés bien garde, mesme aux plus dures persécutions. 
Au surplus, Messires, il y a un homme, nommé Mo Jehan 
Chastinier, leque^ ayant esté esleu par le peuple de Loches 
pour ministre, bientost après a esté constitué prisonnier 
et après relasché; mais d'autant qu'il ne peut subsister 
là, à raison qu'il est du pays et a esté recogneu pour 
avoir esté prebstre et après maintenant marié, et qui au 
cas qu'il apparust de par vous de sa suffisance pour la 
charge et par ce moyen de sa légitime vocation, on le 
pourroit envoyer autre part ou par échange ou autrement. 
Il vous plaira nous mander ce qu'il vous en semble et si 
le scandalle qui pourroit venir à raison d'une femme qui 
le suyt, de laquelle vous avez cognoissance, (qui est cause 
que nous déportons de vous en mander davantage), vous 
pourroit ou debvroit empêcher de l'approuver au minis- 
tère. Nous ne pouvons pour le présent vous mander autre 
chose, sinon que nous prions le Seigneur vous maintenir 
à son service (?), faire fructifier vos labeurs et vous donne 
ce qu'il cognoist vous estre nécessaire oour sa cloire. La 



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cres, au nom de toute la compagnie. {Lettres de diverses 
églises à Véglise de Genève, 197 ^ no 47.) 



Lettre de l'Église de Chinon à VÉglise de 
Genève^ du i3 mai 1S61 

« La bénédiction de Dieu, nostre bon père, et la grâce 
■le nostre seigneur Jésus Christ, vous soient données et 
multipliées par la communication du St Esprit. Amen. 

« Très honorés frères et| pères, après que par la malice 
de Sathan et tyrannie des adversaires de la vérité, maistre 
François Paur (?), exerçant le ministère entre nous, fut 
constitué prisonnier, tout nostre trouppeau se trouva pour 
quelque temps intimidé et esperdu, mais tost après se 
ressentant de la vérité et efficace de la parole de Dieu en 
laquelle il avoit esté intruict par ce bon personnage, il 
reprint vigueur, et cognoissant que sans l'aide et minis- 
tère ë*un fidèle pasteur, il ne pourroit aucunement sub- 
sister, ne s*advancer en la droite cognoissance et service 
de Dieu, il déliberoit vous envoyer homme exprès pour 
vous requérir de luy assister et ayder de quelque person- 
nage suffisant selon les moiens que Dieu vous avoit 
donnez, quand un nommé Pinus, retournant du pays de 
Poictou, où il avoit usurpé le ministère, l'interrompit et 
empescha, abusant ce pouvre peuple mal advisé d'un faux 
donner à entendre, par lequel il luy persuada qu'il estoit 
légitimement éleu et envoie, et ainsi prescha entre nous 
jusques à ce que aux Estats d'Orléans, — où nous l'avions 
envoie pour nostre église, — il fut découvert par M. Mé- 
sange, fidelle ministre de la parole de Dieu à Orléans. 
Lors nous fumes pleinement advcrtis de ses faulsetez et 
malversations, qui nous troubla grandement, veu nostre 



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— 278 — 

trop grande légiéreté et imprudence. Touttefoys nous ne 
peumes faire aultre chose pour lors sinon gémir au Sei- 
gneur et implorer sa miséricorde. Ainsy nous conferraans 
les uns les aultres, feimes supplications à ce bon Dieu 
qu'il ne permist point que le trouppeau qu'il s'estoit 
recueilly entre nous fiist dorénavant abusé et séduict, 
mais qu'il luy pleust nous adresser quelque bon et fidelle 
ministre de sa saincte parole, pour lequel recouvrer certes 
nous avons tenté tous les moiens, qui se sont peu pré- 
senter en toute la France; présentans requestes aux syno- 
des qui se sont convoquez et aux plus célèbres églises ; . 
mais comme 11 ne se trouvoit aucun personnage suffi- 
sant, qui ne fust emploie et que l'extresme nécessité d'un 
tel aide nous commandast tant, nous n'avons peu nous 
retirer à meilleur reffuge qu'au vostre, ce que nous n'eus- 
sions tant différé faire sans l'advertissement que nous 
avons chacun jour de plusieurs églises nos circon voi- 
sines, qui ont envoie vers vous, lesquelles nous ont faict 
entendre que ceste tant exubérante fontaine d'hommes 
capables et suffisans, que Dieu a faict sourdre entre vous, 
est presque du tout espuisée, pour ce grand nombre 
d'ouvriers que Dieu en a tirés pour les envoier en sa 
maison ; touttefoys nous avons telle fiance en la bonté 
paternelle de nostre bon Dieu et au saint zèle qu'il vous 
a donné pour l'augmentation de sa gloire, advancement 
du règne de son bien aimé fils nostre (seigneur) Jésus 
Christ, et édification de son église que nous osons bien 
nous promectre d'avoir par vostre moien si tost que faire 
se pourra, ung bon et fidèle ministre pour nous conduire 
et entretenir aux voyes du Seigneur, — chose qui redon- 
dera grandement à son honneur et édification merveil- 



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— 2jg — 

qui la tellement enflammée en Tamour de la parole de 
Dieu, qu'elle n'a chose en ce monde qu'elle ne postpose 
pour avoir un fidèle ministre. C'est la cause, très hono- 
rez frères et pères, pour laquelle nous avons prié le gen- 
tilhomme présent porteur, que cognoissez, à ce qu'il 
s'emploiast pour nous en une si saincte alTaire, à laquelle 
aussi nous espérons que ne nous vouldrez défaillir. Nous 
avons baillé au dict porteur argent pour frayer à tout ce 
qui sera requis pour le voiage de celuy qu'il vous plaira 
nous adresser, et l'avons prié vous déclarer plus ample- 
ment rextremité en laquelle nous sommes pour le bon 
désir qui s'augmente tousiours en tous ceux de nostre 
église et le grand proufTit qui adviendra à toute nostre 
contrée par la venue d'un bon ministre, laissant à la 
suffisance dudict porteur à la vous faire entendre. Sur ce 
nous ferons fin par nos bien humbles recommandations 
à vos bonnes grâces et sainctes prières au Seigneur, lequel 
nous supplions vous maintenir tousiours en sa protec-? 
tion et sauvegarde. De Chinon ce iS" de may i56i. 

« Vos obéissans serviteurs et affectionnés amys. Signé 
Guillaume Le Boullangier, diacre de l'église de Chinon, 
au nom de tous. » Lettres de diverses églises à Véglise de 
Genève, 197 •, n» g5. 



Lettre de VÉglise de Chinon à V Église de 
Genève du i5 mai i56i 

a Salut par Jésus Christ, nostre Seigneur. 

« Très honorés seigneurs et pères, nous avons baillez 



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— 28o — 

tellement assisté par vostre moien, que le jour mesme 
de l'expédition dudict porteur, arriva iceluy que vous a 
pieu nous envoyer. Au quel recognoissons beaucoup de 
singulières grâces que Dieu a mises en luy, qui nous 
donne occasion d'espérer grande édification et advanse- 
ment à toute nostre assemblée, laquelle humblement vous 
remercye de luy avoir procuré ung tel bien, duquel elle 
ne sera jamays immémoratifve^ mais la trouverez tou- 
siours preste à s'emploier pour vous en tous les endroictz 
de son pouvoir d'aussy bon cœur qu'elle désire vous pré- 
senter ses bien humbles recommandations à vos bonnes 
grâces et sainctes prières, supplia ns au Seigneur vous 
maintenir en sa saincte «protection et sauvegarde. 

a De Chinon, ce i5ode may i65i. Vos humbles servi- 
teurs obéissans. Signé : De Caux, pour la compagnye. » 
Lettres de diverses églises à l'église de Genève y igj ^, 
no loi. 



Lettre de VÉglise de Tours à l'Église dQ 
Genève, du 24 mai i56i 

a Mes très honorez sieurs, ayant esté envoie par nostre 
consistoire de Tours en ceste ville de Paris pour tascher 
d'avoir un ministre, sinon pour tousiours, pour le moins 
jusques à ce que nous puissions resentir de la promesse 
qu'il vous pleust faire dernièrement au sieur Adrian 
O^^eray-y qu'avions envoie par devers vous à ceste fin. 



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— 28l — 

Fesponse s'est comme renouvellée l'occasion : car ilz ont 
conclud en leur conseil ne nous pouvoir visiter pour 
quelque temps que ce soit. Et nous sommes accrus et 
accroissons, grâces à Dieu^ de jour en jour, tellement en 
nombre qu^ à peine trois ou quatre suffiroient à nostre ville» 
Et nous sommes d'habondant chargez de sept ou huit 
petites villottes et grosses bourgades, qui ne peuvent 
avoir refPuge qu'à nous, tellement qu'il n'est plus possible 
qu'un seul puisse fournir ; et ne savons où avoir recours 
qu*à vous, de qui nous attendons toute assistance en une 
chose si sainte. Mais pour ce que le besoin nous presse 
comme plus a plein vous dira le gentilhomme porteur, 
nous vous supplions ne trouver mauvais si nous sommes 
contr^inctz vous suivre de près de promesse. Car (au cas) 
où il y auroit en cecy imporlunité, l'alTeciion de l'advan- 
cement du saint édillice de Dieu nous en peut justement 
dispenser. Or sans vous tenir davantage, nous vous sup- 
plions de rechef au nom de Dieu que vous nous secouriez 
le plus tost que pourrez selon l'extresme nécessité en 
laquelle nous sommes et que receviez nos très humbles 
recommandations à vos bonnes grâces et prières, sup- 
plians ce bon Dieu, mes très honorés sieurs, vous main- 
tenir et enrichir en toutes bénédictions spirituelles à 
l'avancement de sa gloire et de son œuvre. 

c De Paris ce 24e may i56i. Vostre très humble ser- 
viteur. Signé ; Antoine Delacroix y diacre de l'église de 
Tours, au nom du trouppeau. » (Volume cité, 197 », 
fo 106). 



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— 282 — 

No VI 

EXTRAIT 

d'une délibération du corps de ville de tours 
Du 12 juillet 159g. 



Henri IV avait envoyé à Tours deux commissaires pour 
faire exécuter l'édit de Nantes. Les réformés leur remirent 
une requête dans laquelle ils demandaient Tautorlsation 
de bâtir un temple en ville. Le maire et les échevins se 
réunirent et après avoir lu ladite requête, ils protestèrent 
énergiquement contre les prétentions des huguenots. 
Voici les passages principaux de leur délibération. 

« sera remonstré auxdits s^'^ commissaires que ceste 
requeste est de tout contre les termes de Fédict par lequel 
disertement ceste ville et faulxboufgs, comme estant ville 
archiépiscopale, est exempte de Texçrcice de ladite Relli- 
gion prétendue refFormée, et que le faict de prétendre 
pocession, en laquelle ils disent s'estre maintenuz par 
ladite requeste de faire Texercice de ladite Relligion pré- 
tendue refFormée, est non véritable; — au contraire que 
touttesfois ei quantes qu'ils l'ont voullu entreprendre, 



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— 283 — 

Beau ne, pour y faire prière ou aultre exerci-ce de leur 
relligion prétendue refFormée, ledit s'" Cotereau, en aiaht 
esté adverty, il se transf)orta en ladite maison et se saisit 
d'aulcuns, dont la plaincte aiant esté faicte à Messieurs 
du Parlement, lors séant en ceste ville, lesdils s" du Par- 
lement feirent defïences expresses auxdits de la Relligion 
prétendue reftormée de faire plus telles assemblées. — Et 
en l'an lôgi, le s^ de Vallesnes, l'un desdits eschevins, 
lors maire, aiant esté adverty que en la ihaison de 
M. Didier-Rou, l'un desdits de la Relligion prétendue 
reflormée, y avoit assemblée, feist appeler ledit Rou et 
aultres par devant ledit s»* de Souvré, qui les blasma de 
tel acte et leur feist de rechef deffence. — Au temps du 
mairat du s' de Baudry- Forget, en Tannée 1594, advint 
que en ung logis où estoit logée en ceste ville la dame 
cVHarmilîé, s'estoient assemblez lesdits de la Relligion 
prétendue refformée. 11 s'y transporta et aussy le s' Bou- 
chillon-Roger, lors lieutenant particulier en ceste ville et 
à présent J'ung desdits eschevins, qui en feist son procès- 
verbal et leur fut faict réitératives defFences. — Au temps 
du mairat du s' de Candé-Brodeau, en Tan lîgS, pareille 
recherche fut faicte contre lesdits de la Relligion prétendue 
refformée, qui s'estoient secretteiiient assemblez en une 
maison de la rue du Cygne, et leur feirent mesmes def- 
ferices; — et en l'an i5g8, au temps du mairat du s*" de 
Montorant, l'un desdits eschevins, aiant esté adverty 
d'une assemblée secrette faicte en une maison rue du 
Boucassin, il se seroit transporté en ladite maison et pour 
esvitter le tumulte qui se préparoit desia en ladite ville 
contre ladite assemblée, il en auroit faict emprisonner 
aulcuns, qui auroient esté eslargis dès le mesme jour au 
soir... — Et encores en la présente année iSgg, nous 
mayre aiant esté adverty d'une assemblée clandestine faicte 
en une maison près le grand marché,... en aiant par 
délibération expresse de ce corps faict plaincte audit s»* de 



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— 284 — 

Souvré, y assistans Messieurs de l^église et aulcuns desdits 
eschevins à ce depputez, ledit s"* de Souvré leur feist de 
rechef defFence, et déclara que c'estoit contre rinlention 
du Roy. Comme diverses fois des advertissements ont 
esté faicts en semblables cas,... partans lesdits de la Relli- 
gîon prétendue reformée ne se sauroient prévalloir par 
leur dicte requeste d'aulcune possession, ne dire avecq 
vérité quMlz aient faict aulcune assemblée publicquement ; 
mais ce quMlz peuvent en avoir faict a esté de nuict et en 
tout clandestinement. Et pour le regard dudit mémoire 
en forme de placet, sera remonstré semblabl^ment auxdits 
s" commissaires que ledit corps de ville se rapporte à 
Messieurs du clergé et à Messieurs de la justice et aux 
s" juges consuls à y respondre... — Au surplus seront 
instamment suppliez lesdits s'* commissaires ordonner 
que les mots portez par le mémoire ou placet scandalleux 
et repétition de ce que lesdits de ladite Relligion pré- 
tendue refformee disent estre advenu au fauxbourg de la 
Riche es années mil six cens soixante-deux et soixante- 
dou!(e à la Saint-Barthélémy, soit rayé non seulement 
comme contraire à la vérité, mais contre les ordonnances 
et même contre le i«r article dudit édict prohibitif de 
remettre en mémoire les injures et faicis passés durant 
les troubles. — Et pour ce que depuis que lesdits de la 
Relligion prétendue refiFormée de ceste ville se sont ac- 
commodez d'ung lieu qui estoit lors près de ladite ville 
pour leur cimetière, ladite ville a esté accreue... en sorte 
que le lieu est au dedans de ladite ville, (il est décidé) de 
requérir et demander auxdits s" commissaires qu'il leur 



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-. 285 — 

assistance de ministre ne aulcune cérémonie, et aupara- 
vant les heures de cinq heures du matin^ ne devant 
l'heure de huict heures du soir en esté, ne aussy en hiver 
après rheure de sept heures du matin et devant Pheure 
de cinq heures du soir. » (Registre des délibérations, 
t. XXVI, 1595 à 1601, fo457 et sq. Archives de la mairie 
de Tours). 



N<> Vil 
LETTRE INÉDITE 

DES RÉFORMÉS DE L ' I L E - B O UC H AR D 

Adressée à Richelieu le 19 décembre f633. 

A Monseigneur, 

« Les pasteur, anciens et diacres et chefs de famille de 
l'Église prétendue réformée de TIsle-Bouchard, remons- 
trent en toute humilité et submission à vostre Eminence 
que Texercice de la Religion prétendue réformée y aiant 
esté estably par le Roy défunt du temps qu'il en faisoit 
profession, et l'y aiant confirmé depuis qu'il feut parvenu 
à la couronne, par l'art. 9 de l'édict de Nantes, il y avoit 
à espérer pour eux qu'ils y jouiroient de ceste liberté tant 
que sa Majesté la soufFriroit ailleurs : veu surtout que 
défuncte Madame la Duchesse de la Trémouille les avoit 
asseurez par gentilhomme exprez que vostre Eminence 
avoit eu agréable de luy en donner des asseurances et 



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— 286 — 

promesses verbales, en exécution desquelles M. de Silly, 
s'auctorisant du pouvoir de vostre Eminence, les auroit 
establis au faubourg Saint-Maurice de vostre dicte ville 
de risle-Bouchard par l'advis et consentement unanime 
des babitans catholiques dMcelle, tant ecclésiastiques que 
séculiers^ comme il appert par Pacte publié qui en feut 
dressé et' laissé au gre£Pe pour y avoir recours. Ce qui 
leur estoit une singulière consolation de se voir, quoi- 
qu'aians beaucoup de peine et de frais, establis et recueillis 
soubz l'aveu et protection d'un Seigneur dont le pouvoir 
et réquanimité leur taisoit croire 'et espérer d*y estre 
maintenus contre toute sorte de dessins et d'efforts con- 
traires à leur liberté. Ce nonobstant. Monseigneur, il est 
arrivé depuis un an en ça par la malveillance des habi- 
tans oublieux de la tranquillité passée et de la bonne 
union qui avoit esté entre eux tous, qu'ils y ont esté 
molestez et troublez en diverses manières et exercices de 
la Religion prétendue réformée et contrains au mois de , 
mars dernier d'envoyer le si^ Du Péron exprez vers vostre 
Eminence pour se jeter à ses pieds et vous faire entendre 
leurs griefs et souffrances; mais n'ayant peu estre si 
heureux que d'avoir accez vers Elle, l'aflFaire feut commis 
au soin et à l'examen de personnes qui, distraites par de 
grandes occupations, n'eurent pas le loisir d'en bien con- 
sidérer. Toutesfois ceste mauvaise volonté des habitans 
n'avoit point prévalu qu'au passage de Mgr de Bordeaux 
par ladite ville... Vaincu par lesdites sollicitations, il 
nous défendit de plus continuer à l'advenir de nous 
assembler au lieu qui avoit esté veu et aggréé par mondit 
s' de Silly.;. Nous avons obéi, de sorte que depuis la fin 
de juillet dernier nous sommes demourez espars, sans 

consolation. p-mr^C^av à l^ «^oc»:^» ^4- ^r^ry*^r^A\^*l^^ Ai^ 



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-.287- 

rante-cinq ans... Plaise è vostre Éminence faire cesser les 
troubles et empeschemans que les habitants de vostre 
ville de FIsle-Bouchard nous donnent es fonctions de la 
Religion prétendue réforniée; nous rendre la paiit et la 
consolation dont jouissent en ce royaume tous ceux qui 
en font profession et nous permettre de continuer nos 
exercices en ladite ville ou en tel autre lieu commode 
qu'il vous plaira. 

«t Pour tous ont signé les i8 et ig^ de ce mois de 
décembre i633 : Vacher, pasteur; Beauté gUar (?), ancien; 
Martineau; Dubordieu, diacre; Marche; Quinson; Per^ 
râteau; Thenueil; Perroteau; Laplante; Lavaranne; 
Cartoy; de Viliers; Lahrosse de la Tour-Saint-Gelin ; 
Lebrevis (?) ; Lof or est ; Desbournays, s 

Archives du Ministère des Affaires Étrangères, France, 
nM749, f«>37. 



N'* VIII 
FERMETURE DU TEMPLE 

DE LA BUTTE 

i685 

Lettre du Lieutenant général de Touraine, 

9. Monseigneur, je fis rapport vendredi dernier en la 
chambre du Conseil d'une requeste de Tavocat du Roy 
au siège, pour Tabsence du procureur du Roy, par laquelle 

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— 288 — 

il remontra que Duvidal^ ministre de ceux de la Religion 
prétendue réformée de ceste ville, prisonnier dans nos 
prisons, avoit esté banny à perpétuité hors du royaume 
par sentance du siège du 1 6 de ce moys, par laquelle on 
auroit décrété de prise de corps contre SiquevillCy autre 
ministre de ladite religion, qui estoit en fuite. Au moyen 
de quoy ceux de la Religion prétendue réformée n^ayant 
plus de ministres, ne pouvoient plus s^assembler dans le 
temple de la Butte, suivant la déclaration de sa Maiesté 
du 3o aoust 1682, et en conséquence demandoit que le 
temple fust fermé, ce que les officiers de ce siège jugèrent 
par ordonnance du mesme jour, auquel eftect je me trans- 
porterois au temple. J'executé, Monseigneur, le mesme 
jour ceste ordonnance en présence de Tavocat du Roy, 
dont j'é dressé mon procès- verbal . Je prends la liberté, 
Monseigneur, de vous envoyer ceste ordonnance et le 
procès-verbal de mon transport et vous assurer que je 
suis, etc. Signé : Nau, lieutenant général en Touraine. 
— A Tours, ce 200 may i685. » 

Cest le 18 mai qu^il s'était transporté sur les lieux. Voici 
la partie saillante de son Procès- Verbal, qui est annexé à 
la lettre ci-dessus : a Nous avons mandé la veuve Chardon, 
consierge, pour qu'elle eust à nous représenter les clefs 
dudit temple (de la Butte). Ce qu'elle a présentement fait, — 
au nombre de deux, sçavoir : une grande et une petite... et 
ensuite avons fait faire ouverture dudit temple, entré en 
icelluy cl fait fermer les fenestres, contrevans et volets 
par le dedans dudit temple, ensemble les portes. Tune 
fermant à l'oriant et l'autre à l'occident, que ferme une 



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— 289 — 

clefs mises es mains de nostre greffier, dont et de quoy 
avons faict le présent procès- verbal. » — Archives na- 
tionales, TT 323. 



N^ IX 
EXTRAIT 

DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CORÏ>S DE VILLE 
DE TOURS 

Séance du 17 octobre i685. 



« Aujourd'hui mercredy 17 octobre i685, par devant 
nous Maire et Eschevins de la ville de Tours, en Thostel 
commun dMcelle ont comparu les cy-après nommez 
lesquelz en exécution de l'ordonnance de Monseigneur de 
Nointel, l'Intendant de ceste Généralité en date du (pas 
de date) de février, publyée et affichée où besoin a esté, 
nous ont représenté chacun un estât et mémoire des meu- 
bles et éfletz par eux acheptez de ceux de la Religion 
prétendue réformée, dont leur avons envoyé acte et 
ordonné que les ditz estatz et mémoires seront registrez 
es registres de ce corps pour y avoir recours quand besoin 
sera, dont la teneur s'ensuyt. 

* »»ii*^^ _ Le 2 octobre i685, moy Rouillé, j'ai 



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— 2Q0 — 

gens de la Religion prétendue réformée. — Premièrement^ 
de Madame veuve Dufourg, le 29 septembre 168 5, un 
moulin à passer la farine pour 7 livres 20 sols; du s^ de 
Sicquevilte, deux guéridons pour 3 livres. A Tours, ce 
17 octobre i685. Signé : Delaroche, rue des Carmes, 
paroisse Saint-Saturnin. 

« Preuilly. — Je déclare que i*ay achepté du s' Briot 
et de Mademoiselle Brioi un fil de perles, le 8» jour 
d*aoust i685, pour la somme de 5oo livres. Signé : 
Preuilly, paroisse Saint-Pierre-le-Puellier, que j'ay payé 
comptant 

« Delaunay. — Je recognois que le s' Jallot m*a remis 
entre les mains, il y a environ de six semaines, 36 marcqs 
de vaisselle d'argent, dont j'ai fait prix avec ledit sieur 
à raison de 27 livres le marcq, montant à la somme de 
972 livres. 

« Sillon, — Le 12 septembre i685, j'ay achepté de 
M. Brethon deux miroirs et deux lustres '^5o livres, plus 
une tanture et tapisserie de Flandre 400 livres 

• Baron. — J^ déclare avoir achepté du s^* Jean Briot, 
le 1 1« du présent moys^ une table avec ses deux guéridons 
et deux petits tableaux la somme de 200 livres. Puis je 
déclare avoir en dépost dudit sieur le nombre de huit ta- 
bleaux de plusieurs grandeurs. Fait le 17 octobre i685. 
Signé : Baron/ paroisse de Saint-Pierrc-le-Puellier..«.. 

« Haf^uenier et Richekourg, — Mémoire des meubles 
que j'ay acheptez avec mon beau-frère Haguenier, mar- 
chand frippier à Tours, de Messieurs de la Religion pré- 
tendue réformée. — Du i3 aoust i685, achepté à Ma? 
dame veuve Delacour une vieille tanture de feuillet^inct 
d'Auvergne, pour le prix de 40 livres. Plus un miroir à 
cadre de noyer, 22 livres. Plus pour 14. livres de batterie 
de cuisine, et vieux draps, neuf livres, payez comptant, 

« Du 20 septembre i685, nous avons achepté de Ma-- 
dame Fleury, la veuve, demourant rue des Carmes, une 



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— 291 — 

vieille tgnture de tapisserie et quatre feuilles de paravant, 
plus douze draps communs, seize douzaines de serviettes 
de brain commun, plus dix nappes grosses, plus trente- 
quatre serviettes et deux nappes ouvrées presque usées, 
un miroir h cadre noir, un vieil lit garni dç son tour de 
lit feuille morte, le tout ensemble prix faict à 386 livres. 
Payé comptant « 

« Le 210 de septembre i685, nous avons achepté de 
Madame (Falaiseau) de Villenelle une vieille tanture de 
tapisserie, dix-huit chaises de table couvertes de moc- 
quade, un quipola couvert de mocquade, une vieille table 
et deux guéridons, le tout ensemble pour le prix de 
1 20 livres. — Puis achepté pendant son enquam douze 
draps communs^ six draps de brain, quatorze douzaines 
de serviettes, douze nappes, quatorze chaises couvertes de 
housses de poinct d*Hongrie et douze chaises couvertes" 
de thoille verte et six chaises de paille, le tout ensemble 
pour le prix de 370 livres; laquelle somme j'ay payé 
comptant, / 

« Du jor octobre 168 5, nous avons achepté de M. Bre- 
thon, de Isi rue du Pallais, une vieille tanture de tapisserie 
contenant quinze aulnes, une table, deux guéridons, un 
miroir, douze chaises couvertes de brocatel jaulnes et 
blanches; le tout ensemble pour le prix de 332 livres 
10 sols. Payé comptant. 

« Du même jour, nous avons achepté de M. Setgnouret^ 
- demourant rue des Carmes, douze chaises couvertes de 
brocatel, six chaises de paille, deux chaises à grand dos, 
deux tables, tleux guéridons, quatre tabourets, un écran, 
un miroir, un quinola, cinquante-six livres de vaisselle 
d'estain, un bois de lit, plusieurs morceaux de fayence 
servant sur une cheminée, une rafraîchissoire, le tout 
ensemble pour le prix de 227 livres 4 sols. Payé comptant. 

« Du 2 octobre, nous avons achepté de Madame Char- 
don, de la rue des Carmes, douze chaises couvertes de 



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— 292 — 

brocatel, un quînola, une table, deux bois de Ht, le tout 
pour la somme de So livres 

« Le 8 octobre i68b, nous avons achepté de M. Guil, 
un lit garny de soye rouge, de son matelas, bois de ht et 
paillasse et une vieille couverture ; un lit vert garny de 
son lit de plume, matelas, bois de lit, paillasse et une 
couverture verte ; vingt-quatre chaises couvertes de moc- 
quade, douze chaises couvertes de toilles vertes, six chaises 
et six ployans couverts de housses de tapisserie, une 
chaise de repos couverte de mocquade, cinq feuilles de 
paravant, une table, deux guéridons, deux armoires à 
deux fenestres, deux méchants lits de vallet, un miroir, 
une vieille tanture de Bergame, trois paires de petits 
chenetz, une chaise percée, une vieille tanture de tapis- 
serie, un moulin à farine et plusieurs menues bagatelles 
quy se sont trouvées dans la maison. Le tout pour le 
prix de ybo livres que nous avons payé comptant, et 
trente-deux chaises quy sont du marché, lesquelles ne 
nous sont point livrées^ esta n s à sa maison de campagne, 
dont j'en ay son billet pour les taire venir..., etc., etc. » 

Voici du reste les noms des réformés dont il est fait 
mention dans ce curieux document : 

Allain, Bouchet, Brethon, Briot, Berrin, Philippe de 
la Cour, Isaac de la Cour, Jean de la Cour, Cormier, 
Cortel ({], Causay, Chevallier, Chesnon, Chardon, Des- 
champs, Dufourg, Delaunay, Deschaux, Fanjoux, Falai- 
seau de Villenelle, Fleury, Guill, Ménessier, Norieux ' 
Planche, Quenouault, Renou, Renouard, Soubzmain, de 



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— 2g'5 — 

No X 
EXTRAIT 

lU MÉMOIRE DE l'iNTENDANT DE TOURAINE 
De 1698 



«f Au temps de Louis XIII les étrangers venoient eux- 
mesmes acheter les marchandises et il y avoit plus de 
20,000 ouvriers en soye à Tours, y compris les apprenti fs 
et plus de 8,000 métiers d^étoffes de soye, 700 moulins à 
soye et plus de 40,000 personnes employées à dévider la 
soye, à Taprester et à la fabriquer, — au lieu qu'il n'y a 
maintenant que 120 métiers, 70 moulins et 4,000 per- 
sonnes occupées au travail de la soye^ non compris la 
rubannerie dont il y a eu autrefois 1,000 métiers, tant à 
Tours qu'aux environs, et dont il ne reste maintenant 
que 60. » (f» 195). 

La draperie est ruinée. Il y avait « plus de 25o métiers 
autrefois et plus de 120 maîtres. Il n'y a maintenant que 
i5 à 16 maîtres. » (f» 199). 

A Tours « il y avait avant la guerre goo huguenots^ 
tous marchands et fabriquans, il n'en reste plus que 400, 
y compris les enfants; les autres sont allez en Angleterre 
et en Hollande, où 1/5 ont étably leur fabrique et leur 
négoce, (f» 210). 

A Chinon, « il y a eu autrefois 1 2 familles d'huguenots, il 
en reste encore 8^ Les 4 autres sont sorties du royaume. » 

(t«2I7). 



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— -^'M — 

De Preuilly, • il est sorti depuis i3 à 14 ans 25 familles 
d'huguenots, et il en reste encore 26. » (fo 244). — (Ar- 
chives du Ministère des Affaires Étrangères, France, 
no 1,749). 

Examinons deux chiffres donnés par Miromesnil dans 
le rapport dont nous venons de citer quelques passages . 

D'après lui il y aurait eu à Tours, en i685, g o(^ hu- 
guenots, tous marchands et fabricants, ce qui ferait sup- 
poser que la population protestante de Tours s'élevait à 
cette époque au chiffre de 3,6oo personnes environ. L'in- 
tendant à évidemment exagéré. En effet les pasteurs de 
la Butte ont célébré en 1680, 34 baptêmes; en 168 1, 36 ; 
en 1682, 20; en i683, 3o; et en 1684, 3o ; — soit 
i5o baptêmes en 5 ans, ce qui nous donne une moyenne 
de 3o baptêmes par an. Or en admettant que le chiffre 
des naissances soit à celui de la population comme i est 
à 5o (c'est à peu près la proportion actuelle pour Téglise 
réformée de Tours), on doit conclure, comme nous I'a\'ons 
fait, qu'il y avait dans notre ville i,5oo protestants 
environ au moment de la Révocation. — Bien que nous 
regardions comme faux ce chiffre de 900 marchands et 
fabricants donné par Miromesnil, nous croyons qu'il 
devait être dans le vrai quand il écrivait qu'il ne restait 
à Tours, en 1698, que 400 personnes y compris les 
enfants, ayant appartenu à la Religion réformée, soit au 
plus une centaine de chefs de^famille. Dans le premier 
cas en effet l'intendant parle d'un passé qu'il ne connais- 
sait que par les rapports plus ou moins exacts de son 
prédécesseur et de son entourage ; dans le second au con- 
traire il cite un chiffre dont il avait pu vérifier l'exacti- 
tude, puisque l'autorité possédait en 1698 des listes 
nominatives des nouveaux convertis. 



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— 295 



No XI 
LISTE 

DES PROTESTANTS EMPRISONNES DANS LE DONJON DE 
LOCHES 

Après la Révocation. 



1686. — De risle du Gast, sorti en 1688 ; 

Anne Martroy, femme Fontaine. 

1687. — Th, de Beringhen, sorti en 1688; 

Sanson de Cahanel, ancien de l'église de 

Saint-Lô, exilé plus tard; 
Hdmonnet^ exilé à sa sortie de prison ; 
M^* de Mareonnay; 
Mesnage de Cagny, sorti en 1688 ; 
De Saint-Jean f sorti en 1688; 
■3/me pauU sortie en 1693. 

1691. — De Puichenin; 

Des Misnières, transféré dans une autre prison 
d'État en 1694. 

1692, — Cibot ; 

Des Loges ; 

Hudely transféré en 1692 ; 

Ingrand de la Dornatiere; 

La Gaillarderie, transféré en j 70 1 . 
i6q3. — C/iai7/é, médecin, transféré en 1695 au Château- 

Trompette de Bordeaux. 
1690. — ^^/'"^ Devorie. 



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— 296 — 

1 70 1 . — -!/*'• Desmoulins, de Blois. 

Voir France protestante^ pièces justificatives. 



N'^ XII 



REGIE 

DES BIENS DES REFORMES 



« La plus grande partie des biens (des religion naires 
fugitifs), n'a jamais été mise en régie^ est-il dit dans une 
pièce officielle de 1723, intitulée : Analyse des édicts et 
déclarations relatifs aux Religionnaires fugitif s (Archivas 
nationales TT 444, page 5), soit par Tartifice des réfrac- 
taires ou par la négligence des préposés; » — mais il n'en 
reste pas moins vrai qu'un grand nombre de rentes et 
d'immeubles furent saisis par l'État. Voici quelques 
détails sur les opérations de la régie en Touraine, tirés 
des comptes du régisseur et des pièces justificatives qui 
les accompagnent. 

« Le 26 may 1700, on a saisy le tiers de la terre du 
Marais, située paroisse d'Antoigny (élection de Chinon), 
lequel tiers peut valoir 5oo livres de renie, appartenant 
au sieur Bonnard de Seligny, 5' de Grand-Maison, reli- 
gionnaire fugitif. 

« Reçeu du s' Gautier, notaire, la somme de i6o livres 



nmir linp ann^^A Aa. 1^»». 



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- 297 — 

« Reçeu de Marguerite Maubon la. somme de 6g livres 
qu'elle déclaroit devoir à Claude Baudouin^ religionnaire 
fugitif. 

« Le 28 juin 1700, il a esté saisy entre les mains du 
fermier une closerie appelée Puytorson, paroisse de Vou- 
,vray, appartenant aux hérittîers de Claude Baudouin, 
religionnaire fugitif. 

a Le 23 juin 1700, il a esté saisy entre les mains de 
Louis Saget, etc., deux logis sittuez en ceste ville de 
Tours, appartenant au s' Samuel Falaiseau et veufve 
Falaiseau de Boisjoly, religionnaîres fugitifs. 

« Le 28 de may 1700, l'on a saisy entre les mains de 
Barthélémy Barat, locataire d'une maison située rue de la 
Scellerie, à Tours, appartenant aux hérittiers Claude 
Baudouin, religionnaire fugitif. 

« Le 17 du mois de may 1708^ en vertu d'ordonnance 
de Monseigneur Turgot, l'on seroit oposé au scellé aposé 
ez la maison de Philippe Gaudin, serrurier à Tours, 
décéddé au commencement dudit mois sans avoir voulu 
recevoir les sacremens (bien) qu'il eust auparavant faict 
abjuration de son hérésie» et par autre ordonnance de 
mondit seigneur Turgot, du 3 juin 1709, faict saisir les 
biens dudit Gaudin et de Renée d^Aubigny, son espouze, 
mprte dès le mois de juillet 1703, sans aussy avoir voulu 
se reconnoistrc. » 

En 1709, la régie encaissa i3 livres i3 sols pour loyer 
d'une closerie appelée La Motte, dans la paroisse de 
Saint-Denis, appartenant à Jean Hanard, religionnaire 
fugitif. 

En 1728, le régisseur fit saisir un pavillon et ses dépen- 
dances, situés paroisse de Chissay, et par autre exploit 
a un arpent et demy de terre joignant la rivière du Cher, 
ensemencée de bled la présente année, situé paroisse de 
Saint-Martin-le-Bel, le to\it appartenant au s' ministre 
Daillé et Anne Falaiseau, son espouse. » 

10. 



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— 298 — 

On avait d^ailleurs 8ai«i à Daillé « trois maisons situées 
rue des Jésuites, trois autres rue Traversine. • 

Enfin l'on avait fait main basse a sur une chambre et 
un petit jardin, » appartenant au s' Fanjou, 

Si Ton veut avoir une idée de ce qu'étaient les recettes 
et les dépenses de la régie de la généralité de Touraine, 
au commencement du xviii* siècle, qu'on lise le compte 
ci-dessous. 



« Bordereau de recepte et dépence du compte rendu 
par le sl^ Proust de SerdelleSt des biens des religionnaires 
fugitifs de la Généralité de Tours pour Vannée 1706, 
arresté par Monseigneur l'Intendant ^ le 18* de septem^ 
bre IJ08, 



Premièrement. 

RECEPTES 

Élections. 

Pour le débet du compte précédent sauf les 
reprises de la somme de 1.17g liv., i8s.,3d. 



Du Mahs, 


— 


297 


2 


5 


D'Angers, 


— 


900 








De Saumur, 


— 


340 


10 





De Montreuil-le-Bellay, 


— 


3i6 


i3 


4 


De Richelieu, 


— 


74 








De Loudun, 


— 


162 


i3 


4 


De Tours, 


eptes.... 


319 


6 





Total des rec 


. 3.593 liv., 


3s, 


,4d. 



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- 299 ~ 



Deuxièmement, 



DEPENCES ET REPRISES SUIVANT LES APOSTILLES 

Élections. 

Le Mans, la somme de 21 liv., 1 1 s.,od. 

Angers, — 2.323 6 6 

Saumur et Mon treuil, — 164 20 

Richelieu, — 5 19 o 

Loudun, — 84 19 o 

Tours, — 1.175 i8 o 



Total de la dépence..,. 3.776 liv., i5s.,6d. 



Partant, la dépence excède la recepte de cent quatre- 
vingt-deux livres, douze sols, deux deniers, sauf les 
reprises au prochain compte de quelques parties, sy 
182 livres, 12 sols, 2 deniers. » 

Toutes les pièces, dont nous venons de citer quelques 
passages et le compte du s^ Proust, sont conservées aux 
Archives nationales, liasses TT 81 et TT 82. 



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TABLE DES MATIÈRES 



Chapitre I. — Les Origines du Protestantisme en 
Touraine. — Des prêtres habitués de Saint-Martin 
prêchent la doctrine luthérienne en i525. — Le concile 
provincial de Tours de i528 ordonne l'extirpation de 
l'hérésie. — Persécutions. — Catherine Mareschal est 
brûlée en i532. — Affaire des placards. — Supplice de 
deux rubaniers de Tours, le i8 septembre i535. — 
Émigration. — Octavien Blonde!, lapidaire de Tours, 
est brûlé vif en 1 548. — Progrès de la Réforme. — Jean 
de l'Ëspine et Gerbault, moines augustins, prennent la 
direction du mouvement. — Supplice de Jean Godeau, 
de Chinon. — Les délégués de la Confédération helvé- 
tique viennent à Tours demander au roi la grâce des 
cinq écoliers de Lyon. — L'archevêque Etienne Poncher 
réclame l'organisation d'une chambre ardente. • i 

Chapitre IL — De V organisation de V église de Tours à 
la conspiration d'Amboise, i556-j56o. — Organisa- 
tion de l'église de Tours en i556. — Luttes : La Bedoire 
et les pasteurs envoyés de Genève. — Supplice de Phi- 
libert Hamelin et de Jean Caillou en ibb'j* — Mesures 
prises contre les réformés. — Les meneurs du parti 
sont enfermés dans les prisons de l'archevêché. Suites 
de cette affaire d'après la lettre de Riseus à Calvin, du 
16 mai 1559 33 



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— 3o2 — 

Chapitre III. — De la conjuration d'Amboise au mas- 
sacre de Vassy, i56o à i562. ^ Les églises de Saint- 
Avertin, de Chinon, de Cormery, d'Azay, de Saint- 
Christophe et de Ligueil. — La conjuration d*Amboise. 

— Mascarade à Tours. — Le moine Richelieu. — Le 
Camus remet un mémoire à Catherine de Médicis. — 
La noblesse deTouraine réclame la liberté de conscience. 

— Le cahier du Tiers-État de Tours, juin 1 56 1 . — Les 
réformés s'emparent de Péglise des Cordeliers en i56i. 

— En février i562, ils pillent l'église du Chardonnet. 

— Église de Loches. — Etienne de Longueville à Saint- 
Christophe 48 

Chapitre IV. — Du massacre de Vassy à la promulga- 
tion de Védit cVAmboise, i562 à i563. — Les hugue- 
nots s'emparent de Tours. — Pillage des édifices reli- 
gieux. — Le maréchal de Saint- André entre en ville 
avec le clergé. — Massacres à Ligueil, à Loches, à File- 
Bouchard, à Tauxigny, à Azay. — Boucherie de Téglise 
de la Riche. — Persécutions et noyades à Tours. — 
Mort du président Bourgeau. — Listes de suspects. — 
Nomination de quarteniers chargés de surveiller les 
huguenots ' 76 

Chapitre V. — De Védit d'Amboise à la Saint-Barthé- 
lémy, i563-i5y2. — L'édit d'Amboise. — Requête 
adressée au roi. — Les officiers du présidial. — Ouver- 
ture d'un temple à Maillé (Luynes), le 4 septem- 
bre 1564. — Supplique sous forme de plainte adressée 
au roi; insultes, massacres. — Réponse de»^:atholiques. 

— Émeute du 8 juillet i565 : huit protestants égorgés. 

— Violences exercées à Maillé contre les réformés 
en i568. — Ouverture d'un temple à Villefrau pour 
les protestants d'Amboise. -- Loches, Preuilïy, l'Ile- 
Bouchard. ~ Legaigneux à Maillé 100 



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— 3o3 — 

Chapitre VI. — De la Saint- Barthélémy à la promulga- 
tion de Védit de Nantes, i5y2 à i5g8, — La Saint- 
Barthéleray en Touraine. — Pillages. — Le traité de 
Beaulieu, iSyô. — La ligue. — Entrevue d'Henri de 
Béarn et d'Henri III au Plessis. — Mayenne attaque 
Tours. Il est obligé de battre en retraite devant les 
casaques blanches du Béarnais. — Entrée d'Henri IV à 
Tours. — Les réformés se réunissent clandestinement. 

— Le clergé excite le peuple contre eux. — Actes d'in- 
tolérance à Preuilly, à l'Ile-Bouchard et à Sainte- 
Maure— Cou p-d'œil rétrospectifsur le xvi" siècle. i33 

•Chapitre VII, -- De la promulgation de Védit de Nantes 
à Vémeute de 162 1, — L'édit de Nantes. — Églises de 
Touraine au commencement du xvii© siècle. — Le 
temple de Plessis-les-Tours. — Cimetières. — Organi- 
sation : consistoires, colloques, synodes. — La vie inté- 
rieure d'après les actes des synodes de la province, — 
Instruction de la jeunesse. — Étudiants en théologie. 

— Controverse. — Questions financières. — Disci- 
pline l52 

Chapitre VIII. — De Vémeute de 162 1 aux préludes de 
la Révocation, 162 1 à 1 660* — Enterrement de Lenoir. 

— Émeute. — Le cimetière du Petit-Genève est dévasté; 
le temple du Plessis brûlé. — Deux réformés jetés en 
prison. — Le roi intervient : nouvelle émeute. — Le 
tribunal envahi par la foule. — Louis XIII vient à 
Tours et fait pendre cinq émeutiers. -- En 1626 
les protestants sont autorisés à construire un temple 
à la Butte, inauguré en i63i. — Preuilly : le pas- 
teur en prison en 1637. — Châtillon : temple brûlé 
en 1 546. — Persécutions à l'Ile-Bouchard. — Plaintes 
du clergé. • . . . , . 167 

Chapitre IX, -- La Révocation de Védit de Nantes. — 



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— 3o4 — • 

Ordonnances royales contre les protestants. — Plainte 
d'un chanoine de Tours contre les pasteurs de Preuilly. 

— Un sermon de du Vidal. — Combien y avait-il de 
réformés en Touraine à la veille de la Révocation^ 
Leur situation. — Affaire de la Communauté des Or- 
fèvres, — Procès intenté à du VidaPen 1681, à propos 
d'une conversion imaginaire. — Nouvelles poursuites 
en i683. — Du Vidal en prison. — Jugement du tri- 
bunal de Tours, du i6 mai i685, ordonnant la démo- 
lition du temple de la Butte. — Condamnation des 
deux pasteurs et des membres du consistoire. — Appel. 

— Le sr de Hautecourt est chargé de baptiser les enfants. 

— Mesures inquisitoriales. — Édit de Révocation. — 
Joie du clergé x8S 

Chapitre X. — La Révocation de Védit de Nantes (suite). 
Fuite des protestants. — Nouveaux convertis. — His- 
toire de Cardel. — Forçats pour cause de religion. — 
Prisonniers de Loches. — Enfants enlevés à leurs pa- 
rents. — Conséquences de la Révocation au point de 
vue religieux et au point^de vue industriel et commer- 
cial. — Opinion de Foucault sur la Révocation. -- Les 
biens du consistoire de Tours donnés aux hospices; 
ceux du consistoire de Preuilly mis aux enchères. — 
Régie des propriétés et des rentes des religîonn aires 
fugitifs. — Les derniers protestants de Touraine au 
xviiio siècle : Renée d'Aubîgny, Philippe Gaudin, fa- 
mille Dutems 2o5 

Chapitre XI. — Le Protestantisme en Touraine au 
XIX^ siècle, — L'église anglaise. — Organisation de 



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— 3o5 — 

réformés de Tours achètent Tancienne église de Tunioa 
chrétienne en 1844. ,.....,. 228 

CHAPITRE XII. — Le Protestantisme en Touraine au 
XIX^ siècle (suite). — Huismes. — M. Fuzier à la 
Chapelle- aux-Naux. — Procès intenté à Caltelain et à 
Sureau. — Le maire de Huismes interdit au pasteur de 
célébrer le culte. — Liberté 'rendue en i863. — Écoles 
protestantes de Tours. — Comité de bienfaisance. — 
Ambulances pendant la guerre de 1870. — Coup-d'œil 
sur Pétat du protestantisme en Touraine, . . • 242 



APPENDICES 



No I. — Pasteurs de Touraine au xvi^, au xvii® et au 
xix^ siècle 263 

No IL — Actes des synodes de la V* province ecclé- 
siastique. • • » 266 

No III. — Extrait d^une lettre de Riseus à Calvin^ du 
16 mai iSSq. • ••••• 270 

No IV. — Noms des protestants de Touraine reçus bour- 
geois de Genève au XV I^ siècle, ....... 272 

No V. — Quatre lettres inédites, de i56i. . . . 275 

No VI. — Extrait d'une délibération du corps de ville de 
Tours, <\\ji j 2 juillet 1699 • 282 

No VIL — Lettre inédite des réformés de Vile-Bouchard, 
adressée à Richelieu le 19 décembre i633. • .. 285 

No VIII. — Fermeture du temple de la Butte en 1 685 287 



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— 3o6 — 

N» IX. — Extrait du registre des délibérations du coi-ps 
de ville de Tours, octobre t685 28g 

N« X. — Extrait d'un mémoire de l'Intendant de Tou- 
raine, de 1698 2g3 

N® XI. — Liste des protestants emprisonnés dans le 
donjon de Loches après la Révocation 2g3 

S^ Xll. "' Régie des biens des réformés 296 



Fin 



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BLOIS, IMPRIMERIE R. MARCHAND. 



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DUPIN de Saint-André 

Histoire du Protestant iam 
en Toiaralne. 



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